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Échange stratégique

Revue de l’année 2022 : les retombées de la désensibilisation aux risques

12 janvier 2023 par Peter Muldowney

Blocs montrant la transition de l’année 2022 à 2023

Les turbulences du marché au cours des dernières années ont culminé avec un important repli des actions cotées et des titres à revenu fixe en 2022. Cependant, le chemin parcouru a permis de tirer des enseignements et des leçons utiles, notamment des expériences vécues au plus fort de la pandémie en 2020. Cet article examine dans quelle mesure les investisseurs ont tenu compte des signaux d’alarme ou s’ils ont été désensibilisés aux risques qui en découlaient.

David Hillson, consultant international en gestion du risque, définit le risque comme des « incertitudes importantes ». Autrement dit, lorsqu’on examine les diverses incertitudes liées aux placements, l’essentiel est de comprendre à quel point les conséquences pourraient être importantes si les choses ne se déroulent pas comme prévu. L’évaluation et l’acceptation du risque varient d’un investisseur à l’autre. Cela s’explique par le fait que différents investisseurs ont différents niveaux d’appétit pour le risque et de tolérance au risque.

Selon la définition d’Hillson, les conséquences pratiques pour les investisseurs consistent à hiérarchiser les risques au moment de décider comment y réagir. Par exemple, si un risque donné a une faible incidence et une faible probabilité, vous pouvez choisir de l’accepter. Toutefois, pour les risques importants et dont la probabilité est plus élevée, vous voudrez agir. Cela peut comprendre le contrôle de l’exposition au risque au moyen d’une meilleure diversification du portefeuille ou l’élimination complète du risque, si possible.

Enseignements tirés de la pandémie

Dans le contexte récent des marchés, la pandémie a fait ressortir des enseignements et des signaux d’alarme, dont les suivants :

  • Une concentration accrue des marchés boursiers, en particulier des sociétés technologiques;
  • Un risque accru de hausse des taux d’intérêt et un potentiel de rendements négatifs des titres à revenu fixe;
  • Des gouvernements du monde entier travaillant ensemble pour gérer des enjeux mondiaux importants.

Concentration des marchés boursiers

Il n’y a eu aucune surprise lorsque les marchés boursiers ont reculé en réaction à la propagation de la pandémie au premier trimestre de 2020, car les investisseurs ont réagi aux répercussions sur l’économie et au sort de certaines sociétés, en particulier celles du secteur des voyages et du tourisme, alors que le monde amorçait diverses étapes du confinement. Toutefois, la rapidité de la reprise a surpris la plupart des investisseurs.

Soutenus par des mesures d’assouplissement quantitatif exhaustives, les marchés boursiers se sont fortement redressés et plusieurs ont enregistré des rendements positifs importants pour l’année civile 2020. Parmi les actions les plus performantes à l’échelle mondiale en 2020, mentionnons celles des sociétés technologiques, qui ont profité de la dépendance accrue au commerce électronique durant la pandémie. Toutefois, cette solide performance a également entraîné une concentration accrue des principaux indices boursiers. Par exemple, Apple, Microsoft, Amazon, Facebook et Alphabet Inc. ont représenté plus de 20 % de l’indice S&P 500 à la fin de 2020. Ce rendement impressionnant a également désensibilisé les investisseurs au risque de concentration.

Les actions américaines sont généralement la composante la plus importante des portefeuilles de la plupart des investisseurs, de sorte que la concentration accrue a suggéré qu’une révision de la construction globale du portefeuille d’actions était appropriée. Pour ceux qui privilégient les marchés boursiers développés mondiaux à grande capitalisation, où les États-Unis dominent la capitalisation boursière globale, les considérations potentielles comprennent l’ajout de placements dans les actions mondiales à petite capitalisation et les actions des marchés émergents.

Toutefois, la diversification de la répartition globale des actions pour réduire le risque propre aux actions américaines n’a pas réglé le problème de la préférence pour les technologies de l’information, car les titres technologiques à l’échelle mondiale ont grandement profité de la dépendance au commerce électronique durant la pandémie. Par conséquent, une évaluation de la préférence générale pour le style de gestion des actions était également de mise. Par exemple, les gestionnaires axés sur la valeur sont moins enclins à investir dans des titres technologiques, ce qui offre une source de diversification sectorielle.

La réduction de toute préférence pour les titres technologiques et de croissance en général aurait été un avantage en 2022, puisque ceux-ci ont été les plus touchés au cours de l’année civile. Les hauts et les bas de certains titres et secteurs soulignent l’importance de disposer d’un processus formel d’évaluation du risque pour discuter des incertitudes qui se présentent et les traiter, comme le risque de concentration.

Risque lié à la hausse des taux d’intérêt

Les taux des titres à revenu fixe sont en baisse depuis des décennies, période au cours de laquelle les gouvernements et les sociétés ont profité de l’occasion pour prolonger considérablement l’échéance de leurs obligations lorsqu’ils effectuaient de nouvelles émissions. Ce faisant, ils ont contribué à une sensibilité accrue aux variations des taux d’intérêt (durée) pour les indices de titres à revenu fixe, comme l’indice des obligations universelles FTSE Canada, et au risque associé de faibles taux de rendement combiné à une durée élevée dans un contexte de hausse des taux. Pendant des années, les « experts » ont prédit une hausse des taux d’intérêt qui n’a pas eu lieu, ce qui a incité les investisseurs à baisser la garde à l’égard du risque qui en a découlé.

De plus, l’expérience du marché des titres à revenu fixe durant la pandémie a simplement alimenté la désensibilisation des investisseurs. En période de tensions sur les marchés boursiers, un portefeuille de titres à revenu fixe de qualité assorti d’une durée élevée peut constituer une importante source de diversification en raison de la demande accrue d’actifs « refuges » et de la baisse des taux. Ceci a d’ailleurs permis aux marchés des titres à revenu fixe de dégager des rendements positifs lorsque les marchés boursiers subissaient d’importants replis. La nature défensive des titres à revenu fixe s’est concrétisée en 2020, car l’indice des obligations universelles FTSE Canada a inscrit un rendement de 8,7 % pour l’année, malgré le faible taux de rendement en vigueur.

Toutefois, le risque associé à la faiblesse des taux et à une durée élevée dans un contexte de hausse des taux d’intérêt s’est manifesté avec force en 2022, car l’indice obligataire universel FTSE Canada a reculé de plus de 11 % et l’indice obligataire global à long terme FTSE Canada, de plus de 21 % pour l’année civile.

Les mesures prises par les investisseurs qui ont un objectif de rendement absolu et qui ont tenu compte des signaux d’alarme relatifs aux faibles rendements et à la durée élevée comprennent les suivantes :

  • Adopter des stratégies de titres à revenu fixe axées sur la préservation du capital et moins sensibles aux taux d’intérêt;
  • Assouplir les contraintes imposées aux gestionnaires de titres à revenu fixe dans le but de générer une plus grande valeur ajoutée par rapport à celle des stratégies de titres à revenu fixe traditionnelles;
  • Augmenter le taux de rendement au moyen d’autres actifs à revenu fixe, comme les prêts hypothécaires commerciaux;
  • Investir dans des actifs à revenu non fixe à rendement plus élevé, comme les infrastructures directes et les biens immobiliers commerciaux.

La situation est différente pour les investisseurs qui ont des objectifs liés au passif, comme les régimes de retraite à prestations déterminées, où, dans de nombreux cas, malgré les rendements négatifs des actifs des régimes de retraite en 2022, la diminution du passif a été plus importante, ce qui a amélioré la capitalisation. Or, pour les régimes qui ont recours à l’effet de levier dans leur portefeuille de titres à revenu fixe pour accroître la couverture du passif, l’expérience du marché en 2022 peut avoir détérioré la capitalisation.

En raison de la dynamique de l’actif et du passif des régimes de retraite à prestations déterminées, les prochaines évaluations du risque et les discussions connexes porteront probablement sur la question de savoir si l’expérience de 2022 a créé une occasion de tirer parti d’une amélioration de la capitalisation. Par exemple, lorsque l’objectif est de gérer la volatilité associée à la capitalisation, l’augmentation de la pondération des titres à revenu fixe pourrait constituer un facteur de gestion du risque.

Des gouvernements qui travaillent ensemble

La pandémie a montré que les gouvernements du monde entier peuvent travailler ensemble pour s’attaquer à d’importants enjeux mondiaux et a créé des attentes à l’égard d’une meilleure coordination de l’investissement responsable en général, et plus particulièrement du risque climatique.

La guerre actuelle en Ukraine et son incidence sur l’offre et les prix de l’énergie ont fait en sorte que les marchés fortement axés sur les ressources, comme le Canada, ont profité de la hausse de la pondération du secteur de l’énergie, ce qui a contribué à limiter l’ampleur des replis des marchés en 2022 par rapport aux marchés moins exposés aux ressources. La situation a également mis en évidence les défis que représente l’adoption d’une position sans placement dans les combustibles fossiles au sein d’un portefeuille au cours d’une période où l’énergie était le secteur boursier le plus performant.

Néanmoins, il est essentiel que les gouvernements et les propriétaires d’actifs ne soient pas insensibles à l’importance et à l’urgence d’une transition vers des énergies renouvelables et plus propres, simplement en raison de la récente expérience de rendement des placements. Même si le monde reste fortement tributaire des sources d’énergie traditionnelles et qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire pour réduire notre empreinte carbone, une transition continue et ordonnée vers des énergies plus propres est essentielle pour gérer l’impact du risque climatique.

Perspectives

Les turbulences des dernières années ont contribué à désensibiliser les investisseurs aux risques qui en découlent. La gestion du risque ne doit pas seulement reposer sur une modélisation complexe; elle peut prendre différentes formes, y compris une discussion simple entre les fiduciaires ou les membres du comité, en s’appuyant sur les points de vue des gestionnaires de placement et des consultants, et en peaufinant la stratégie d’actif et la diversification du portefeuille. Au début de 2023, prenez le temps d’examiner soigneusement votre portefeuille afin de déterminer toute incertitude susceptible d’accroître le risque de ne pas atteindre vos objectifs.

Groupe financier Connor, Clark & Lunn Ltée
janvier 12th, 2023