Image of U.S. Capitol building with cloudy skies above.

Les marchés ont été agréablement surpris par la vigueur de l’économie cette année.

Les raisons sont nombreuses et varient d’un pays à l’autre. Toutefois, le retour d’une politique budgétaire favorable est en grande partie passé inaperçu. En 2022, le déficit budgétaire des États-Unis s’est contracté de façon record, après avoir affiché la plus forte expansion jamais enregistrée en 2020 et 2021. Cette année, même si l’expansion économique est arrivée à maturité, ramenant le taux de chômage à son plus bas niveau depuis une génération et faisant grimper considérablement les taux d’intérêt, le déficit fédéral a augmenté de façon furtive et importante. En fait, le déficit a doublé au cours des dix premiers mois de l’exercice, passant de 726 milliards de dollars américains en 2022, ce qui était déjà énorme, à 1 610 milliards de dollars américains cette année.

Les surprises se sont manifestées tant du côté des revenus que des dépenses (voir le graphique 1). Les remboursements d’impôt, qui atteignent normalement un sommet au printemps, ont en fait augmenté au cours de l’été, en particulier pour les petites entreprises qui demandent de façon rétroactive des crédits d’impôt visant la rétention du personnel pour des sommes importantes. Ce programme a été de plus en plus utilisé et des rapports récents donnent à penser que des demandes sont maintenant refusées dans le but de réduire l’utilisation excédentaire. Une autre raison expliquant la baisse des recettes fiscales est la baisse de l’impôt sur les gains en capital compte tenu des rendements boursiers de l’an dernier.

Graphique 1 : Principaux postes budgétaires contribuant à la hausse de 800 G$ du déficit 
De juin 2022 à juin 2023

Sources : Département du Trésor américain et Strategas.

En revanche, les dépenses ont augmenté dans les secteurs habituels, comme la sécurité sociale, les soins de santé et la défense. Les nouveaux projets d’investissement et de construction découlant de l’Inflation Reduction Act et du projet de loi sur les infrastructures et l’énergie propre n’ont pas encore commencé, mais devraient être mis en œuvre en 2024 et se poursuivre pendant des années, ce qui accentuera les déficits.

Toutefois, la plus forte augmentation des dépenses est imputable aux paiements d’intérêts sur la dette publique, qui ont été touchés à la fois par les besoins de financement croissants et la hausse des taux d’intérêt. Jusqu’à l’an dernier, même si la dette totale augmentait considérablement, les frais d’intérêts, en proportion des dépenses fédérales, étaient inférieurs aux sommets précédents.

Cette réalité devrait changer encore plus, car environ 70 % des obligations du Trésor américain détenues par des investisseurs privés arrivent à échéance et devront être renouvelées au cours des cinq prochaines années. Autrement dit, la plupart des titres de créance américains sont assortis d’une échéance à court terme et, malheureusement, c’est dans ce segment où les taux d’intérêt sont les plus élevés. Il s’agit d’un contraste marqué par rapport à la dette hypothécaire des ménages et à la dette des sociétés, lesquelles ont tendance à être de longue durée et donc à l’abri, dans une certaine mesure, des effets immédiats des hausses de taux.

Aujourd’hui, les paiements sur la dette fédérale représentent environ 14 % de toutes les recettes du gouvernement. Le Congressional Budget Office prévoit que les frais d’intérêts tripleront au cours de la prochaine décennie, passant de 1,9 % du PIB à 3,7 % en 2033 (voir le graphique 2). Compte tenu de l’ampleur du déficit, du coût du service de la dette et de l’absence de plan pour réduire sensiblement le déficit, il n’est pas surprenant que Fitch ait abaissé la note de crédit des États-Unis, la faisant passer de AAA à AA+ au début d’août.

Graphique 2 : Les frais d’intérêts dépasseront le sommet précédent d’ici 2029

Sources : CBO et Macrobond.

Les déficits sont des outils politiques utiles et importants. Les dépenses publiques financées par des fonds empruntés peuvent soutenir la croissance et la productivité si les fonds sont affectés aux infrastructures ou aux investissements. Fait important, un déficit peut atténuer l’incidence d’une récession ainsi que les crises, comme une fermeture économique, ou contribuer à la reconstruction après une catastrophe naturelle. Cela dit, un déficit important ne devrait pas s’enregistrer à un moment où l’économie se heurte déjà au plein emploi. Dans cette situation, le gouvernement crée artificiellement une demande, ce qui rend les intrants plus chers, et évince le secteur privé en lui faisant concurrence pour obtenir du financement qui, autrement, serait affecté à de nouvelles idées ou à l’expansion des entreprises. Sur le plan cyclique, en période de repli, le soutien gouvernemental est essentiel pour de nombreuses personnes et, en fait, s’il s’agit du déficit en période de prospérité, quel sera-t-il en période de récession?

Les conséquences à court terme sont tout aussi importantes. La taille de la dette est à peu près la même que celle du PIB annuel et menace de dépasser la flambée de courte durée lors de la Deuxième Guerre mondiale (voir le graphique 3), et pourrait forcer une réévaluation des priorités quant au service de la dette fédérale au-delà de la lutte contre l’inflation.

Graphique 3 : La dette du gouvernement américain devrait dépasser son sommet précédent d’ici 2028

Sources : CBO et Macrobond.

En d’autres termes, la politique monétaire – qui équilibre déjà les priorités concurrentes que sont la stabilité des prix, le plein emploi et la stabilité financière – pourrait aussi devoir modérer les taux d’intérêt élevés pour éviter une crise budgétaire. D’un point de vue historique, les outils de politique monétaire ne sont peut-être pas les mieux adaptés pour lutter contre l’inflation alimentée par le déficit; l’austérité budgétaire pourrait plutôt être l’outil de politique nécessaire. Une étude récemment publiée par la Réserve fédérale de New York corrobore cet argument, concluant qu’un soutien gouvernemental important a été à l’origine d’environ le tiers de l’inflation entre décembre 2019 et juin 2022.

Nous croyons que la Fed continuera de mettre l’accent sur le risque d’inflation et c’est ce que le président Powell a affirmé en faisant valoir l’indépendance de la Fed et en laissant le Congrès s’occuper de la dette et du service de celle-ci. Les problèmes sont néanmoins interreliés – les investisseurs obligataires, qui étaient sensibles à des risques budgétaires semblables au Royaume-Uni il y a un an, signalent un soutien budgétaire trop important.

Ce problème ne concerne pas seulement les États-Unis. L’UE a connu des difficultés en raison de la hausse des frais d’intérêts, tout comme le Japon, qui a cessé de prévoir un budget équilibré. Le Canada est en meilleure position, maintenant une note globale de AAA (Fitch a abaissé la note du Canada à AA+ durant la pandémie). Les assises des gouvernements provinciaux sont également solides. Même si les dépenses ont considérablement fait augmenter les déficits par rapport aux deux dernières décennies, on s’attend à ce que le déficit du Canada soit à un niveau relativement modeste de 1,4 % du PIB en 2023-2024 et à ce qu’il diminue à seulement 0,4 % dans quatre ans. Les niveaux d’endettement sont une tout autre histoire, car les coûts de soutien pendant la pandémie ont été absorbés en grande partie par le gouvernement fédéral et ont entraîné une hausse de la dette totale, qui est passée de 32,8 % du PIB avant la pandémie à 44,5 % du PIB cette année. Même comparativement à d’autres pays, les problèmes budgétaires des États-Unis se distinguent et demeurent un risque majeur en raison de l’importance du marché obligataire et des taux de revenu. Ces déficits sont malsains pour l’économie à long terme et un renversement de la tendance favoriserait la cause de la Fed, mais il n’est pas certain que cela se produira. Les dépenses devraient augmenter l’an prochain et les frais d’intérêts aussi.

Marchés financiers

La situation budgétaire est l’une des raisons suggérées de la hausse des taux d’intérêt à long terme en août, la décote de Fitch ayant été un catalyseur de cette décision. Le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans a atteint un sommet de 4,36 % à la mi-août, avant de redescendre et de finalement clôturer le mois en hausse d’environ 20 points de base (pb) à 4,11 %. Ce sommet intramensuel n’a pas été observé depuis 2007. Le taux des obligations du gouvernement du Canada à 10 ans a augmenté d’environ 6 pb, ce qui est inférieur à celui des obligations américaines. Les taux à deux ans ont reculé dans les deux pays et l’indice des obligations universelles FTSE a légèrement fléchi de 0,2 %. La hausse des taux à long terme a pesé sur les actifs risqués, les écarts de taux s’élargissant quelque peu, mais aussi sur les marchés boursiers, qui, sur une base mensuelle, ont reculé pour la deuxième fois seulement cette année et pour la première fois en cinq mois. Les actions se sont redressées par rapport à leurs creux du mois, car le repli des données sur l’inflation a apaisé les craintes que les taux d’intérêt restent élevés plus longtemps. L’indice S&P 500 a reculé de 1,6 % en août, tandis que l’indice composé S&P/TSX a perdu 1,4 %. La plupart des secteurs ont perdu du terrain au cours du mois, seuls ceux de l’énergie, des biens de consommation de base et de la santé ayant enregistré des gains importants. Malgré la faiblesse de la Chine et de l’Europe, les prix de l’énergie ont augmenté pour le troisième mois consécutif, tandis que les prix des métaux ont fléchi parallèlement à la production industrielle.

Stratégie de portefeuille

Les marchés boursiers sont optimistes à l’égard d’un atterrissage en douceur de l’économie depuis le début de l’année, en partie en raison du soutien budgétaire imprévu, mais nous continuons de croire que ce scénario est peu probable. Malgré la hausse des taux d’intérêt au cours de l’été, les valorisations ont augmenté cette année. Si le scénario d’un atterrissage en douceur se concrétise, il est probable que le marché et la Fed devront réévaluer le taux directeur neutre, car l’économie semble en mesure de composer avec ces niveaux de taux. Par conséquent, les taux d’intérêt à long terme pourraient rester plus élevés pendant plus longtemps que lors des cycles précédents, ce qui finirait par peser sur les actifs risqués. Ce risque de hausse des taux est particulièrement réel si les préoccupations à l’égard de la mauvaise gestion budgétaire continuent de croître.

Les portefeuilles équilibrés continuent de surpondérer les liquidités, tandis que les actions et les obligations sont sous-pondérées par rapport aux indices de référence. Les marchés boursiers continuent de récompenser les sociétés affichant des bénéfices résilients. Nous augmentons la part de certains titres cycliques dont les valorisations sont intéressantes et qui pourraient profiter d’une vigueur économique prolongée. Nous croyons que le thème de l’intelligence artificielle générative continuera de soutenir l’expansion des ratios dans le secteur des technologies et nous sommes à la recherche de sociétés qui profiteront du prochain cycle de dépenses en immobilisations découlant de l’augmentation des investissements budgétaires au cours des prochaines années.

Les portefeuilles de titres à revenu fixe continuent de se positionner en vue de taux à long terme plus élevés par rapport aux taux à court terme, et ce positionnement devrait donner de bons résultats dans différents scénarios économiques. Nous continuons de suivre l’évolution de la conjoncture, d’évaluer la longévité des divers facteurs qui ont contribué à soutenir la croissance à ce jour et d’ajuster les portefeuilles en conséquence.

Boardwalk running through a dense forest in Vancouver Island, British Columbia.

Nous ne sommes pas encore au bout de nos peines.

Les actifs risqués, notamment les titres des marchés boursiers, ont inscrit d’excellents résultats cette année, faisant fi des indicateurs économiques avancés annonçant une forte probabilité de récession. En Chine, la croissance économique a été décevante, tandis qu’aux États-Unis, trois grandes banques ont fait faillite et d’importantes entreprises ont procédé à des mises à pied massives. Cependant, au cours des derniers mois, l’indice Citigroup des surprises économiques a grimpé, alors que l’inflation battait en retraite. Soulignons par ailleurs que le ralentissement de l’inflation n’a pas entraîné de graves conséquences économiques et a été observé à grande échelle dans diverses mesures de prix de base (voir le graphique 1).

Graphique 1 : Diminution de l’inflation précédant un repli
Autres mesures de l’IPC aux É.-U.

Selon les données du graphique de 2019 à 2023, on peut constater que l’inflation diminue après avoir atteint des sommets récents, et ce, avant un repli de l’économie, comme en témoigne l’évolution des mesures de l’inflation de la Réserve fédérale d’Atlanta, la Réserve fédérale de Cleveland, la Réserve fédérale de New York, le Bureau of Labor Statistics des États-Unis et la Réserve fédérale de Cleveland.

Sources : Réserve fédérale de Cleveland, Réserve fédérale de New York, Réserve fédérale d’Atlanta, BLS, Macrobond.

Selon les données économiques, de nombreux observateurs du marché s’attendent maintenant à un atterrissage en douceur de l’économie. Dans un tel scénario, on peut s’attendre à des ralentissements sectoriels successifs sans toutefois que l’économie plonge dans une véritable récession ou que le taux de chômage augmente. L’un des éléments à souligner dans ce scénario est la capacité de l’inflation à se résorber d’elle-même.

Prenons par exemple le secteur de l’économie le plus sensible aux taux d’intérêt, à savoir le logement. Comme nous l’avons vu dans le bulletin Perspectives de juillet, le marché du logement s’est raffermi simplement grâce à la stabilisation des taux d’intérêt. Plus récemment, les mises en chantier ont légèrement repris, tant au Canada qu’aux États-Unis, ce qui a contribué à atténuer les effets des pénuries de logements à moyen terme, un tour de force compte tenu des taux hypothécaires qui dépassent maintenant la barre des 6 %, et ce, peu importe l’échéance. Un deuxième indicateur sur lequel on peut se fier est l’indice ISM des nouvelles commandes par rapport aux niveaux des stocks aux États-Unis qui donne un aperçu de l’évolution de la production. Il montre que même si l’indice ISM global annonce une contraction, ses composantes laissent présager une embellie des perspectives de croissance (voir le graphique 2). Troisièmement, l’inflation évolue de façon inhabituelle dans le présent cycle économique. Habituellement, l’inflation est la donnée économique la plus décalée et est la dernière à fléchir en période de ralentissement économique, recul qui s’opère parfois seulement lors de la reprise subséquente. Cette fois-ci, l’inflation a reculé avant le taux de chômage. Qui plus est, la croissance des salaires a aussi ralenti, comme en témoigne l’indice du coût de l’emploi aux États-Unis qui montre que les salaires du privé ont baissé pendant quatre trimestres consécutifs pour atteindre 4,6 % sur 12 mois, un niveau qui demeure élevé, mais moindre que leur sommet de 5,7 % du printemps dernier.

Graphique 2 : Certains indicateurs avancés deviennent positifs

Le graphique 2 montre l’évolution des nouvelles commandes par rapport aux niveaux des stocks de l’Institute for Supply Management de 2010 à 2023. Cet indicateur avancé se détériorait depuis 2020, mais la tendance s’est inversée en 2023.

Source: ISM, Macrobond

À quoi pouvons-nous nous attendre en l’absence de ralentissement?

Même si les marchés semblent miser sur le scénario idéal d’un atterrissage en douceur, nous croyons qu’un autre scénario pourrait émerger dans lequel la croissance économique demeurerait solide, mais surtout, dans lequel l’inflation pourrait reprendre. Selon le GDPNow Forecast de la Fed d’Atlanta, la forte croissance du PIB réel de 2,4 % pourrait encore s’accélérer au deuxième trimestre. La croissance est en partie attribuable aux dépenses des entreprises qui ont grimpé en flèche aux États-Unis, notamment pour la construction d’usines (voir le graphique 3) qui sont destinées en particulier à la fabrication de matériel informatique et électronique, mais également de produits chimiques et alimentaires. Cette croissance s’explique entre autres par la politique budgétaire mise en place dans le cadre de la CHIPS Act et de l’Inflation Reduction Act, les gouvernements redécouvrant les avantages de soutenir directement les ménages et les entreprises. Le déficit budgétaire du gouvernement américain a atteint les 2 200 milliards de dollars durant la période de 12 mois se terminant en juin, ce qui représente environ 8,6 % du PIB. Le déficit a doublé en un an, ce qui n’est pas passé inaperçu auprès des agences de notation qui ont révisé à la baisse la cote de crédit des États-Unis. Enfin, même si l’épargne excédentaire des ménages diminue, elle pourrait continuer d’alimenter les dépenses des consommateurs durant le reste de l’année.

Graphique 3 : La construction d’installations destinées à la fabrication a grimpé en flèche

Le graphique 3 montre l’évolution des dépenses de construction non résidentielle aux États-Unis pour le secteur de la fabrication à partir de 2006. Cet indicateur affiche une trajectoire haussière depuis 2006, mais grimpe en flèche depuis 2022.

Source : US Census Bureau, Macrobond

Par conséquent, la décélération encourageante de l’inflation pourrait ne pas se poursuivre si la croissance demeure résiliente. À notre avis, il est encore trop tôt pour crier victoire, car l’inflation pourrait rebondir. Jusqu’à présent, l’inflation globale a bénéficié de la baisse des prix de l’énergie. Pourtant, les prix du gaz ont à nouveau grimpé en juillet parallèlement à ceux du pétrole brut WTI qui ont avancé de 16 % (voir le graphique 4). Une situation semblable est observée du côté des prix des aliments, car les prix des produits agricoles sont aussi en hausse. Même si l’on constate une décélération de la croissance des salaires, le nombre d’arrêts de travail augmente : les travailleurs portuaires, les pilotes, les employés d’hôtels, les scénaristes et les acteurs, les employés des services de livraison, les travailleurs de l’automobile et les fonctionnaires ont tous entrepris des mesures de grève (voir le graphique 5). Diverses raisons sont à la source de ces conflits de travail, dont l’automatisation, la sécurité d’emploi et l’IA, mais un facteur qui pèse lourdement dans la balance est le fait que les salaires ne progressent pas au même rythme que l’inflation.

Graphique 4 : Rebond anticipé de l’inflation

Le graphique 4 montre l’évolution de l’indice des prix à la consommation du carburant aux États-Unis sur l’échelle de gauche, en comparaison avec l’évolution du prix du pétrole brut Brent sur l’échelle de droite, de 2015 jusqu’en 2023. Ces indicateurs évoluent à peu près dans la même direction. Un récent rebond du prix du pétrole brut Brent laisse présager un rebond de l’IPC du carburant.

Source: BLS, ICE, Macrobond

Graphique 5 : Augmentation des arrêts de travail

Le graphique 5 montre l’évolution du nombre de jours non travaillés par Canadien en raison d’un arrêt de travail de 2010 à 2023. Depuis 2021, cet indicateur est en hausse, ce qui montre une augmentation des arrêts de travail au cours des dernières années.

Source: StatCan, Macrobond

Soyons clairs, nous nous attendons toujours à un long décalage des effets de la politique monétaire, qui seront toutefois inévitables, et à ce que les banques centrales atteignent leurs cibles d’inflation durant un ralentissement économique plus sévère. Cependant, la probabilité qu’un tel scénario se concrétise a diminué compte tenu des raisons précédemment mentionnées, et la possibilité d’une nouvelle accélération de l’inflation devrait demeurer un scénario de risque. Soulignons toutefois que les marchés semblent tenir compte d’un scénario moins grave et s’attendre à une croissance durable et à un ralentissement de l’inflation. L’indice S&P 500 est en forte progression malgré le ralentissement de la croissance des bénéfices. Le calme règne sur les marchés – avant la fin du mois de juillet, il s’était écoulé plus de 40 jours depuis le dernier repli de plus de 1 % du S&P 500. L’indice VIX s’est effondré malgré la détérioration évidente des indicateurs avancés (voir le graphique 6). Compte tenu de tous ces facteurs, nous croyons que le risque réside dans le fait que les marchés seront malmenés si le scénario idéal d’atterrissage en douceur ne se concrétise pas.

Graphique 6 : Chute de la volatilité malgré la détérioration des indicateurs avancés

Le graphique 6 montre l’évolution de l’indicateur économique avancé du US Conference Board en comparaison avec l’évolution de l’indice de volatilité (VIX) du S&P 500 dont l’échelle est inversée, depuis 1990. Ces indicateurs se suivent généralement de près, mais se sont nettement éloignés dernièrement.

Source : Conference Board, CBOE, Macrobond

Marchés financiers

Les actifs risqués ont poursuivi sur leur lancée en juillet, portés par l’enthousiasme des investisseurs. Le S&P 500 et l’indice NASDAQ ont tous deux inscrit des gains pour un cinquième mois de suite. Les données témoignent de la vigueur de l’économie, ce qui alimente les gains de tous les principaux secteurs des indices; le nombre croissant de secteurs qui enregistrent des gains est également encourageant. Dans l’ensemble, les bénéfices ont été meilleurs que prévu jusqu’à maintenant. À la fin de juillet, au moment où la moitié des entreprises du S&P 500 avaient publié leurs résultats du deuxième trimestre, 80 % d’entre elles avaient annoncé des bénéfices supérieurs aux attentes. Les entreprises ont réussi à afficher de tels bénéfices, qui sont néanmoins inférieurs à la moyenne, en diminuant leurs coûts et non pas en augmentant leur chiffre d’affaires. La bonne nouvelle est que plus récemment, les gains se sont étendus à l’ensemble des secteurs, même ceux qui ont inscrit les pires rendements, comme ceux de l’énergie, des services aux collectivités et de la santé.

Les indices des marchés obligataires ont reculé, plombés par les nouvelles hausses des taux d’intérêt des banques centrales. L’indice des obligations universelles FTSE Canada a fléchi de 1,1 % en juillet. Au cours du mois, la Banque du Canada, la Réserve fédérale américaine de même que la Banque centrale européenne ont toutes relevé leurs taux d’un quart de point. Même la Banque du Japon, dont les taux demeurent extrêmement bas, a modifié sa politique de contrôle de la courbe des taux pour élargir sa fourchette qui est passée d’environ 0 % à des seuils inférieur et supérieur d’un point de pourcentage. Depuis ces interventions, les banques centrales semblent avoir adopté une approche attentiste. Les matières premières ont figuré en tête de peloton au cours du mois, à commencer par le baril de pétrole brut WTI qui a bondi de 15,8 %, tandis que le baril de Brent a grimpé de 14,2 %. Une telle progression est particulièrement remarquable, compte tenu de la reprise décevante en Chine et du fait que la hausse des prix est en partie attribuable à la baisse de l’offre.

Stratégie de portefeuille

Comme c’est le cas lors de chaque fin de cycle, les données seront volatiles. Les tendances récentes ont entraîné une importante réévaluation de la conjoncture macroéconomique. Même si les nouvelles données demeurent solides et que l’inflation ralentit, la probabilité d’un atterrissage en douceur reste faible. D’un côté, un rebond de l’inflation pourrait se produire si l’activité économique demeure résiliente, d’un autre côté, l’économie pourrait finir par ralentir, si les effets décalés de la politique finissent par se matérialiser. Nous avons apporté des ajustements à nos portefeuilles fondamentaux d’actions afin de tenir compte des points de vue divergents. L’exposition aux titres cycliques a été augmentée, notamment aux secteurs de l’industrie et de la consommation discrétionnaire, plus particulièrement aux sociétés dont les valorisations tiennent déjà compte d’une possible récession et qui pourraient tirer parti de certains thèmes mentionnés plus tôt, comme le vigoureux cycle de dépenses en immobilisations. Les portefeuilles de titres à revenu fixe sont positionnés pour profiter de la hausse des taux d’intérêt à long terme comparativement aux taux à court terme. La surpondération des liquidités de même que la sous-pondération des actions et des obligations ont été maintenues dans les portefeuilles équilibrés. En cette période marquée par les changements, nous évaluerons rigoureusement les nouvelles données afin de prendre des décisions éclairées.

Row of modern houses in Vancouver BC, Canada

L’habitation EST le cycle économique – Document de travail du NBER, septembre 2007

Les banques centrales commencent à redémarrer et à accélérer leurs cycles de resserrement monétaire. La Banque du Canada (BdC) a surpris les marchés en augmentant de nouveau les taux d’intérêt de 25 points de base (pb) en juin. Dans le Résumé des délibérations de la BdC, il y a un débat animé sur les raisons derrière la résilience inhabituelle des dépenses de consommation. Le Conseil des gouverneurs discute du rôle de l’épargne excédentaire, de la forte croissance de l’emploi et de la population, et même des facteurs statistiques, comme la désaisonnalisation.

Il convient de noter qu’un document datant de 2007 du National Bureau of Economic Research (NBER) donne à penser que l’investissement résidentiel est le meilleur indicateur précoce d’une récession imminente. Si cela est toujours valable aujourd’hui, il semblerait que nous soyons actuellement dans une phase de reprise plutôt que de stagnation. Les reventes de logements ont connu une hausse constante pendant quatre mois consécutifs jusqu’en mai, les transactions de vente ayant augmenté de 1,4 % par rapport à l’an dernier. C’est la première fois depuis le milieu de 2021 que les ventes de logements affichent une croissance annuelle positive. Cette hausse est observée dans diverses régions du Canada; plus de 75 % des marchés locaux ont enregistré une croissance par rapport à l’an dernier.

L’offre limitée de logements est l’un des facteurs qui expliquent cette tendance. Les nouvelles inscriptions ont diminué de 13,6 % au cours de la dernière année et demeurent inférieures d’environ 16 % à la moyenne enregistrée avant la COVID-19. Par conséquent, les conditions actuelles du marché favorisent les vendeurs (voir le graphique 1). De nombreux ménages semblent hésiter à mettre leur maison en vente, en raison des craintes entourant une baisse potentielle des prix depuis leur achat, l’incapacité de transférer un prêt hypothécaire à faible taux ou la disponibilité d’immeubles locatifs dans un marché locatif vigoureux. Dans l’ensemble, il s’agit d’un résultat remarquable, surtout compte tenu de la hausse de près de 4 points de pourcentage du taux hypothécaire à 5 ans affiché. Il semble que le marché de l’habitation, tout comme l’économie, soit exceptionnellement résilient.

Graphique 1 : Le faible nombre d’inscriptions laisse entrevoir le retour d’un marché de vendeurs

Sources : ACI et Macrobond.

À cet égard, le Canada n’est pas unique. Les prix des logements dans d’autres marchés développés mondiaux, comme l’Australie, les États-Unis et la Corée du Sud, se stabilisent également. Cette situation peut être attribuée à la solidité des finances des ménages et à une préférence structurelle pour un plus grand espace de vie, car bon nombre d’entre eux continuent de travailler de la maison. Par conséquent, les banques centrales mènent d’importants débats sur cette question cruciale.

Les taux d’intérêt sont-ils assez élevés?

L’économie canadienne affiche une proportion particulièrement élevée de secteurs sensibles aux taux d’intérêt, soit environ 25 % contre 21 % aux États-Unis (voir le graphique 2), principalement en raison de l’importance du secteur de l’habitation au Canada (voir le graphique 3). En plus des facteurs mondiaux mentionnés ci-dessus, le Canada compte un certain nombre de facteurs uniques qui stimulent davantage l’activité du marché de l’habitation.

Graphique 2 : La part des secteurs sensibles aux taux du Canada est plus élevée que celle des États-Unis…

Sources : NBF Economics et Strategy.

Graphique 3 : … et d’autres pays

Sources : OCDE et Macrobond.

Tout d’abord, la croissance de la population a été constamment élevée au cours des trois dernières années, soutenue par l’immigration et l’augmentation du nombre de résidents non permanents fréquentant un établissement d’enseignement ou détenant un visa de travail. De plus, les emprunteurs prolongent la période d’amortissement des prêts hypothécaires afin de retarder l’incidence des versements d’intérêts plus élevés qui accompagnent les hausses de taux. Malgré tout, les coûts du service de la dette ont atteint des sommets historiques, représentant 15 % du revenu personnel disponible (voir le graphique 4). Dans sa plus récente Revue du système financier, la BdC a indiqué que plus du tiers des prêts hypothécaires avaient déjà été rajustés ou touchés par la hausse des taux d’intérêt en date de mai de cette année. Sa modélisation montre que cette proportion passera à 47 % d’ici la fin de l’année. De plus, en raison de l’afflux d’acheteurs de logements durant la pandémie, cela s’appliquera à presque tout le monde entre 2025 et 2027 (voir le graphique 5).

Graphique 4 : Les coûts du service de la dette au Canada sont revenus à leurs sommets

Sources : Statistique Canada, Réserve fédérale et Macrobond.

Graphique 5 : Presque tous les versements hypothécaires augmenteront au cours des trois prochaines années

Source : Banque du Canada.

Par conséquent, il est presque certain que les coûts du service de la dette augmenteront pour la proportion de 35 % des ménages qui sont propriétaires et qui ont des prêts hypothécaires.

Même si les ajustements seront sans aucun doute difficiles, nous croyons que les pires scénarios seront probablement évités. Les propriétaires auront accumulé du capital, et la valeur nette des ménages a bondi à 15 700 milliards de dollars, soit une augmentation de 27 % depuis la fin de 2019 (voir le graphique 6). Ainsi, les niveaux d’endettement en pourcentage des actifs demeurent gérables (voir le graphique 7). En effet, les nouveaux prêts hypothécaires ont fait l’objet d’une simulation de crise pour assurer leur abordabilité compte tenu du niveau actuel de 5 % des taux hypothécaires. L’épargne excédentaire découlant des dépenses limitées et de l’important soutien budgétaire durant la pandémie est substantielle. Même si l’épargne excédentaire diminue, elle est estimée à environ 25 milliards de dollars, et une part importante de cette somme est affectée aux dépôts à terme et à d’autres actifs comme les actions. Le point le plus fondamental est peut-être que l’emploi et les revenus réels des ménages ont augmenté considérablement, soit d’environ 5 % depuis 2020.

Graphique 6 : La valeur nette des ménages a bondi

Sources : Statistique Canada et Macrobond.

Graphique 7 : Les niveaux d’endettement sont élevés, mais la valeur des actifs a aussi augmenté

Sources : Statistique Canada et Macrobond.

Toutefois, le secteur canadien des ménages diffère nettement de celui des États-Unis. Même si la forte demande de logements a entraîné une hausse semblable du nombre de mises en chantier, les bilans des ménages divergent. Les taux hypothécaires effectifs des ménages américains sont demeurés relativement stables en raison de la prévalence des prêts hypothécaires à taux fixe de 30 ans, ce qui a entraîné une baisse de la dette et des coûts du service de la dette (voir le graphique 4). Néanmoins, un risque à court terme découle de la récente décision de la Cour suprême d’annuler la radiation des prêts étudiants, ce qui signifie que cette cohorte de consommateurs devra rembourser de nouveau leurs prêts. Selon un récent sondage, 40 % des répondants n’étaient pas au courant de cette décision et n’étaient pas prêts à reprendre leurs paiements. Selon les estimations, les intérêts sur les prêts étudiants se situent entre 64 et 96 milliards de dollars par année, ce qui réduirait le revenu total après impôt d’environ un demi pour cent.

La stabilité des marchés de l’habitation a été remarquable, et va à l’encontre de la croyance populaire selon laquelle un pays plus endetté comme le Canada serait plus vulnérable à une hausse des taux d’intérêt. Même si l’épargne, l’emploi, la valeur des actifs et la demande d’immigrants ont tous soutenu le marché immobilier jusqu’à présent, ces facteurs ne compenseront pas entièrement l’incidence de la hausse des coûts du service de la dette, puisque l’épargne excédentaire diminue. Nous sommes toujours d’avis qu’une récession est à venir, le bon côté de la chose étant peut-être que la BdC aura moins de travail à faire.

Marchés financiers

Après un premier trimestre vigoureux et volatil sur les marchés des actifs, le deuxième trimestre a été plus calme. L’enthousiasme des marchés au premier semestre de l’année reflète l’opinion selon laquelle l’activité économique se maintiendra à mesure que l’inflation diminuera. La résilience des données économiques a contribué à soutenir les bénéfices des sociétés. Notamment, les gains de valeur des actifs sont devenus plus restreints et dictés par des thèmes précis, en particulier l’enthousiasme croissant à l’égard de l’intelligence artificielle (voir le bulletin Perspectives de juin). Par conséquent, les meneurs du marché ont surtout été les sociétés technologiques à grande capitalisation, qui ont nettement surpassé l’ensemble du marché boursier. Ainsi, même si l’indice S&P 500 a progressé de 8,7 % au deuxième trimestre, la majeure partie de ce gain est attribuable au secteur des technologies, qui a bondi de 17,2 %. En revanche, le marché boursier canadien a été à la traîne de ses homologues mondiaux en raison de son exposition relativement limitée aux sociétés technologiques. Néanmoins, les secteurs cycliques, comme ceux de la consommation discrétionnaire, de l’industrie et de la finance, ont surpassé les secteurs défensifs. En effet, l’ampleur de la remontée boursière au Canada s’est améliorée cette année, l’indice S&P/TSX ayant mieux fait que l’indice S&P 500 dans six des onze grands secteurs GICS depuis le début de l’année. Les matières premières ont essentiellement fait du surplace, mais les prix du pétrole ont baissé pour un deuxième trimestre d’affilée.

Les marchés mondiaux des titres à revenu fixe ont été pris de court par la reprise ou l’accélération des hausses de taux par les banques centrales en réaction à l’activité économique résiliente et à l’inflation obstinément élevée. La BdC a relevé son taux cible du financement à un jour de 25 pb, à 4,75 %, et la BdC et la Réserve fédérale ont indiqué que les hausses de taux n’étaient pas encore terminées. Les taux obligataires ont fortement augmenté au deuxième trimestre, en raison surtout des taux à court terme, de sorte que les inversions de la courbe des taux ont atteint des niveaux inégalés depuis 1990. Malgré le resserrement des écarts de crédit attribuable à la faiblesse de l’offre et à la forte demande, l’indice des obligations universelles FTSE Canada a reculé de 0,69 % au deuxième trimestre.

Stratégie de portefeuille

Bien que le caractère cyclique du marché de l’habitation se prête bien à la prévision des cycles économiques, plusieurs flux financiers et préférences des consommateurs ont fait en sorte que les marchés de l’habitation n’ont pas ressenti le plein effet de la hausse des taux d’intérêt, ce qui a posé un défi aux banques centrales. En effet, la résilience économique du Canada est particulièrement digne de mention, compte tenu de l’endettement élevé des ménages. Toutefois, il est peu probable que le lien entre la hausse des taux d’intérêt et un ralentissement économique, même s’il est retardé, soit éliminé. Les tendances historiques montrent que les taux de chômage tendent à rester faibles jusqu’au début d’une récession et que même une hausse de 0,5 point de pourcentage peut déclencher une récession. Les efforts renouvelés des banques centrales pour relever davantage les taux à ce stade du cycle de resserrement, tout en laissant entrevoir la nécessité de maintenir les taux à un niveau élevé, augmentent le risque d’un atterrissage brutal.

Par conséquent, nous prévoyons une diminution des marges bénéficiaires, car les salaires continuent d’accentuer les pressions et le pouvoir de fixation des prix diminue. Nous demeurons donc prudents à l’égard des actions et entrevoyons une baisse des bénéfices au cours des prochains trimestres. Dans les portefeuilles d’actions canadiennes, nous privilégions les sociétés qui devraient constamment produire des bénéfices dans un contexte de faible croissance. Par ailleurs, nous continuons de chercher des sociétés dont les valorisations reflètent le ralentissement prévu ou correspondent à nos thèmes à long terme, comme la hausse des dépenses en immobilisations des entreprises. Ce dernier groupe de sociétés comprend celles qui participent à la reconstruction des chaînes d’approvisionnement et qui font progresser la transition vers les sources d’énergie verte.

Dans les portefeuilles de titres à revenu fixe, nous avons commencé à nous positionner en vue d’une accentuation plus généralisée de la courbe des taux, tout en maintenant une sous-pondération des titres de créance. Ces deux positionnements devraient favoriser les portefeuilles à l’approche d’une récession. Nos portefeuilles équilibrés continuent de sous-pondérer les actions et les titres à revenu fixe, avec une préférence pour les liquidités. Même si la stabilité économique a été bien accueillie, l’optimisme des marchés donne à penser qu’elle se poursuivra. À notre avis, les risques de baisse augmentent.

Personne kayak sur un lac pittoresque au coucher du soleil dans le parc provincial Golden Ears, près de Vancouver, Colombie-Britannique, Canada.

Depuis le début de l’année les titres FAMNNGT* ont bien performé.

Les perspectives de récession soulèvent des questions quant à la résilience de l’économie et aux facteurs qui y contribuent, comme l’épargne excédentaire des ménages, les entreprises qui choisissent de garder leurs employés, la diminution des tensions sur le marché de l’emploi compte tenu de la possibilité d’embaucher des travailleurs qualifiés à distance et la nécessité de maintenir des mesures d’aide budgétaire. La stabilité de l’économie a été saluée par l’ensemble des marchés boursiers, en particulier aux États-Unis. La croissance plus forte que prévu a fait grimper l’indice S&P 500 de 11 % depuis le début de l’année, des gains qui sont toutefois inférieurs à ceux des marchés boursiers européens et japonais qui ont été encore plus vigoureux. Après un premier trimestre difficile, la pause marquée par les taux d’intérêt au début du deuxième trimestre a alimenté le vent d’optimisme sur les marchés, du moins jusqu’au milieu du mois de mai. Ainsi, le marché boursier s’est montré résilient en dépit de l’inflation qui vient miner la croissance économique. Tant l’indice des prix des dépenses personnelles de consommation de base aux États-Unis que l’indice d’inflation fondamentale qui exclut le logement des services essentiels et que la Réserve fédérale (Fed) appelle « supercore », peinent à descendre sous la barre des 4,5 % sur 12 mois.

L’enthousiasme palpable sur les marchés boursiers a été alimenté par la solidité des fondamentaux ainsi que par l’engouement provoqué par tout ce qui touche à l’intelligence artificielle (IA). De fait, une rotation s’est opérée à la tête du marché depuis le début de l’année, les secteurs de l’énergie, des matériaux de la finance et de l’industrie ayant cédé leur place aux poids lourds des technologies de l’information. Soulignons par ailleurs que nos perspectives fondamentales tiennent compte des excellentes occasions qui découlent de l’accroissement de la productivité attribuable à l’IA. Elles correspondent également à notre thème à long terme qui table sur un regain des dépenses d’investissement, ce qui s’est traduit jusqu’ici par la mise en place de chaînes d’approvisionnement résilientes et redondantes, l’adoption de sources d’énergie verte et, maintenant, des investissements qui misent sur l’IA. Or, la domination des marchés boursiers est l’apanage d’un groupe de sociétés très restreint depuis peu. On peut constater ce phénomène lorsqu’on observe le rendement de l’indice S&P 500, dont la pondération fluctue en fonction de la capitalisation boursière de ses composantes. À la fin de mai, l’indice S&P 500 affichait une hausse de 10 % depuis le début de l’année. Cependant, si chaque société de l’indice était équipondérée, on obtiendrait un rendement négatif pour la même période, ce qui donnerait un écart de rendement énorme de 10 points de pourcentage (voir le graphique 1). On peut aussi observer ce phénomène en distinguant les huit sociétés les plus performantes de l’indice S&P 500 des 492 autres composantes (voir le graphique 2). La valeur marchande de ce groupe de huit sociétés technologiques à mégacapitalisation par rapport à l’ensemble de l’indice a bondi, passant de 22 % en janvier à 30 % en juin.

Graphique 1 : Les plus fortes capitalisations alimentent les gains
Indexées à 100 le 30 déc. 2022

Sources : S&P Global, Macrobond 

Graphique 2 : Les actions des sociétés technologiques à mégacapitalisation se sont envolées
Indexées à 100 au 30 déc. 2022

Sources : S&P Global, Macrobond 

Ce n’est pas bon signe lorsque seule une poignée de sociétés alimente le rendement de l’indice. Lorsque le rendement du marché est généralisé, il s’agit d’un signe que la croissance est répandue dans divers secteurs et dans l’ensemble de l’économie. En revanche, une concentration des meilleurs rendements entre les mains d’un nombre de plus en plus restreint de titres laisse présager un accroissement du risque et un épuisement de la croissance. Il est de plus en plus difficile d’évaluer les primes de valorisation de ces titres dont les prix atteignent des niveaux stratosphériques par rapport à leurs données historiques fondamentales. En effet, si l’IA transforme la façon dont les sociétés exercent leurs activités, une grande partie des entreprises devrait enregistrer des gains de productivité et non pas seulement celles qui profitent directement de l’IA. Sans remettre en doute les gains qui pourraient être réalisés grâce à la révolution de l’IA, la remontée du marché nous semble fragile, malgré l’accroissement du nombre de secteurs qui participent au rendement du marché depuis le début de juin.

Risques persistants à court terme

Les signes de resserrement du crédit s’accumulent (voir le bulletin Perspectives d’avril), et une récession semble se profiler de plus en plus. Même si les bénéfices du dernier trimestre ont été meilleurs que prévu, ils sont appelés à diminuer en période de ralentissement économique. La grande majorité des sociétés de l’indice S&P 500, ou l’indice « S&P 492 », ne contribue pas au rendement, mais leurs cours ne reflètent pas encore pleinement le ralentissement économique, car les prévisions de bénéfices demeurent optimistes. Encore une fois, les taux d’intérêt affichent une trajectoire à la hausse, car les banques centrales se demandent s’ils sont assez restrictifs (voir le bulletin Perspectives de mai, et les interventions récentes de la Banque de réserve d’Australie et de la Banque du Canada).

Dans l’immédiat, la résolution de l’impasse concernant le plafond de la dette américaine s’est révélée encourageante, bien qu’elle présente également un risque pour le marché. Comme le Trésor américain ne pouvait plus emprunter après avoir atteint le plafond, il était contraint de puiser dans le compte courant qu’il détient auprès de la Fed, à savoir le compte général du Trésor. Le solde de ce compte s’élevait à environ 39 milliards de dollars américains à la fin de mai et doit être renfloué pour atteindre environ 600 milliards de dollars. Mentionnons également que le Trésor ne pouvait pas émettre de nouvelles obligations depuis qu’il avait atteint le plafond de la dette. Maintenant que les émissions ont repris, les nouvelles obligations arrivent à un moment où les banques sont appelées à augmenter les réserves de liquidités pour éviter d’autres faillites bancaires. Compte tenu du resserrement quantitatif qui se poursuit, des risques importants de récession et des évaluations déjà élevées, la liquidité diminuera sur les marchés, ce qui engendre des risques à court terme.

Marchés financiers

Hormis l’enthousiasme entourant les titres technologiques alimentés par l’IA, les marchés ont fait plutôt piètre figure au cours d’un mois qui a été riche en rebondissements. Les pourparlers entourant le plafond de la dette américaine sont sans doute l’événement qui a le plus retenu l’attention, car ils ont lourdement pesé sur les cours des bons du Trésor à 1 mois, ce qui a fait grimper les taux jusqu’à 7 %. La résolution de l’impasse et le vote qui s’est déroulé sans heurts à la Chambre des représentants et au Sénat ont toutefois rassuré les marchés. Au cours du mois, l’inflation plus forte que prévu et la vigueur de l’activité économique ont incité la Fed et la Banque centrale européenne (BCE) à hausser leurs taux d’intérêt. De plus, les craintes à l’égard des banques régionales américaines ont été ravivées au début du mois au moment où JPMorgan a fait l’acquisition de First Republic Bank, la troisième banque à faire faillite.

Le secteur des technologies a livré une performance remarquable, tandis que les autres secteurs boursiers ont à peine progressé. L’indice composé NASDAQ s’est hissé en tête du classement grâce à un gain de 5,9 %, alors que les actions des sociétés technologiques à mégacapitalisation ont contribué à maintenir le S&P 500 en territoire positif. En revanche, les autres secteurs ont connu une chute. Les cours des matières premières ont retraité en raison de la réouverture plus lente que prévu de l’économie chinoise et d’une contraction du PIB en Allemagne. Les prix de l’énergie ont continué de reculer, comme en témoigne le prix du baril de pétrole WTI qui a chuté de 11,3 % en mai, alors que les prix des métaux comme le cuivre ont fléchi de 6 %. Les secteurs des matériaux et de l’énergie se sont donc classés en queue de peloton.

Au Canada, les bénéfices publiés par les banques ont été inférieurs aux prévisions de la majorité des analystes, ce qui a exercé des pressions à la baisse sur le secteur de la finance. Ce dernier, conjugué aux secteurs de l’énergie et des matériaux, a fait reculer l’ensemble du marché boursier canadien. L’indice composé S&P/TSX a baissé de 4,9 % en mai, et le secteur des technologies de l’information a été le seul à inscrire des gains. Les données économiques qui ont été publiées, notamment sur l’inflation au Canada et aux États-Unis, sont vigoureuses et montrent une hausse importante de l’inflation en raison du secteur des services et d’une augmentation inattendue des prix des biens. Une telle situation exerce des pressions à la hausse sur les taux d’intérêt. La Fed a relevé son taux directeur de 25 points de base (pb) pour le porter à plus de 5 %, ce qui le place maintenant dans une fourchette qui correspond au taux final prévu par la Fed en mars. Les taux obligataires ont augmenté sur l’ensemble de la courbe, soit de 52 pb pour les obligations à 2 ans et de 33 pb pour les obligations à 10 ans au Canada. Les titres de créance ont profité de la reprise de la demande, ce qui a soutenu les écarts de crédit. L’indice des obligations universelles FTSE Canada a reculé de 1,69 % en mai.

Stratégie de portefeuille

Les principaux indicateurs de l’emploi et de la croissance sont positifs dans l’ensemble, mais certaines données économiques sont contradictoires, notamment du côté des résultats des sondages sur le secteur manufacturier et des indicateurs avancés. Aux derniers stades des cycles économiques, il est normal d’observer de la volatilité et des données contradictoires, car les secteurs ressentent tour à tour les effets décalés des hausses des taux d’intérêt. L’économie n’a pas encore ressenti pleinement les effets des hausses de taux d’intérêt et certains facteurs, comme l’allongement de la période de remboursement de prêts hypothécaires à taux variables au Canada, atténuent les conséquences directes du resserrement monétaire. Néanmoins, le resserrement des critères d’octroi de prêts par les banques et la détermination des banques centrales à juguler l’inflation laissent présager une récession au cours de la prochaine année.

Nos perspectives demeurent prudentes à l’égard des marchés boursiers, car nous anticipons un recul des marges bénéficiaires, une diminution du pouvoir d’achat malgré le maintien des salaires, et d’autres révisions à la baisse des bénéfices au cours des prochains trimestres. C’est pourquoi les actions demeurent sous-pondérées dans les portefeuilles équilibrés. Les portefeuilles fondamentaux d’actions canadiennes restent axés sur la stabilité et sont composés de sociétés affichant un profil résilient en matière de bénéfices et de dividendes. Les portefeuilles de titres à revenu fixe affichent une sous-pondération des obligations provinciales et de sociétés. Même si les marchés boursiers ont affiché une résilience exceptionnelle jusqu’ici, on constate de plus en plus que les risques persistent à l’égard des actions. C’est ce qui explique notre approche plus prudente en matière de placement.

* Acronyme formé des premières lettres des titres technologiques qui affichent la plus forte capitalisation à l’heure actuelle (Apple, Facebook/Meta, Amazon, Alphabet/Google, Microsoft, Netflix, Nvidia, Tesla).

L'été à Coal Harbour, au centre-ville de Vancouver, Canada.

Des signes de prudence en provenance de l’étranger.

La Banque du Canada (BdC) a commencé à resserrer sa politique en mars 2022 avant la plupart des autres grandes banques centrales et a été récemment parmi les premières à prendre une pause. Or, des événements inattendus sont survenus dans d’autres pays au cours du dernier mois et il est important de déterminer s’ils pourraient avoir des conséquences sur le Canada.

Par exemple, la Banque d’Angleterre a commencé à relever ses taux avant même la BdC. À l’instar du Canada, le Royaume-Uni est sensible aux hausses des taux d’intérêt, surtout parce que les taux hypothécaires y sont généralement fixes pour des périodes de deux à cinq ans. Malgré une diminution globale de la mobilité attribuable au Brexit, le Royaume-Uni a enregistré un solde migratoire positif l’année dernière qui a fait augmenter sa population de 0,65 %. Même s’il s’agit d’une croissance légèrement supérieure à celle qui était observée avant la pandémie, elle se situe bien en deçà de l’accroissement de 2,7 % de la population au Canada. Qui plus est, l’économie tourne non seulement au ralenti au Royaume-Uni, mais le taux d’inflation y est le plus élevé au sein de l’Europe et l’un des plus élevés parmi les pays développés. De fait, l’inflation annuelle selon l’IPC y est demeurée au-dessus des 10 % sur 12 mois pendant huit des neuf derniers mois (voir le graphique 1). L’inflation de base se situe à 6,2 %, ce qui n’est pas bien loin des sommets des trente dernières années de l’été dernier. Les conséquences découlant d’un contrôle difficile de l’inflation pourraient être préoccupantes, mais l’inflation au Royaume-Uni demeure élevée avant tout en raison des pressions sur l’offre qui se prolongent depuis le Brexit et des restrictions visant les échanges commerciaux.

Graphique 1 : Le Royaume-Uni est l’un des pays développés où l’inflation est la plus élevée

Sources : Statistique Canada, Australian Bureau of Statistics, UK Office for National Statistics, Statistics New Zealand et Macrobond.

Au début du mois d’avril, la Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande a pris le marché par surprise en relevant son taux officiel d’escompte de 50 points de base (pb) pour le porter à 5,25 % en raison des préoccupations quant à une hausse de l’inflation à court terme. Les mesures d’aide budgétaires combinées aux efforts de reconstruction déployés après les récentes tempêtes sont susceptibles d’alimenter les pressions inflationnistes. La Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande et la Réserve fédérale américaine (Fed) arrivent toutes deux au premier rang au chapitre des plus fortes hausses cumulatives des taux et pourraient les relever à nouveau. En Australie, la banque centrale a marqué une pause en avril, mais même si l’inflation globale et la mesure de la moyenne tronquée de l’IPC de base ont été toutes deux un peu plus faibles que prévu pour le mois, elles demeurent supérieures aux cibles de la banque centrale, à 7 % et à 6,3 % sur 12 mois, respectivement. Au début de mai, la Banque de réserve d’Australie a pris les marchés de court lorsqu’elle a annoncé une hausse de taux de 25 pb pour faire passer son taux cible des liquidités à 3,85 %, se disant préoccupée par les prix élevés des services. Elle a souligné qu’il faudrait sans doute quelques années avant que l’inflation renoue avec le haut de sa fourchette cible.

Les taux plus élevés représentent-ils un risque important?

Comme de nombreux autres pays, le Canada s’adapte aux hausses de taux qui ont été décrétées. À première vue, le pays semble bien se tirer d’affaire compte tenu des prêts hypothécaires à taux variables à court terme, de sa grande sensibilité aux hausses de taux d’intérêt en raison du taux d’endettement élevé, et de sa forte exposition au secteur des matières premières qui est sensible aux cycles économiques. Malgré tous ces facteurs de risque, les banques ne sont pas plongées dans la tourmente, on observe un nombre inférieur de mises à pied à grande échelle et les défaillances sur prêts hypothécaires ne grimpent pas en flèche. Or, ici comme ailleurs, du moins à court terme, il ne faudrait pas sous-estimer le risque d’un nouveau resserrement surprise de la politique monétaire. En effet, le Résumé des délibérations de la BdC publié en avril montre que la nécessité de hausser à nouveau les taux a été évoquée. Cette position peut très bien se justifier.

Même s’il est encore trop tôt pour parler d’une tendance, le marché canadien de l’habitation semble avoir repris de la vigueur au cours du printemps. Au début de la saison, les nouvelles inscriptions ont touché un creux des 20 dernières années pour le mois de mars, tandis que la demande attribuable à la formation de ménages et à l’immigration est forte. Cette situation a été observée au moment où les taux hypothécaires ont atteint leur pic, la BdC ayant cessé de relever les taux. Les taux hypothécaires à 5 ans ont fléchi depuis leur sommet de 5,88 % atteint en octobre dernier, et la plus récente hausse de taux de 75 pb de la BdC n’a eu que peu d’effet. Par conséquent, les prix des logements des grandes villes sont en hausse depuis deux mois.

Les politiques budgétaires stimulent l’économie : les gouvernements provinciaux ont annoncé environ 6 milliards de dollars sous forme d’aide supplémentaire et de baisses d’impôt, alors que le montant accordé par le gouvernement fédéral atteint presque le double, à savoir 13 milliards de dollars. Ces mesures de soutien retardent le ralentissement prononcé de l’économie et viennent contrecarrer le resserrement monétaire. Sans doute la leçon la plus importante à retenir des autres pays est que l’inflation globale pourrait demeurer au-dessus de la cible, surtout si l’on tient compte de la croissance du salaire horaire moyen à l’échelle du pays qui surpasse les 5 % (voir le graphique 2).

Graphique 2 : Forte croissance du salaire au Canada susceptible de dépasser la cible d’inflation

Sources : Statistique Canada et Macrobond.

Même si nous sommes d’avis que la hausse des taux est fort probablement terminée, plus l’inflation reste longtemps au-dessus de la cible explicite, plus cela nourrit les anticipations extrapolatives, ce qui rend le contrôle de l’inflation encore plus difficile. Ainsi, même si la BdC ne décrète pas de nouvelle hausse de taux, la politique monétaire risque de demeurer stricte et les taux pourraient rester élevés pendant une plus longue période. Les marchés ne tiennent pas compte de ce scénario. Les conséquences sur les prix des actifs sont importantes; le maintien des taux élevés alimente les tensions, ce qui les rend d’autant plus difficiles à régler.

Marchés financiers

Après trois des quatre plus grandes faillites bancaires aux États-Unis, avril a été, contre toute attente, l’un des mois les plus calmes sur les marchés. Les indices de volatilité des marchés obligataires et boursiers se sont repliés, comme en témoignent les variations quotidiennes et mensuelles des prix. Deux secteurs sont sortis du lot : Les actions des banques régionales américaines ont poursuivi leur chute, plombées par First Republic. Ensuite, l’univers des bons du Trésor américain, qui est réputé pour son calme, a été ébranlé par les inquiétudes entourant le relèvement du plafond de la dette des États-Unis. Les investisseurs ont privilégié les échéances inférieures à 1 mois afin d’éviter tout risque de défaillance attribuable au plafond de la dette, ce qui a fait baisser les taux de rendement et augmenter les écarts de taux des bons du Trésor à 3 mois à des niveaux historiques.

Au Canada, les taux obligataires ont peu varié au cours du mois, tandis que les écarts de crédit des obligations de sociétés se sont resserrés, ce qui a fait progresser l’indice des obligations universelles FTSE Canada de 0,98 %. Les bénéfices publiés par les sociétés ont été encourageants, ce qui a permis aux marchés boursiers de se redresser après avoir été secoués en mars. L’indice MSCI Monde tous pays a progressé de 1,4 %, en particulier grâce aux marchés développés. L’indice S&P 500 a avancé de 1,6 %, principalement en raison de la performance du secteur des technologies de l’information qui a été favorisé par la diminution des taux d’intérêt, ce qui a contribué à faire augmenter les valorisations. Au Canada, l’indice composé S&P/TSX a fait belle figure, grâce à un gain de 2,9 %. Les matières premières se sont mal comportées dans l’ensemble en avril, sauf pour le pétrole dont le prix du baril WTI a atteint un sommet de 83 $ US en raison de la baisse de la production annoncée au début du mois par les pays membres de l’OPEP+. Cette poussée a été de courte durée et les prix ont retraité pour clôturer le mois à peu près au niveau auquel ils l’avaient commencé.

Stratégie de portefeuille

À l’instar des autres économies, les conditions de fin de cycle au Canada présentent des risques multiples, et il est improbable que les banques centrales sortent l’artillerie lourde en cas de ralentissement. Même si les données économiques publiées récemment montrent que la vigueur s’essouffle, les consommateurs puisent dans leur épargne excédentaire et les entreprises cherchent à réduire leurs dépenses, un processus qui prend du temps. Or, l’inflation demeure obstinément élevée et nous n’entrevoyons aucune baisse importante des taux d’intérêt à court terme. Selon nos prévisions, une récession est le scénario le plus probable pour la deuxième moitié de 2023.

Dans nos portefeuilles fondamentaux d’actions, nous recherchons toujours des sociétés qui présentent de solides paramètres fondamentaux, un atout pour composer avec un ralentissement de la croissance économique. Notre portefeuille demeure positionné de façon défensive et une réelle priorité est accordée à la stabilité des bénéfices, à l’échelle des secteurs et des titres. Toutefois, nous sommes également à la recherche d’occasions de placement dans des sociétés cycliques survendues qui sont susceptibles de tirer leur épingle du jeu lorsque la reprise économique se produira. Nous suivons une approche semblable à l’égard des obligations de sociétés dans notre portefeuille de titres à revenu fixe, alors que nous demeurons patients pour ajuster notre positionnement macroéconomique en prévision d’une récession plus tard cette année. La composante d’actions demeure sous-pondérée en faveur de la position en liquidités dans nos portefeuilles équilibrés. Nous continuons d’analyser les données au pays et les événements qui se produisent ailleurs dans le monde, à la recherche d’occasions pour les périodes de calme et de volatilité sur les marchés.

Immeuble de bureaux abstrait illuminé vu au centre-ville de Vancouver, BC, Canada.

La crise est évitée, mais l’anxiété demeure à l’égard du crédit.

La Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque du Canada ont relevé leur taux du financement à un jour à un rythme inégalé depuis les années 1980. Voilà un an que s’est amorcé le présent cycle de relèvement des taux. Depuis, l’économie et le système financier semblent s’être stabilisés et même faire preuve de résilience; pour leur part, les marchés portent les cicatrices laissées par des taux élevés qui ont entraîné une baisse des ratios de valorisations tout au long de 2022. Malgré certains signes de tension – notamment au chapitre des fonds de retraite du Royaume-Uni, l’intervention rapide de la Banque d’Angleterre a freiné les résultats négatifs. De plus, l’effondrement de la bourse de cryptomonnaies FTX était moins lié aux taux d’intérêt que de la fraude. Toutefois, la faillite de trois banques le mois dernier – la Silicon Valley Bank et la Signature Bank aux États-Unis, suivies de Credit Suisse, en Suisse, qui a été forcée de fusionner avec sa rivale nationale de longue date, UBS – ont marqué un tournant.

Comparativement aux crises précédentes, nous nous trouvons aujourd’hui à un meilleur point de départ. Les problèmes qu’éprouvent les banques régionales américaines ne se comparent en rien à ceux de la grande crise financière, lorsque les banques détenaient des actifs complexes, importants, interreliés et lourdement dépréciés. Ces problèmes ont entraîné la mise en place d’exigences réglementaires rigoureuses pour les grandes banques mondiales. Elles disposent maintenant de bases de capitaux plus solides à même de résister aux inévitables dépréciations d’actifs induites par une récession. Toutefois, l’instabilité récente rappelle des problèmes plus classiques, comme des retraits massifs des banques lorsque les taux versés n’augmentent pas au rythme des taux directeurs, et l’inversion de la courbe des taux qui a une incidence sur les marges des banques.

Pendant les semaines qui ont suivi les tensions sur les banques régionales américaines, les données publiées ont montré que les déposants ont retiré pour plus de 400 milliards de dollars américains (graphique 1), les deux tiers de ces retraits ont été effectués dans des banques de petite et de moyenne taille. La majorité de l’argent retiré a été investi dans des actifs financiers qui offrent maintenant des rendements supérieurs à ceux des comptes bancaires (graphique 2), en particulier des fonds du marché monétaire. Ces retraits obligent les banques à vendre leurs actifs et à comptabiliser les pertes subies dans les placements obligataires en raison de la hausse des taux d’intérêt. La Fed a pris des mesures pour empêcher que la situation ne se détériore. Les banques empruntent maintenant aux termes de l’escompte officiel de la Fed ou elles utilisent le nouveau programme de financement – le Bank Term Funding Program – qui a été créé pour fournir aux banques un filet de sécurité en matière de liquidité. Le taux d’emprunt assorti à l’escompte officiel demeure élevé, mais l’exode des dépôts bancaires a ralenti à la fin de mars et la gravité des problèmes s’est estompée. Cette tourmente obligera les banques à redynamiser les dépôts. Une façon d’y parvenir est d’accroître l’intérêt versé sur les dépôts, ce qui pourrait entraîner une hausse des coûts de financement et des pressions sur la rentabilité.

Graphique 1 : Retraits des banques à un rythme rapide

Source : Réserve fédérale et Macrobond.

Graphique 2 : Les taux des dépôts ne suivent pas les taux directeurs

Source : Federal Deposit Insurance Corporation, Réserve fédérale et Macrobond.

Dans la foulée de l’instabilité du système bancaire, les banques centrales ont semblé devoir choisir entre la stabilité des prix (relever les taux pour lutter contre une inflation obstinément élevée) et la stabilité financière (recourir à des mesures de relance pour renflouer un système financier précaire). En dissociant les outils pour s’attaquer à ces deux enjeux, elles ont continué de relever les taux malgré la menace de faillites bancaires. Cependant, le point décisif de cette situation vient du fait que ce chaos a placé les marchés dans une position où, plutôt que d’aller à l’encontre de la Fed, ils collaborent maintenant avec elle. Cette dernière a déclaré à maintes reprises que l’inflation demeure élevée et que les conditions financières devront se resserrer; les marchés se sont redressés et les écarts de taux sont demeurés serrés, ce qui a favorisé le soutien de l’économie plutôt qu’une contraction. Maintenant, les marchés semblent tenir compte des signes avant-coureurs. Il y a eu une diminution des émissions et un élargissement des écarts de taux sur les marchés du crédit.

Il convient de noter que les prêts bancaires sont un élément clé de la transmission des interventions des banques centrales et de l’économie. L’enquête de la Fed menée auprès des responsables du crédit montre que les banques resserrent leurs conditions de crédit depuis des mois (graphique 3). Compte tenu des préoccupations engendrées par la liquidité, les retraits massifs redirigés vers les fonds du marché monétaire, l’approvisionnement plus coûteux des fonds, les pressions sur les marges d’intérêt nettes et l’affaiblissement de la demande, les banques réduiront vraisemblablement davantage leurs activités de prêt durant les prochains trimestres. Ce contexte freinera directement les perspectives d’investissement des entreprises et les dépenses de consommation à divers degrés. Le secteur des prêts immobiliers commerciaux pourrait être particulièrement touché. L’évolution de la demande de bureaux est un facteur à surveiller, mais, fait intéressant, les petites banques régionales américaines ayant un actif inférieur à 250 milliards de dollars américains détiennent environ les trois quarts du total des prêts immobiliers commerciaux. Bien que ce segment représente environ le quart de l’ensemble des prêts, les pressions combinées de l’offre et de la demande font en sorte que le secteur est vulnérable. Globalement, le message est sans équivoque : les prêts se feront plus rares dans l’ensemble de l’économie, et il semble de plus en plus probable que le ralentissement économique atteigne des niveaux récessionnistes.

Graphique 3 : Resserrement des conditions de crédit à des niveaux généralement avant-coureurs de récessions

Montre l’adoption de conditions de crédit plus strictes aux États-Unis dès le milieu de 2022. Le graphique illustre cette tendance en indiquant le resserrement récent des conditions de crédit dans trois catégories importantes de l’enquête de la Fed menée auprès des responsables du crédit, soit l’immobilier commercial, les cartes de crédit personnelles et les prêts automobiles des ménages.
Source : Réserve fédérale et Macrobond.

Marchés financiers

Les actions plus risquées et les obligations refuges se sont bien comportées durant les six derniers mois, profitant d’une forte réévaluation des prévisions de taux d’intérêt à court terme. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement que tout va bien, car la volatilité a été considérable entre-temps. En mars, l’inflation élevée persistante a amené Jerome Powell, président de la Fed, a affirmé, lors de son rapport semestriel devant le Congrès, que la Fed pourrait accélérer le rythme de relèvement des taux, ce qui a entraîné la prévision d’une hausse de 50 points de base (pb), faisant passer les taux à un sommet de plus de 5 % et le taux final des hausses à 5,69 %. Toutefois, les récents événements bancaires ont complètement bouleversé les attentes. Les taux des obligations du Trésor à 2 ans ont inscrit leur plus forte baisse d’un jour depuis 1982, suivis de près par leurs homologues canadiens. Globalement en mars, les taux des obligations à 2 ans ont reculé de 48 pb et ceux à 10 ans, de 43 pb. Ces résultats ont aidé l’indice des obligations universelles FTSE à progresser de 2,16 %.

La ruée vers les valeurs « refuges » qui a découlé de la panique bancaire aux États-Unis a aussi été bénéfique pour les prix de l’or et de l’argent, qui se sont respectivement appréciés de 7,8 % et 15,2 % en mars. Inversement, les prix de l’énergie ont reculé, surtout ceux du pétrole, qui ont chuté de 7 % pendant le trimestre. Les prix du gaz naturel se sont fortement repliés, particulièrement en Europe, malgré la vigueur des données sur l’activité économique et la relance de l’économie chinoise. La baisse des prix de l’énergie a été de courte durée; en effet, le pétrole a rebondi dans les premiers jours d’avril lorsque l’OPEP a annoncé contre toute attente une réduction importante de l’offre.

Les actifs risqués ont inscrit de solides rendements en mars : l’indice MSCI Monde tous pays a progressé de 2,5 % et l’indice S&P 500 a terminé en hausse de 3,7 %, en monnaie locale, malgré la chute de 35,6 % des actions des banques régionales. Fait remarquable, même si les faillites bancaires étaient concentrées dans la Silicon Valley californienne, le NASDAQ, fortement axé sur les technologies, a tout de même affiché un gain de 9,5 % en mars, les valorisations des titres technologiques ayant profité de la baisse des taux. En revanche, l’indice composé S&P/TSX a presque fait du surplace, reculant de 0,2 % pendant le mois. La forte pondération de l’indice dans les banques et l’énergie a pesé sur les gains globaux.

Stratégie de portefeuille

Les effets persistants du resserrement énergique des banques centrales durant la dernière année et la récente tourmente bancaire aux États-Unis et en Suisse font en sorte que nous nous attendons à des conditions de crédit encore plus strictes que celles en vigueur pendant le second semestre de 2022. La question d’un ralentissement économique semble désormais plus se poser en termes de « quand » que de « si ». Même à l’approche de la récession, la prime de risque des actions – qui correspond au taux de rendement exigé par rapport aux taux obligataires à faible risque – est restée étonnamment stable malgré les récents événements. Bien que cette prime de risque se maintienne dans la moyenne au Canada, elle demeure faible aux États-Unis. Plus celle-ci augmente en réaction au ralentissement de l’activité économique, les ratios de valorisation diminuent, faisant en sorte de réduire les bénéfices. Par conséquent, nous maintenons une sous-pondération globale des marchés boursiers mondiaux au sein de nos portefeuilles équilibrés. Parallèlement, nous conservons une légère sous-pondération des titres à revenu fixe et une surpondération des liquidités. Nos stratégies fondamentales d’actions privilégient toujours les sociétés stables, faisant preuve de résilience au chapitre des bénéfices et des dividendes.

La récente volatilité sur les marchés des titres à revenu fixe témoigne d’une grande incertitude; les attentes penchent autant en faveur de nouvelles hausses de taux par les banques centrales que de baisses de taux directeur en milieu d’année. Nous avons appuyé nos décisions concernant le portefeuille de titres à revenu fixe sur des prévisions de valorisation conformes à nos perspectives inébranlables d’une légère récession et notre conviction selon laquelle le cycle de resserrement des banques centrales tire à sa fin, même si nous ne prévoyons pas de baisses des taux d’intérêt à court terme. Nous maintenons une sous-pondération des titres de créance ainsi qu’une durée légèrement plus courte.

Nous nous attendons à ce que le resserrement des conditions de crédit soutienne les objectifs des banques centrales visant à ralentir l’économie. Nous surveillerons et évaluerons de près les conditions entourant ce ralentissement afin d’évaluer le contexte de reprise et de positionner les portefeuilles en conséquence.

Forêt brumeuse à North Vancouver, BC, Canada.

Il faut parfois oublier les leçons que nous avons apprises pour mieux comprendre la nouvelle réalité.

Le plus récent cycle économique se distingue par ses nombreux aspects inhabituels, dont plusieurs sont attribuables à l’inflation élevée, une situation qui ne s’était pas vue depuis plus de 40 ans et qui est donc inconnue de la majorité des participants aux marchés. Mentionnons, par exemple, le rythme des hausses de taux de la Réserve fédérale américaine et la Banque du Canada au cours des 12 derniers mois qui a été parmi les plus rapides depuis les années 1980, mais qui semblent avoir été plus ou moins efficaces pour mater l’inflation selon certains indicateurs. La vigueur des plus récentes données sur l’activité économique de janvier soulève des doutes quant aux probabilités de récession. Toutefois, nous restons convaincus que le resserrement de la politique monétaire permettra d’enrayer les niveaux élevés d’inflation actuels avec une légère récession. Au-delà de l’impact direct sur l’économie, nous constatons également des pressions imprévues au niveau des caisses de retraite britanniques et les banques régionales américaines, ces dernières ayant pris des risques excessifs sans couverture avec des actifs sûrs, tels que les bons du Trésor américains ! Nous sommes d’avis que le parcours menant à la récession ne sera pas linéaire et nous nous attendons aussi à ce que la progression se fasse en dents de scie, le temps que les investisseurs oublient les leçons du passé afin de pouvoir comprendre les signaux et les corrélations dans un nouveau contexte d’inflation élevée.

L’inflation agit comme un frein

Bien que cela puisse être contre-intuitif, l’inflation semble avoir pour effet de protéger la croissance et indique que le début d’une récession serait retardé. Par exemple, les bénéficiaires de revenus indexés sur l’inflation, notamment de régimes de retraite, commencent tout juste à profiter d’une augmentation de leurs prestations mensuelles, ce qui pourrait les inciter à accroître leurs dépenses en termes nominaux. Qui plus est, les taux d’inflation sont en baisse avant même le début d’une récession, ce qui est très inhabituel, car la baisse de l’inflation est généralement consécutive à une diminution des bénéfices des sociétés et à des mises à pied de travailleurs qui entraînent l’économie en récession. La situation est différente cette année, car le redressement des chaînes d’approvisionnement a contribué à faire ralentir l’inflation globale. Ce dernier a passé de son sommet en 2022 à un peu plus de 3 % sur les derniers 3 mois. Ainsi, avant même que le plein effet de la politique monétaire se fasse ressentir, un apaisement de l’inflation pourrait favoriser le revenu réel du travail en cette période de fin de cycle.

Du côté des entreprises, il convient de noter que les contractions des bénéfices par action étaient moins sévères pendant les récessions qui ont eu lieu dans les années 1970 et 1980 que lors de celles qui se sont produites depuis les années 1990. Lors des pires récessions d’après guerre, les bénéfices ont reculé d’environ 16 % en moyenne, tandis qu’ils ont plongé de 30 à 35 % en moyenne depuis les années 1990, une période de ralentissement important de l’économie et de l’inflation (voir le graphique 1). Il ne fait aucun doute que ces brusques chutes récentes sont attribuables aux multiples crises financières qui se sont produites, comparativement aux récessions plus normales causées par la politique qui ont eu lieu au cours des décennies précédentes. Il n’en demeure pas moins que l’inflation est utilisée comme motif par les entreprises pour justifier les hausses de prix leur permettant de protéger leurs marges de profit et leurs bénéfices qui subissent des pressions en période de ralentissement économique. L’inflation diminue également la valeur future de la dette des particuliers et des entreprises, et les hausses de taux pourraient les inciter à en rembourser une partie en puisant dans leur épargne excédentaire, contribuant à assainir leur bilan.

Graphique 1 : Contraction des bénéfices durant les périodes de récession

Graphique 1 : Contraction des bénéfices durant les périodes de récession. Ce graphique illustre la variation annuelle des bénéfices par action des sociétés de l’indice S&P 500 depuis 1950; les récessions aux États-Unis sont représentées par les zones ombrées. Le recul des bénéfices par action pendant les récessions des années 1970 et 1980 est plus modéré que lors des plus récentes récessions.
Sources : S&P/Robert Shiller, I/B/E/S et Macrobond
Remarque : Les zones ombrées correspondent aux récessions aux États-Unis.

Maintenant, une récession est-elle évitable?

Nous croyons qu’une récession aura lieu à court terme et que les règles du marché ne tiennent plus, ce qui envoie des signaux importants, mais confus. Les signaux de récession proviennent souvent des secteurs de la fabrication. Les cycles économiques qui évoluent en fonction du resserrement de la politique monétaire se retrouvent en récession à cause des secteurs dépendants des emprunts, comme ceux de l’immobilier, de l’automobile et des gros électroménagers. Il n’est donc pas étonnant d’apprendre qu’environ la moitié des indices des directeurs d’achat à l’échelle mondiale se trouvent en territoire baissier, tout comme le marché immobilier de la revente, de l’automobile et de la vente au détail des pays développés.

L’indice économique avancé (LEI) du Conference Board est un indicateur souvent utilisé dans les prévisions (LEI, voir le graphique 2). Depuis 1960, le LEI n’a jamais envoyé de faux signaux de récession après avoir reculé sur 12 mois durant trois mois consécutifs. En janvier, il enregistrait un recul pour un septième mois d’affilée. Cela semble contredire les données qui signalent une activité vigoureuse à l’heure actuelle. Quatre des dix composantes qui forment le LEI sont liées au secteur des biens : le nombre d’heures travaillées dans la fabrication, le volume de nouvelles commandes dans la fabrication, les commandes de biens d’équipement hors défense et les permis de construire. Les autres composantes sont des données financières ou relatives aux attentes des consommateurs. Pourtant, au cours des dernières années, les dépenses personnelles de consommation aux États-Unis ont été principalement orientées vers les biens, puis maintenant les services, à commencer par l’hôtellerie et les voyages, les soins personnels, les soins de santé, le transport aérien et les loisirs, les transports en commun, et les repas au restaurant depuis six mois. De la même façon, tous les secteurs des services ont bénéficié de la création vigoureuse de 517 000 emplois en janvier, surtout dans les loisirs et l’hôtellerie où il s’est créé 25 % des emplois, ou 128 000. Soulignons que l’importance des secteurs de la fabrication a diminué en raison de l’évolution de l’économie. De fait, leur contribution au produit intérieur brut a reculé d’environ cinq points de pourcentage tant aux États-Unis qu’au Canada durant les dix dernières années (voir le graphique 3). Certains signaux, sans être faux, sont peut-être influencés par la normalisation inhabituelle des dépenses et retardent le début de la récession qui mettra un terme au cycle économique. Il s’agit néanmoins d’un indicateur clé qu’il faut continuer à suivre de près, à notre avis.

Graphique 2 : Un recul du LEI sur 12 mois a toujours donné lieu à une récession.

Graphique 2 : Un recul du LEI sur 12 mois a toujours donné lieu à une récession. Ce graphique illustre la variation annuelle de l’indicateur économique avancé du Conference Board depuis 1960 et les récessions aux États-Unis sont représentées par les zones ombrées. L’indicateur recule sur 12 mois avant les récessions. Plus récemment, le LEI est passé en territoire négatif.
Sources : Conference Board
Remarque : Les zones ombrées correspondent aux récessions aux États-Unis.

Graphique 3 : Baisse du secteur de la fabrication.

Graphique 3 : Baisse du secteur de la fabrication. Ce graphique illustre la proportion du secteur de la fabrication en pourcentage du PIB pour le Canada et les États-Unis depuis 2006. Dans les deux cas, la proportion est en baisse constante durant la période présentée.
Sources : Statistique Canada, BEA et Macrobond

Voici deux autres points qui sont dignes de mention. Premièrement, les derniers cycles économiques ont créé des attentes selon lesquelles les banques centrales se devaient d’intervenir, et que les données allaient être digérées et faire l’objet d’une réaction instantanée. L’impatience est aux antipodes des longues périodes associées aux décisions de politique monétaire, surtout dans les périodes où nous semblons faire front commun pour limiter les dommages. Certaines entreprises semblent garder leurs employés par crainte de ne plus pouvoir embaucher plus tard. Au Canada, les banques à charte allongent maintenant la durée des prêts hypothécaires à taux variable à plus de 35 ans afin d’éviter les variations des mensualités à court terme. Deuxièmement, la trajectoire menant vers une récession pourrait ressembler beaucoup à un atterrissage en douceur. Les investisseurs agissent souvent en espérant échapper à la récession qui marque la fin du cycle. Un tel comportement est principalement observé lorsque les indicateurs sont influencés, soit par une politique extraordinaire en période de pandémie ou dans un contexte d’inflation inhabituel. En tenant compte des données disponibles, nous continuons de croire que la politique finira par porter ses fruits et c’est pourquoi nous demeurons prudents.

Marchés financiers

Les gains réalisés en janvier ont été en partie effacés en février. L’optimisme quant à une éventuelle fin des hausses de taux a fait place à la crainte que la vigueur exceptionnelle de l’économie soit un signe que le relèvement des taux a été insuffisant jusqu’à présent. L’inflation a bel et bien ralenti durant les trois derniers mois, mais la hausse soutenue des salaires conjuguée à la productivité anémique montre que la lutte n’est pas terminée. Les préoccupations demeurent également présentes au Canada où l’inflation globale a atteint 5,9 % sur 12 mois, l’un des taux les plus bas parmi les pays développés.

Par conséquent, les taux à 10 ans ont grimpé en février de 41 points de base (pb) au Canada et de 43 pb aux États-Unis, une hausse qui a plus que contrebalancé la baisse observée en janvier. Les écarts de crédit des obligations de sociétés et des obligations provinciales se sont bien maintenus, de sorte que l’indice des obligations universelles FTSE Canada a reculé d’environ 2 %, mais les rendements depuis le début de l’année ont progressé de 1 %. La volatilité du marché boursier est au nombre des facteurs ayant fait reculer l’indice composé S&P/TSX de 2,4 % durant le mois. L’indice demeure toutefois en hausse d’environ 4,8 % depuis le début de l’année. La prudence de février s’est manifestée dans les secteurs plus défensifs qui ont mené le bal, à savoir les biens de consommation de base, les services aux collectivités et l’immobilier, tandis que les secteurs des matériaux, des technologies de l’information et de l’énergie ont fait piètre figure. Notons que les températures plus douces ont pesé sur le secteur de l’énergie et sur l’ensemble des prix des matières premières. En Europe, même si l’inflation a encore grimpé pour atteindre 8,6 % sur 12 mois en janvier, et que le taux d’inflation au Royaume-Uni demeure obstinément au-dessus de 10 %, l’indice MSCI EAFE s’est bien comporté, grâce aux actions liées à la région. L’indice MSCI Marchés émergents a glissé de 4,6 %, cédant une partie des gains enregistrés à la fin de 2022. L’indice S&P 500 a fléchi de 2,4 %, mais continue d’afficher un gain de 3,7 % depuis le début de l’année. La possibilité que la banque centrale durcisse à nouveau le ton a contribué à stabiliser le dollar américain. Après avoir reculé pendant quatre mois d’affilée, l’indice du dollar américain s’est redressé de 2,7 % en février.

En ce début du mois de mars, plusieurs institutions financières liées aux cryptomonnaies et aux technologies (First Republic, Silvergate, Silicon Valley Bank [SVB] et Signature Bank) ont fait état de difficultés liées en partie au retrait de liquidités et à la hausse rapide des taux d’intérêt, les banques centrales ayant énergiquement resserré leur politique monétaire. Le sort des actifs de 319 milliards de dollars américains de SVB est particulièrement remarquable, car il s’agit de la deuxième faillite bancaire en importance de l’histoire des États-Unis. En raison de la baisse de la demande de prêts, des retraits élevés et de la difficulté de réunir des capitaux, la banque a dû vendre des actifs auparavant sans risque : des obligations du Trésor américain. Finalement, SVB a connu des problèmes de liquidité et a été fermée par les organismes de réglementation. La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), le département du Trésor et la Réserve fédérale ont agi rapidement pour s’assurer que les déposants auront accès à tous leurs fonds, ce qui témoigne de leur soutien au secteur bancaire régional en difficulté aux États-Unis. À l’échelle mondiale, les actions ont été durement touchées, mais les baisses ont surtout touché les titres des banques régionales aux États-Unis; l’indice S&P 500 a reculé de plus de 5 % depuis son sommet du début de mars. Entre-temps, les marchés obligataires ont considérablement revu leurs prévisions de hausses des taux de la Fed pour la quatrième fois en quatre semaines environ. Dans la foulée des premiers jours de la crise, les taux des obligations du Trésor à deux ans ont plongé de 75 pb, et des hausses de taux supplémentaires par la Fed ne sont plus aussi évidentes.

Stratégie de portefeuille

Sur le plan de la répartition de l’actif, les actions demeurent sous-pondérées par rapport aux liquidités dans les portefeuilles équilibrés. Le fort rebond des marchés boursiers qui a eu lieu plus tôt cette année est attribuable à l’espoir de voir l’économie effectuer un atterrissage en douceur. Les gains ont été alimentés par l’augmentation des ratios boursiers, les bénéfices des sociétés ayant ralenti comme prévu. Nous avons profité du redressement des actifs risqués de janvier pour accroître la sous-pondération des actions en réduisant la position dans les actions mondiales en faveur des obligations. Certains effets positifs de l’inflation dont nous avons parlé plus tôt illustrent bien que la trajectoire peut être ponctuée d’indicateurs mitigés et de signaux de diversion. Comme la politique est resserrée depuis un an seulement, nous n’en avons pas encore ressenti les pleins effets. Nous avons réduit la sous-pondération des titres à revenu fixe en raison de l’amélioration des valorisations et de l’augmentation des taux d’intérêt qui offrent maintenant un rendement satisfaisant. Les portefeuilles d’obligations font encore l’objet d’ajustements tactiques, et leur duration est plus longue du fait de l’accroissement des rendements, surtout au Canada. Les portefeuilles d’actions continuent de privilégier les sociétés qui présentent des bénéfices stables et résilients. En raison de l’impact positif de la réouverture de l’économie chinoise à l’échelle mondiale, nous avons augmenté la pondération des secteurs des matières premières et de l’industrie. Nous continuons de croire que la volatilité de même que l’adaptation des investisseurs aux nouveaux défis que pose l’inflation généreront des occasions.

Vancouver's Granville Island bridge at night with skyscrapers and marina with boats.

Nous avons récemment publié nos Prévisions pour les marchés financiers pour 2023, qui présentent un examen approfondi de nos thèmes de placement pour la prochaine année. Par conséquent, comme les années précédentes, le numéro de février de Perspectives présente une revue des changements survenus à Gestion de placements Connor, Clark & Lunn Ltée (CC&L) au cours de la dernière année.

Message du président

Martin Gerber.

Au cours des trois dernières années, l’économie mondiale et les marchés financiers ont été ébranlés par une succession d’importants chocs macroéconomiques : la pandémie de COVID-19, une récession et une guerre. Ces chocs ont provoqué de la volatilité sur les marchés. Les participants aux marchés et les experts ont souvent tendance à se concentrer sur les conséquences cycliques à court terme engendrées par les facteurs macroéconomiques. Or, il faut également tenir compte des changements durables qui s’opèrent sur le plan géopolitique et économique ainsi que sur les marchés.

 Il s’agit d’un élément important, car ces changements pourraient avoir une incidence sur les marchés pendant plusieurs années et faire en sorte que nous devions apporter des ajustements à la stratégie de portefeuille.

Pendant la pandémie, les gouvernements et les banques centrales ont mis en place des mesures de relance synchronisées et sans précédent, sous forme de politiques budgétaires et monétaires. Cette période a également été le théâtre d’une transformation majeure qui a bousculé l’échiquier géopolitique et au terme de laquelle les États-Unis ne sont désormais plus le seul pays à pouvoir revendiquer le statut de superpuissance mondiale. Ce bouleversement a ouvert la porte à une intensification des tensions dans de nombreuses régions et au plus grand conflit armé en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale. Ainsi, les alliances politiques se transforment et une plus grande priorité est accordée à la sécurité nationale. Par ailleurs, les inégalités et l’insatisfaction qui découlent du modèle économique actuel alimentent le soutien accordé aux gouvernements populistes. Or, ces gouvernements sont reconnus pour leurs politiques de repli sur soi, notamment leur tendance au rapatriement et à la régionalisation, soit la démondialisation. Ces politiques ont également comme effet de réduire l’immigration dans la plupart des pays développés. Enfin, l’heure est aux investissements dans les infrastructures, puisque les pays s’efforcent d’opérer une transition vers des sources d’énergie propre.

Ces facteurs macroéconomiques sont tous à l’origine de la hausse de l’inflation. Les banques centrales ont lancé le cycle de relèvement des taux d’intérêt le plus vigoureux depuis une génération afin de mater l’inflation galopante. Certains signes montrent un ralentissement de l’inflation, mais les changements structurels sont bel et bien là pour de bon. À notre avis, les pressions à la hausse sur l’inflation et les taux d’intérêt se maintiendront, ce qui constitue un important changement de paradigme par rapport à ce que nous avons connu au cours des 40 dernières années. Durant les derniers cycles, les investisseurs ont profité d’une longue période au cours de laquelle les politiques monétaires ont été très expansionnistes, les banques centrales ayant baissé leurs taux d’intérêt à répétition pour atténuer le risque de déflation et soutenir la croissance. Un tel contexte a été favorable à la prise de risque étant donné la faiblesse des coûts d’emprunt, ce qui a donné lieu à une croissance continue des évaluations des actifs risqués.

Au cours des prochaines années, les pressions inflationnistes et les taux élevés pourraient peser sur les marchés, car les évaluations des actifs s’ajusteront. À partir du prochain cycle, nous prévoyons une volatilité plus élevée et des mesures politiques qui auront pour effet de raccourcir les cycles et de faire baisser les évaluations des actifs. Dans un tel contexte, il faudra faire preuve de souplesse et nous croyons que la gestion active pourra tirer son épingle du jeu. Nous nous attendons à ce que la valeur ajoutée du gestionnaire soit un facteur de plus en plus important dans l’atteinte des objectifs de placement des clients.

Nous avons composé avec des contextes de placement bien différents au cours des quatre décennies qui se sont écoulées depuis la création de notre société en 1982. Or, notre principal objectif a toujours été d’offrir un rendement et un service supérieurs à nos clients. Notre capacité à atteindre notre objectif repose pleinement sur les compétences de notre équipe et la solidité de nos relations. Pour y arriver, nous nous concentrons sur la réalisation de notre mission première en déployant notre talent tout en cherchant à demeurer à l’avant-garde de la recherche et du développement sur les marchés des capitaux. Qui plus est, notre structure organisationnelle est une source de stabilité et nous permet de garder le cap sur notre horizon de placement à long terme. Malgré les conditions d’exploitation difficiles de la dernière année, notamment les rendements négatifs des marchés et l’importante hausse des coûts de main-d’œuvre, nous avons continué d’investir dans nos équipes et nous avons augmenté le nombre d’employés sur lesquels nous pouvons compter.

Ainsi, nous déployons des efforts pour mener à bien plusieurs initiatives chez CC&L :

  • Comme toujours, nous investissons dans notre équipe; et grâce à la planification du perfectionnement professionnel et aux programmes de formation en leadership, nous cherchons à approfondir les connaissances et à élargir le savoir-faire de nos équipes, tout en renforçant nos processus de placement et en planifiant la relève.
  • Nous continuons de mettre l’accent sur la promotion d’une culture de collaboration axée sur le travail d’équipe, en misant toujours particulièrement sur la promotion de la diversité et de l’inclusion. Nous travaillons sur de nombreux projets pour atteindre nos objectifs. L’initiative de leadership au féminin (Women In Leadership) est au cœur de nos priorités chez CC&L depuis deux ans et un grand nombre de recommandations ont été communiquées à notre conseil d’administration en 2022. Nous avons commencé à mettre en œuvre ces idées en 2022 et nous continuerons de les déployer en 2023, en 2024 et en 2025.
  • Nous avons intensifié nos activités de responsabilité sociale d’entreprise (RSE) afin de favoriser la santé et le bien-être des membres de l’équipe de CC&L et de continuer à soutenir les collectivités où nous exerçons nos activités. Nous avons établi de nouvelles politiques destinées à favoriser le bien-être de nos employés et de leurs familles, et à ce titre la Fondation CC&L a remis des bourses en plus de fournir un soutien financier sous différentes formes pendant l’année.

Nous vous remercions de votre collaboration et, comme toujours, je vous invite à me transmettre vos commentaires et à communiquer directement avec moi en tout temps.

Martin Gerber
[email protected]


Nouvelles de l’équipe

Nous sommes heureux d’annoncer que notre équipe s’est encore agrandie en 2022. CC&L a accueilli 20 nouveaux employés, ce qui représente une augmentation nette de 13 employés pour l’ensemble de l’année, ce qui porte à 117 le nombre d’employés au sein de CC&L. Nous pouvons aussi compter sur l’appui de plus de 350 employés du Groupe financier CC&L, qui assurent les services de gestion des affaires, d’exploitation, de marketing et de distribution.

La stabilité et l’orientation claire de chacune de nos équipes continuent de figurer parmi les principaux facteurs de succès de notre entreprise. L’une des principales raisons de notre succès est une planification de la relève réfléchie et exhaustive à l’échelle de l’organisation et une planification du perfectionnement professionnel rigoureuse.

Un certain nombre d’employés ont été promus directeurs principaux en raison de leur apport important et croissant à l’entreprise, ce qui porte à 27 le nombre total de directeurs principaux.

Directeurs principaux nommés en 2022 et en 2023

Titres à revenu fixe Stratégies fondamentales d’actions Stratégies quantitatives d’actions Solutions clients
Joe Dhillon Jack Ferris Piper Hoekstra Lisa Conroy
Kyle Holt Haley Mayers Derek Moore Monica Demidow
Kevin Malcolm Joe Tibble Isaac Ho Mandy Powell
TJ Sutter   Nolan Heim  

 

Nous résumons ci-dessous les changements survenus au sein du personnel de l’organisation.

Titres à revenu fixe

De gauche à droite : Brian Milne, Brian Eby, TJ Sutter.
  • Nous sommes heureux d’annoncer que Brian Milne, analyste de crédit principal, a été nommé actionnaire de CC&L en 2022. Brian Milne s’est joint à CC&L en 2018 et est devenu directeur principal en 2020. M. Milne compte plus de 15 ans d’expérience dans les marchés financiers. Il est responsable de la recherche sur le crédit et est membre du comité ESG de CC&L depuis 2019.
  • La planification de la relève est un processus important au sein de CC&L et nous déployons un tel plan à long terme au sein du groupe de stratégie macroéconomique. TJ Sutter s’est joint à CC&L en 2021 et a travaillé auprès de Brian Eby. L’année dernière, TJ a occupé des fonctions à responsabilités croissantes en matière de gestion de portefeuille et a été nommé directeur principal chez CC&L en 2022 et actionnaire en 2023. Brian Eby demeure un membre actif de l’équipe et contribue à ce titre à la stratégie de placement en plus de faire du mentorat.
  • Une nouvelle personne s’est ajoutée à l’équipe en 2022. Catherine Clarke s’est jointe à titre d’analyste au sein de l’équipe d’analyse et de conception de portefeuille.

Stratégies fondamentales d’actions

Debout (de gauche à droite) : Mark Bridges, Haley Mayers, Chang Ding, Simon Mo.
Assis (de gauche à droite) : Joe Tibble, Ryan Elliott, Jack Ferris.
  • En mars 2022, Steven Vertes, gestionnaire de portefeuille, a pris sa retraite après 20 ans au service de l’organisation. Nous sommes heureux d’annoncer que ses responsabilités ont été transférées sans heurts à d’autres membres de l’équipe.
  • Nous sommes heureux d’annoncer que Ryan Elliott, associé de recherche principal, a été nommé actionnaire de CC&L en 2022. M. Elliott est entré au service de CC&L en 2012 et est directeur principal depuis 2013. Il est responsable de la recherche dans les secteurs des technologies de l’information et de la santé.
  • Mark Bridges, gestionnaire de portefeuille, est responsable de la recherche dans le secteur de l’énergie et il occupe les nouvelles fonctions de directeur de recherche au sein de l’équipe, un poste créé en 2022. Dans son rôle, il est appelé à travailler de près avec l’ensemble des spécialistes des secteurs de façon à ce que le processus de recherche de l’équipe soit le plus organisé, le plus rigoureux et le plus constant possible. L’équipe de recherche s’est agrandie grâce à l’ajout de Chang Ding, à titre d’analyste de recherche en 2022. Nous sommes également heureux d’accueillir Haley Mayers, qui s’est jointe à nous à titre d’associée de recherche principale en janvier 2023. Mme Mayer compte plus de 10 ans d’expérience comme analyste de recherche sur les actions dans le domaine de la gestion d’actif.
  • Simon Mo occupe le nouveau poste d’analyste principal de la gestion de portefeuille depuis 2022. M. Mo est responsable des opérations de gestion, de l’administration et de la modélisation de portefeuille. Il a largement contribué au succès de l’équipe Stratégies quantitatives en actions de CC&L auprès de laquelle il a travaillé pendant 16 ans, et nous sommes heureux de tirer parti de ses compétences et de son expérience au sein de l’équipe Stratégies fondamentales d’actions.

Stratégies quantitatives d’actions

Debout (de gauche à droite) : Glen Roberts, Richard Au, Steven Li.
Assis (de gauche à droite) : Daniel Cook, Brian Bardsley.
  • Nous continuons à investir pour accroître nos ressources. Ainsi, nous avons ajouté sept membres à notre équipe en 2022, ce qui porte à 65 le nombre total de professionnels des placements qui travaillent pour nous.
  • Les nouveaux membres de l’équipe se sont joints au groupe de gestion du processus de placement ou au groupe des systèmes de gestion des placements, qui fait le pont entre la recherche et la gestion de portefeuille, qui construit toute l’infrastructure technologique de placement, qui recueille et traite l’ensemble des quelque 45 millions de données analysées dans nos modèles chaque jour, et qui chapeaute tous nos processus opérationnels.
  • Nous accordons une grande importance au perfectionnement professionnel continu, y compris aux mouvements du personnel qui permettent aux membres de l’équipe d’occuper divers postes. La possibilité d’exercer diverses fonctions dans le domaine des placements offre aux employés l’occasion d’explorer différentes trajectoires de carrière et de mieux comprendre l’univers des placements par rapport à leurs fonctions. En 2022, deux membres de l’équipe sont passés des groupes de gestion du processus de placement et des systèmes de gestion des placements à la négociation et à la gestion de portefeuille. Dans l’ensemble, la proportion de fonctions exercées par les membres de notre équipe est demeurée plutôt stable au fil des années.
  • La croissance de notre équipe nécessite par ailleurs des dirigeants plus spécialisés. Cinq personnes — dans tous les groupes de l’équipe ont été nommés actionnaires de la société en 2023, une façon de souligner leur leadership en matière de placement qu’ils ont acquis depuis leur entrée en service chez CC&L.
    • Gestion de portefeuille : Brian Bardsley s’est joint à CC&L en 2007 et est directeur principal depuis 2013. Ses principales responsabilités comprennent la mise en œuvre de nouvelles stratégies, de nouveaux mandats et de changements du modèle.
    • Recherche : Glen Roberts s’est joint à CC&L en 2007 et est devenu directeur principal en 2015. Steven Li s’est joint à CC&L en 2015 et est devenu directeur principal en 2020. Steven et Glen sont tous deux des membres seniors de l’équipe de recherche. En plus de mener leurs propres recherches quantitatives, ils ont également des rôles de leadership dans la gestion des projets et du processus de recherche.
    • Systèmes de gestion des placements : En janvier 2020, 19 membres de l’équipe des systèmes de gestion de placement de CC&L Financial Group sont devenus des employés directs de CC&L. Dan Cook et Richard Au ont dirigé l’équipe depuis et sont devenus des directeurs principaux de la société en 2020. Ils continuent de fonctionner selon un modèle de codirection; Dan assurant le leadership technique et Richard se concentrant sur le leadership du personnel.

Solutions clients

  • Notre équipe des solutions clients s’est agrandie depuis l’arrivée de Diana Prenovost en janvier 2023. Elle travaille à partir du bureau de Montréal sur la gestion des relations avec les clients.

Investissement responsable

En 2022, le comité ESG a entrepris d’analyser les pratiques du secteur en matière d’investissement responsable en ce qui concerne notamment l’intégration, l’actionnariat actif et la communication. Les résultats obtenus au terme de cette analyse nous ont permis de valider notre approche en matière ESG et nous ont incités à établir une liste d’améliorations à apporter en priorité en 2023. De façon générale, les priorités ont pour objectif d’améliorer la communication et le suivi de nos activités d’investissement responsable. Nous nous sommes également engagés à officialiser notre stratégie sur le climat en 2023 particulièrement en incitant les entreprises à faire preuve d’une plus grande transparence quant à la communication des informations relatives à leurs émissions et à leurs plans de transition.

Activités d’exploitation

Au quatrième trimestre de 2022, nous avons officiellement mis en place notre politique de retour au bureau. Cette nouvelle politique hybride donne de la souplesse aux employés tout en réunissant tous les membres de l’équipe au bureau au moins trois jours par semaine (mardi au jeudi).

Nouvelles de l’entreprise

Actif géré

L’actif sous gestion (ASG) de CC&L a reculé d’environ cinq milliards de dollars en 2022 pour atteindre 54 milliards de dollars. Ce recul est attribuable aux rendements négatifs des mandats d’actions et de titres à revenu fixe causés par la baisse des marchés. Nous sommes heureux d’annoncer que nous poursuivons notre croissance grâce aux mandats de nouveaux clients répartis dans toutes nos équipes de placement. En 2022, CC&L a accueilli 17 nouveaux clients et a obtenu neuf nouveaux mandats de clients existants totalisant 2,5 milliards de dollars. Les nouveaux mandats sont pour la plupart des mandats d’analyse quantitative d’actions étrangères confiés par des investisseurs institutionnels hors du Canada et qui représentent maintenant environ 20 % de notre ASG total.

Par type de mandat.
Répartition des actifs sous gestion par type de mandats (%) :
Actions fondamentales : 21 %.
Actions quantitatives : 44 %.
Titres à revenu fixe : 17 %.
Stratégies multiples : 18 %.
Par type de client.
Répartition des actifs sous gestion par type de clients (milliards) :
Caisses de retraite : 27,5 G$.
Sous-conseiller : 17,7 G$.
Fondations, fonds de dotation et autres institutions : 8,9 G$.
Actif total sous gestion CAD $ au 31 décembre 2022 : 54 G$.

Mot de la fin

Nous tenons à remercier nos clients et nos partenaires pour leur collaboration et leur soutien. C’est avec plaisir que nous continuerons à collaborer avec vous et à vous aider à atteindre vos objectifs de placement au cours des prochaines années.



Les Prévisions de cette année analysent les thèmes à long terme qui sous-tendent nos perspectives et tiennent compte des facteurs cycliques à court terme qui influent sur les perspectives de l’économie, de l’inflation et de la politique monétaire. Nous examinons les valorisations boursières et, en tenant compte de tous ces facteurs, nous établissons le cadre de notre stratégie de portefeuille. Au cours de l’année, vous trouverez des mises à jour des Prévisions dans notre bulletin mensuel Perspectives.

La pandémie de COVID-19 est en grande partie derrière nous. Le dernier grand pays à accepter de « vivre avec le virus », la Chine, abandonne maintenant sa « politique zéro COVID » en vigueur depuis longtemps. La guerre entre la Russie et l’Ukraine a remplacé la santé comme principale préoccupation au cours de l’année. La hausse des prix des aliments et de l’énergie provoquée par la guerre a accentué les déséquilibres entre l’offre et la demande, qui faisaient déjà grimper l’inflation à l’échelle mondiale.

Pour les marchés financiers, l’inflation élevée a déclenché une forte réaction des banques centrales qui a fait augmenter les taux d’intérêt et entraîné des réévaluations des catégories d’actif. On se souviendra de 2022 comme de la première année où les actions et les obligations américaines ont reculé de plus de 10 % dans la même année. L’année a aussi été marquée par la fin ou le renversement de nombreuses tendances de longue date sur les marchés :

  • La stagnation à long terme sur plusieurs décennies, qui a été caractérisée par une faible croissance et une faible inflation, a pris fin
  • Les cibles d’inflation moyennes flexibles présentées en août 2020 ont été abandonnées avant même leur mise en application
  • L’extrapolation assurée des coûts d’emprunt peu élevés à long terme est chose du passé
  • Les obligations à rendement négatif ont disparu après avoir atteint un sommet mondial de 18 000 G$ US au milieu de 2020
  • Les excès de liquidité attribuables à l’assouplissement quantitatif sont maintenant en voie de s’inverser à l’échelle mondiale
  • Le marché haussier prolongé alimenté par les actions de croissance et les valorisations élevées a pris fin
  • La corrélation négative entre les actions et les obligations s’est rompue

Que devons-nous en penser par rapport aux prochaines années? La réponse dépend de la trajectoire de l’inflation à partir de maintenant. L’histoire des 50 dernières années nous indique que, lorsqu’un pays a fait face à un taux d’inflation de 8 % ou plus, il faut plus de deux ans pour que le choc se réduise à un taux modéré (inférieur à 3 %). La perspective d’un retour à l’inflation cible au cours des 12 prochains mois est donc optimiste.

Habituellement, une récession et une hausse du chômage sont nécessaires pour freiner la demande. Comme les banques centrales se concentrent résolument sur l’inflation, une récession est probable. Mais, au-delà de ce prochain repli, nous demeurons préoccupés par les perspectives à long terme d’un retour à la cible d’inflation de 2 % des banques centrales. Pendant quatre ans, selon nos perspectives de nos thèmes à long terme, nous ne retournerons pas à une stagnation à long terme et l’inflation élevée s’intallera. En fait, les événements des dernières années ont accentué ces tendances à long terme. Nous discuterons de ces tendances et évaluerons les thèmes cycliques à court terme, y compris les perspectives d’inflation et la réaction de la politique monétaire, en soulignant les risques pesant sur nos perspectives. Enfin, nous présenterons notre point de vue sur les valorisations boursières après une année 2022 tumultueuse et discuterons de la stratégie du portefeuille.

GRAPHIQUE 1 : L’ANNÉE 2022 A ÉTÉ UNE ABERRATION POUR LES RENDEMENTS DES ACTIONS ET DES OBLIGATIONS. Ce graphique à points présente le rendement total annuel de l’indice S&P 500 par rapport au rendement total des obligations d’État américaines au cours des 150 dernières années. L’année 2022 se démarque comme une année au cours de laquelle l’indice S&P 500 et les obligations américaines ont enregistré des rendements nettement négatifs.

Conjoncture à long terme

La Grande modération est la période observée depuis le milieu des années 1980. Elle était caractérisée par une stabilité accrue des données économiques, une faible inflation et une croissance économique modeste. Au cours de cette période, les risques géopolitiques ont été faibles, les sociétés ont profité de solutions de rechange à faibles coûts grâce à la mondialisation et ont eu recours à des chaînes d’approvisionnement de plus en plus complexes. La COVID a mis en évidence la fragilité du système existant en période de tensions. Certaines des forces à long terme que nous avons identifiées il y a quatre ans étaient de nature inflationniste – renversement de la mondialisation, vieillissement de la population, mesures visant à inverser les changements climatiques et importance croissante de la politique budgétaire. Ces facteurs ont été fortement renforcés par les événements des trois dernières années. Nos thèmes à long terme nous amènent à se réorienter d’un contexte de désinflation généralisée vers un contexte où l’inflation ne constitue pas une réponse cyclique temporaire au déséquilibre entre l’offre et la demande, mais bien une pression à la hausse soutenue. Cette situation complique le travail des décideurs politiques.

1. La sécurité est importante dans le contexte géopolitique

  • Après plusieurs années d’instabilité causée par les guerres commerciales, les problèmes de santé, la politique, la guerre, les difficultés de la dotation en personnel et la rupture des chaînes d’approvisionnement, la sécurité des relations d’affaires deviendra la priorité à mesure que les relations mondiales se réaligneront. La mondialisation a atteint un sommet dans les années 1990 avec les accords de libre-échange (OMC, ALENA, traité de Maastricht), mais elle est maintenant en déclin et il est peu probable qu’elle se stabilise. Une longue période de calme relatif à l’échelle mondiale a permis aux entreprises de se tourner vers des chaînes d’approvisionnement de plus en plus efficaces axées sur les coûts les plus faibles à l’échelle mondiale. Les consommateurs et les gouvernements exigent maintenant des politiques plus nationalistes en ce qui a trait à la production de biens, et les entreprises accordent maintenant de l’importance à une résilience accrue dans un monde géopolitique plus incertain et paieront des coûts plus élevés pour y parvenir.
  • Le réalignement entre la Chine et les États-Unis est le facteur le plus critique de ces relations, en raison de leur taille comme les deux plus grandes économies du monde. En 2000, l’adhésion de la Chine à l’OMC a été un facteur de désinflation mondiale pendant 20 ans. La Chine a fourni aux États-Unis des biens manufacturés et de la main-d’œuvre à bon marché. Il s’en est suivi que la courbe mondiale de Phillips s’est aplatie. Dans les dernières années, même avant les guerres commerciales de l’administration Trump, le commerce mondial ralentissait déjà, car le ratio des salaires entre les États-Unis et la Chine est passé de 34 fois à seulement 5 fois au cours de ces 20 années, ce qui a entraîné une diminution des gains mutuels. Ainsi, même si les importations de marchandises aux États-Unis ont bondi de 38 % depuis la COVID, en raison de la montée en flèche des achats, la proportion de ces biens importés de Chine a diminué. La relation entre la Chine et les États-Unis s’est transformée en concurrence pour les technologies, les services financiers, les matières premières et la domination géopolitique. Tout comme la mondialisation a contribué à l’accès à une main-d’œuvre mondiale, à la désinflation des prix des biens, à la réduction des investissements dans les stocks et à la volatilité du cycle économique, le déclin de la mondialisation implique le contraire de ces effets.
  • La Russie fournit à l’Europe de l’Ouest du gaz naturel, du pétrole et du charbon pour soutenir le secteur manufacturier européen. Toutefois, la plupart des solutions de rechange à l’énergie russe sont plus coûteuses. De plus, les sanctions économiques actuellement imposées à la Russie ne devraient pas disparaître immédiatement, même si la guerre devait prendre fin. La guerre a également incité les pays à augmenter leurs dépenses militaires. Le commerce et la finance sont également influencés par des tactiques géopolitiques, puisque des pays gèlent les réserves de change d’autres banques centrales et restreignent : l’accès aux systèmes de paiement, l’expropriation d’actifs et l’autofinancement de nombreuses sociétés. De plus, plusieurs pays limitent les exportations des matières premières. Dans l’ensemble, l’orientation vers la sécurité, la résilience et les relations entraîne une hausse des coûts.
GRAPHIQUE 2 : LA PART DES IMPORTATIONS EN PROVENANCE DE LA CHINE A DIMINUÉ. Ce graphique linéaire indique la proportion de biens américains importés de Chine entre 1999 et 2022. La proportion de biens importés de Chine a augmenté considérablement : d’environ 8 % en 1999 à environ 22 % en 2017. Depuis, cette série a connu une tendance à la baisse, malgré une hausse de courte durée durant la COVID-19.

2. Un cycle d’investissement des capitaux avantageux, mais coûteux

  • Le résultat direct des préoccupations liées à la sécurité est qu’un cycle de dépenses en immobilisations axé sur la demande pourrait survenir. Une partie de la demande portera sur la sécurisation de chaînes d’approvisionnement fiables et à proximité, dont l’importance a été démontrée lors de la pandémie d’abord pour les vaccins et les fournitures médicales et ensuite pour les biens et services généraux. Cela devrait éloigner le secteur manufacturier de la mentalité du plus faible coût. Compte tenu des investissements dans la machinerie, la technologie et l’innovation, il faut espérer que cela rapportera des dividendes grâce à une hausse de la productivité.
  • Un deuxième facteur est la façon de repenser les sources d’énergie. L’Europe doit remplacer la Russie par une autre source d’énergie, mais tous les pays cherchent des moyens de délaisser les combustibles à base de carbone pour lutter contre les changements climatiques. L’énergie renouvelable est plus coûteuse et généralement moins fiable dans l’ensemble (il n’y a pas toujours de soleil ou de vent au moment où il en faut), tandis que l’énergie nucléaire nécessite d’importants investissements. Toutefois, dans son rapport de 2022, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) fait remarquer que la crise énergétique actuelle pourrait accélérer la transition vers l’énergie propre. Les investissements mondiaux dans le secteur de l’énergie devraient atteindre 2 400 G$ US cette année, soit une hausse de 8 %, dont les trois quarts sont consacrés à l’énergie propre. Parmi les nombreux engagements à l’échelle mondiale, soulignons la mise en œuvre par les États-Unis d’un programme de sécurité climatique et énergétique de 370 milliards de dollars américains dans le cadre de l’Inflation Reduction Act en août 2022 afin de rendre des fonds publics disponibles pour la recherche et les investissements dans les énergies renouvelables. Le plan REPowerEU de la Commission européenne investit 210 milliards d’euros dans les énergies renouvelables et le passage à d’autres carburants. De façon plus générale, les investissements dans les infrastructures du secteur public augmenteront également et sont déjà en cours aux États-Unis à la suite de l’adoption à la fin de 2021 de l’Infrastructure Investment and Jobs Act (1 200 milliards de dollars américains).
GRAPHIQUE 3 : LES INVESTISSEMENTS DANS LES ÉNERGIES PROPRES AUGMENTERONT DE MANIÈRE SIGNIFICATIVE. Ce graphique à barres montre les investissements dans l’énergie propre des économies avancées, de la Chine et des économies émergentes et en développement entre 2015 et 2021 ainsi que les projections pour 2030. Les investissements dans l’énergie propre ont été généralement stables entre 2015 et 2021, mais devraient augmenter considérablement en 2023 pour toutes les régions indiquées.

3. L’offre mondiale de main-d’œuvre diminuera

  • La population mondiale a atteint huit milliards de personnes le 15 novembre 2022, selon l’ONU. Il a fallu 70 ans pour qu’elle passe de 2,5 à 8 milliards de personnes. Au cours des 70 prochaines années, on prévoit toujours une croissance, mais à un rythme beaucoup plus lent, pour atteindre environ 10 milliards de personnes. Cette donnée est importante parce que la croissance de la part de la population en âge de travailler, définie comme étant âgée de 18 à 65 ans, contribue à l’expansion économique. Or, ce ne sera plus le cas pour la plupart des pays industrialisés. En effet, le ratio de dépendance, soit la part de la population âgée de plus de 65 ans par rapport à la population en âge de travailler, devrait augmenter de 10 % en 2022 à 16 % en 2050, ce qui est considérable.
  • Les projections démographiques sont bien claires, mais, même au sein de la population active, les tendances indiquent un ralentissement de la participation. Aux États-Unis, la proportion d’Américains en âge de travailler dans la population active a fortement diminué; elle est passée de 67,3 % en 2000 à 62,1 % à la fin de 2022. Environ la moitié de cette baisse est attribuable au départ à la retraite de la génération des baby-boomers, qui devrait demeurer une force importante jusqu’en 2030. Au Canada, le taux de participation de 65 % reste proche de sa moyenne à long terme, malgré la même influence des baby-boomers. Le pays a apporté d’importants changements à sa politique d’immigration internationale afin de consolider son profil démographique, ce qui augure bien à moyen terme. Nous avons vu les conséquences de la démographie sur la main-d’œuvre pendant la pandémie. Les travailleurs ont pris une retraite anticipée ou ont quitté le marché du travail pour prendre soin de leur propre santé ou d’un être cher. À mesure que la taille de la main-d’œuvre mondiale diminue, son pouvoir de négociation augmente naturellement, et ce, pour la première fois depuis des décennies. Ces tendances devraient favoriser une hausse des salaires.
GRAPHIQUE 4 : LES RATIOS DE DÉPENDANCE VONT S’AGGRAVER DANS LES RÉGIONS DÉVELOPPÉES. Ce graphique à barres illustre le ratio de dépendance des personnes âgées (défini comme la population de plus de 65 ans par rapport à la population de 15 à 64 ans) pour 2021 ainsi que les projections pour le ratio de dépendance des personnes âgées en 2050 pour l’OCDE, le Canada, les États-Unis et l’Union européenne. Dans chaque région, le ratio s’aggrave considérablement en 2050. Les projections pour 2050 représentent le scénario de population moyenne de l’ONU.

4. La politique budgétaire aura plus d’importance, mais elle devra être gérée avec soin

  • Avant la pandémie, la politique monétaire était limitée par les taux d’intérêt nuls et les banques centrales achetaient déjà des obligations massivement. À l’époque, la politique monétaire atteignait les limites de l’efficacité et, selon nous, la gestion des cycles économiques allait être confiée à la politique budgétaire. La pandémie a accéléré tout cela, en raison des mesures d’intervention massives des gouvernements prenant la forme de programmes de soutien social qui ont fait grimper les déficits. La politique monétaire a joué un rôle crucial, mais secondaire, en rachetant les obligations émises pour financer les dépenses gouvernementales. Pourtant, même lorsque l’inflation était élevée en 2022, les gouvernements mettaient en place des programmes de dépenses très diversifiés : ils envoyaient des chèques pour aider les familles à composer avec l’inflation élevée, renonçaient aux prêts étudiants, créaient des programmes nationaux de soins dentaires et offraient un soutien direct aux locataires. Par conséquent, même si, dans l’ensemble, les déficits budgétaires ont nettement diminué par rapport aux pires projections au sortir de la pandémie, les déficits gouvernementaux continuent d’être plus importants que les niveaux prépandémiques, ce qui souligne leur incidence dans ce contexte de fin de cycle.
  • Il est toujours plus facile de mettre en œuvre une politique budgétaire expansionniste sans que ne cessent véritablement les demandes faites au gouvernement. Toutefois, pour assurer un financement naturel suffisant, il est utile d’avoir une forte croissance économique et de faibles taux d’intérêt, un contexte dont nous avons profité au cours de la période 2020-2021. En effet, si les niveaux d’endettement augmentent soudainement, comme ce fut le cas lors de la pandémie, l’inflation élevée réduit également la valeur réelle des dettes en circulation. Au moment où nous nous dirigeons vers une période d’activité économique inférieure à la tendance et de ralentissement, et non de faiblesse, de l’inflation, il vaut la peine de rappeler deux événements marquants de 2022 qui mettent en garde contre des dépenses budgétaires illimitées. Tout d’abord, la publication du budget du Royaume-Uni comportant d’importants projets de dépenses a causé une flambée historique des taux des obligations gouvernementales, qui a presque provoqué l’effondrement des caisses de retraite britanniques. Cela nous rappelle qu’en période d’assouplissement quantitatif, les gouvernements peuvent enregistrer d’importants déficits si la banque centrale est un acheteur important de ces obligations gouvernementales. À mesure que les liquidités sont retirées du système, les gouvernements doivent contrôler ces impulsions et imposer des contraintes pour les emprunts. Deuxièmement, la Banque du Japon a doublé la fourchette de négociation permise des taux des obligations gouvernementales japonaises à 10 ans pour la porter à 0,5 point de pourcentage de part et d’autre de la cible de 0 %, élargissant ainsi le plafond effectif des taux. Comme elle était la dernière grande banque centrale à décréter une hausse des taux d’intérêt, il s’agissait peut-être de la fin de la politique de taux d’intérêt zéro et d’un signe de hausse structurelle des taux à l’échelle mondiale. Dans l’ensemble, la politique budgétaire demeurera une véritable force, mais il est peu probable que les participants aux marchés tolèrent les dépenses non contrôlées et des coûts de service de la dette plus élevés.

La conjoncture cyclique

Monde : court cycle, courte récession

  • La présidence du FMI estime qu’un tiers de l’économie mondiale sera en récession en 2023. Les États-Unis, l’Union européenne et la Chine sont tous en train de ralentir. La croissance économique mondiale devrait passer de 3,2 % en 2022 à 2,7 % en 2023. Si ce scénario se concrétise, le cycle actuel sera l’un des plus courts jamais enregistrés, ce qui marquera un retour à un cycle d’expansion et de récession qui était plus courant dans les années 1980 et 1990. Un resserrement vigoureux de la politique monétaire pour lutter contre l’inflation devrait donner lieu à la troisième pire année du siècle pour la croissance mondiale, après la pandémie de 2020 et les répercussions de la crise financière mondiale en 2008.
  • Toutefois, à l’instar de la récession de 2020, qui a été provoquée de façon inhabituelle par des mesures hors du commun visant à fermer une économie qui se portait bien, la récession de 2023 sera caractérisée, elle aussi de façon inhabituelle, par d’importantes réserves d’épargne et des marchés du travail dynamiques. En effet, l’épargne, les salaires, l’emploi, les prix globaux des actifs (prix de l’habitation et des actions par rapport aux niveaux de 2019) et les prix des matières premières laissent entrevoir une légère récession. Les indicateurs typiques d’un repli important – faillites de sociétés et de ménages, stocks non intentionnels, saturation de la demande – ne sont pas présents.
  • La récession de 2023 pourrait aussi être la première depuis 1980 à ne pas présenter de choc financier majeur et se révéler être une véritable récession classique induite par les politiques monétaires (mais cela reste à voir). Fait encourageant, aucun gouvernement important ne s’est opposé activement aux efforts des banques centrales visant à réduire l’inflation parce que celle-ci est très impopulaire. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi : l’inflation détruit les gains salariaux nominaux et les valorisations des actifs, ce qui nuit à tous les ménages. Nous sommes donc prêts à accepter des difficultés à court terme pour ramener l’inflation à sa cible.
GRAPHIQUE 5 : LA CROISSANCE MONDIALE RALENTIRA EN 2023. Ce graphique à barres indique les taux de croissance prévus du PIB entre 2021 et 2023 pour le monde, les économies avancées, les marchés émergents et les économies en développement. Les années 2022 et 2023 représentent les estimations du FMI. La variation annuelle de la croissance du PIB dans le monde, les économies avancées, les marchés émergents et les économies en développement devrait ralentir au cours des années indiquées.

Canada : une récession suivie d’un nouveau début

  • Ayant été l’une des premières banques centrales à reconnaître la nécessité de réduire les mesures de relance, la Banque du Canada a mis fin à ses achats d’actifs à la fin de 2021, a commencé à réduire son bilan en 2022 et a relevé les taux plus tôt que les autres banques centrales. Sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt, les ménages lourdement endettés ralentiront les dépenses pour gérer les coûts plus élevés du service de la dette. Les dépenses de consommation devraient se contracter, mais la vigueur du marché de l’emploi, les revenus nominaux revigorés par la hausse des salaires et l’épargne élevée atténueront ce qui aurait autrement pu être une baisse abrupte. Le taux d’épargne des particuliers s’est établi à 5,7 % du revenu personnel disponible au troisième trimestre de 2022, ce qui est nettement supérieur à la moyenne de 2,3 % de 2015 à 2019. L’épargne excédentaire accumulée durant la pandémie continue donc de s’accroître. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont accordé un soutien au revenu, en particulier aux Canadiens à faible revenu, en étendant l’aide offerte durant la pandémie à l’inflation.
  • Les marchés de l’habitation continueront de se détériorer étant donné que les taux hypothécaires de cinq ans sont passés de 3,2 % à la fin de 2021 à 5,9 % en 2022. Les prix des logements ont déjà baissé, mais ils se maintiennent près de leurs niveaux de 2019 et pourraient bénéficier d’un certain soutien des niveaux élevés d’immigration qui devraient aider maintenir la demande de logements élevée dans un contexte de diminution de l’offre. Même si la récession mondiale réduit la demande pour les exportations canadiennes, la vigueur des prix des matières premières soutiendra le revenu national grâce à des termes de l’échange plus élevés. Les dépenses en immobilisations des entreprises stagneront, mais, conformément à nos perspectives à long terme, elles devraient s’améliorer au cours du prochain cycle.
  • L’économie canadienne a surpassé les attentes en 2022, ce qui a permis de commencer 2023 sur une note positive. Mais une analyse approfondie permet de constater que la demande intérieure se contracte en raison de la baisse de la consommation et des investissements. La pleine force de la hausse des taux hypothécaires et des taux d’emprunt à la consommation est probablement non linéaire, et les ménages pourraient réduire leurs dépenses encore beaucoup plus. Les risques pour les perspectives sont à la baisse. Par ailleurs, un certain nombre de facteurs, notamment la répartition des exportations canadiennes, les partenariats commerciaux et, surtout, les données démographiques, semblent indiquer que le Canada pourrait bien se ragaillardir au cours du prochain cycle (voir Perspectives de décembre).
GRAPHIQUE 6 : LA POPULATION CANADIENNE EN ÂGE DE TRAVAILLER A AUGMENTÉ. Ce graphique linéaire montre la variation annuelle de la population en âge de travailler au Canada, c’est-à-dire les personnes de 25 à 54 ans, entre 1972 et 2022. Le graphique indique une diminution graduelle du nombre de Canadiens en âge de travailler de la fin des années 1980 jusqu’au milieu des années 2010, suivie d’une forte hausse jusqu’en 2022.

États-Unis : une consommation irrépressible

  • Les États-Unis représentent l’une des inconnues les plus importantes de l’économie mondiale parce qu’il est encore difficile de dire jusqu’où la Fed devra resserrer son taux directeur avant que l’inflation puisse être maîtrisée. La croissance n’a pas beaucoup de marge de manœuvre pour ralentir par rapport à un rythme anémique d’environ 0,2 % en 2022 et, selon les chiffres, elle connaîtra deux années consécutives de faiblesse. Le ralentissement de l’an dernier est en grande partie attribuable à la faiblesse du commerce international, mais la demande intérieure a été suffisamment forte. Les dépenses de consommation sont soutenues par la réduction de la dette et des coûts de service de la dette par rapport aux niveaux d’avant la crise financière mondiale, malgré la récente hausse des taux d’intérêt, et par l’accroissement de l’épargne excédentaire. Même si les dépenses de services ont tenu le coup, certaines composantes des dépenses de consommation sensibles aux taux d’intérêt se sont contractées. Le volume des reventes de logements a chuté d’un tiers par rapport à ses sommets, en partie en raison de la structure du marché hypothécaire où les taux d’intérêt bas ont été bloqués à long terme, et tout changement oblige à contracter un nouveau prêt hypothécaire à un taux courant de plus de 7 %.
  • Une question clé est de savoir si le ralentissement aux États-Unis sera suffisant pour contenir l’inflation. Étant donné que l’inflation actuelle est principalement attribuable aux prix des services, à l’exclusion des coûts des logements, et, de façon critique, compte tenu de l’importance des salaires, le présent cycle dépend jusqu’à quel point les marchés du travail devront fléchir pour que les salaires cadrent avec les cibles d’inflation. L’histoire nous enseigne qu’il faut une hausse d’au moins un pourcent du taux de chômage pour entraîner une récession. Même si la croissance absolue de l’emploi et le nombre d’heures travaillées sont restés stables jusqu’ici, l’écart entre les postes vacants et les travailleurs disponibles a été historiquement important, atteignant près de 6 millions, soit environ 4 fois le niveau d’avant la pandémie; les taux de départs demeurent élevés en raison de la concurrence sur le marché. Compte tenu de la vigueur inhabituelle de la demande de main-d’œuvre au cours du présent cycle, la Fed semble avoir encore beaucoup de travail à faire et accordera la priorité aux données du marché de l’emploi afin de déterminer à quel moment elle pourra interrompre son cycle de hausses. Les risques de baisse augmenteront avec la vigueur actuelle du marché de l’emploi.
GRAPHIQUE 7 : LES DONNÉES FONT ÉTAT D’UN MARCHÉ DE L’EMPLOI SERRÉ AUX ÉTATS-UNIS. Ce graphique linéaire présente deux séries, soit le taux de démissions aux États-Unis et le ratio du nombre de postes vacants par rapport au nombre de chômeurs, de 2000 à 2022. Ces séries affichent une tendance à la hausse depuis 2009 et ont atteint un sommet en 2021, mais demeurent assez élevées. Cela indique un resserrement du marché de l’emploi aux États-Unis.

Union européenne : stagflation et rééquilibrage de l’offre énergétique

  • La zone euro sera la seule région susceptible de connaître une stagflation. La croissance ralentira par rapport à une année 2022 meilleure que prévu, qui a été soutenue par de l’aide budgétaire et une accumulation du stockage de gaz. Les gouvernements ont offert une certaine protection contre les prix élevés de l’énergie en ayant recours à une combinaison de réductions d’impôt, de subventions énergétiques et de mesures de soutien du revenu, avant de finalement adopter des plafonds de prix directs. Il y aura encore des mesures de soutien budgétaire, mais elles seront limitées étant donné que les déficits publics en France, en Italie et en Espagne dépassent déjà 4 % du PIB. Les principaux indicateurs et la confiance des consommateurs et des entreprises montrent que l’économie de la zone euro se contracte. En aval, toute reprise sera probablement faible. La baisse de l’offre d’énergie a ralenti la production industrielle, et les prix élevés de l’énergie ont réduit le revenu réel des ménages. Les marchés de l’emploi, toutefois, sont positifs et restent généralement serrés; le taux de chômage se situe à un creux record de 6,6 %.
  • L’inflation était déjà plus élevée dans la zone euro que dans presque toutes les économies des marchés développés dans le monde. L’inflation globale a atteint un sommet de 11 %, et les principaux pays de la zone euro ont continué d’afficher des taux d’inflation élevé importants au quatrième trimestre de l’an dernier. À l’inverse de l’IPC élevé observé dans d’autres pays, la flambée des prix des aliments et de l’énergie a été la principale force motrice de l’IPC global, qui représente près de 70 % de l’augmentation. Ces deux facteurs ont ralenti vers la fin de 2022, mais ils pourraient encore afficher des hausses surprises en raison des chocs de l’offre. La faiblesse de l’euro laisse entrevoir des prix plus élevés à l’importation. Malgré un important ralentissement économique, l’inflation globale et l’inflation de base devraient rester dans une fourchette de 5 % à 9 %, bien au-dessus de la zone de confort de la BCE. Les attentes inflationnistes risquent de ne plus être ancrées, ce qui pourrait entraîner de fortes pressions à la hausse sur les salaires. Les perspectives demeurent fragiles dans la région.
GRAPHIQUE 8 : LE FAIBLE TAUX DE CHÔMAGE DANS LA ZONE EURO ATTEINT UN NIVEAU RECORD. Ce graphique linéaire montre la hausse et la baisse du chômage dans la zone euro entre 1998 et 2022. Le graphique indique un sommet de plus de 12 % en 2013 et un plancher record d’un peu plus de 6 % en 2022.

Chine : il faudra du temps pour régler tous les problèmes

  • Pour la première fois en 40 ans, la Chine pourrait afficher une croissance inférieure à celle du monde en 2022, car l’activité est entravée par l’issue d’un tumulte de deux ans. En 2021, le gouvernement a apporté des changements structurels décisifs au secteur technologique chinois, à l’éducation à but lucratif et à la dette excédentaire dans le secteur bancaire parallèle. Cette situation a été suivie d’une longue période de confinement due à la COVID et d’une correction immobilière. À la mi-novembre 2022, la Chine a mis fin à sa politique zéro COVID et elle est en transition vers une situation endémique. Comme ce fut le cas pour d’autres réouvertures, le processus sera probablement difficile et aggravé par la capacité limitée des hôpitaux et la baisse des taux de vaccination de la population âgée. Néanmoins, l’activité en Chine devrait rebondir en 2023, mais probablement pas avant au moins le deuxième trimestre puisque la réouverture entraînera d’abord une hausse des hospitalisations et une mobilité prudente avant une normalisation complète. Même si les consommateurs n’ont pas bénéficié du même soutien budgétaire que dans d’autres pays et que « le magasinage et les voyages de revanche » ont été limités, ils ont augmenté leur coussin de sécurité, ce qui devrait permettre un rebond des ventes au détail.
  • Le deuxième problème de la Chine est la crise de liquidité à laquelle font face les promoteurs immobiliers privés, qui a été exacerbée par la forte baisse des ventes de logements neufs, habituellement utilisées pour financer de nouveaux projets. La confiance des acheteurs est faible. La réduction de l’endettement dans le secteur immobilier s’étalera sur plusieurs années, ce qui finira par réduire l’instabilité financière à long terme, non sans un rajustement douloureux.
  • À plus long terme, la nouvelle relation stratégique entre les États-Unis et la Chine, y compris la limitation des contrôles des échanges commerciaux et des semi-conducteurs, transformera les exportations (baisse) et les investissements des entreprises nationales (hausse). La croissance la plus faible en 40 ans est le coût économique à court terme du repositionnement mondial à long terme. La politique pourrait s’assouplir, mais modérément et de façon ciblée. La Chine ne favorisera plus l’expansion contracyclique de l’économie mondiale.
GRAPHIQUE 9 : L’ÉPARGNE DES MÉNAGES EN CHINE LAISSE SUPPOSER L’EXISTENCE D’UNE DEMANDE LATENTE. Ce graphique linéaire compare les nouveaux dépôts des ménages chinois aux nouveaux prêts, sur une période mobile de 12 mois, de 2010 à 2022. Depuis 2020, les nouveaux dépôts des ménages ont bondi, tandis que les nouveaux prêts ont diminué, ce qui crée un écart important entre les deux séries.

Inflation

  • Après 40 ans de décélération de l’inflation, y compris les craintes d’une déflation pure et simple au cours des dernières années, 2021 a montré que l’inflation peut être générée avec suffisamment de mesures de relance budgétaire et de croissance de la masse monétaire. En 2022, nous avons appris que l’inflation pourrait durer plus longtemps une fois que les attentes ne seront plus ancrées, comme l’ont démontré certains sondages menés auprès des consommateurs et des entreprises. En ce début d’année 2023, l’inflation a atteint un sommet dans le monde, et elle continuera de diminuer au cours des prochains mois.
  • Dans notre horizon prévisionnel, l’inflation mesurée par l’IPC global aux États-Unis et au Canada tombe sous la barre des 4 %. Une grande partie du travail facile sera accompli par les prix des biens (qui ont déjà reculé de 0,4 % par rapport au mois précédent dans le dernier communiqué sur les États-Unis), après le renversement des effets inflationnistes de l’engorgement des chaînes d’approvisionnement. Les coûts des logements, même s’ils accusent un retard par rapport aux fluctuations réelles des prix des logements et des loyers, se répercuteront sur l’IPC d’ici un an environ et, par ricochet, contribueront également à atténuer l’inflation globale. Toutefois, le président de la Fed, Jerome Powell, a souligné que la catégorie la plus importante dans les perspectives d’inflation sera les prix des services de base, à l’exclusion des coûts des logements. Cela représente plus de la moitié de l’indice des dépenses de consommation personnelles. Cette catégorie dépend essentiellement des salaires, qui représentent le coût le plus élevé de la prestation de ces services. Les salaires demeurent élevés et ne montrent que peu de signes d’assouplissement.
  • Dans l’ensemble, les prix de base ralentiront, en particulier aux États-Unis, où les indices de base moyens et médians de l’IPC sont revenus entre 6 % et 7,5 % seulement au cours des trois derniers mois. Par ailleurs, l’inflation de base moyenne et médiane du Canada, qui a été réduite, augmente actuellement de 2,9 % à 3,2 % sur une base trimestrielle annualisée, ce qui témoigne de la sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt élevés. L’inflation dans la zone euro a été l’une des plus élevées au monde, progressant de 10,6 % sur 12 mois en octobre. En plus du choc positif de la demande que le reste du monde a connu, elle fait face à un choc négatif de l’offre.
  • La normalisation après une inflation élevée prend habituellement des années, et non des mois. Les bilans des consommateurs et les marchés de l’emploi sont généralement solides. Dans l’ensemble, les risques d’inflation sont orientés à la hausse, et la lutte contre l’inflation prendra encore un certain temps. Selon nous, la Banque du Canada et la Fed continueront de relever leurs taux directeurs jusqu’à ce qu’ils atteignent 4,5 % et 5 % respectivement, et elles les maintiendront à ces niveaux pendant une bonne partie du reste de l’année.
GRAPHIQUE 10 : LES PRIX DES SERVICES DE BASE AUX ÉTATS-UNIS SONT TOUJOURS ÉLEVÉS. Ce graphique indique l’indice des prix à la consommation des services de base aux États-Unis, qui exclut l’équivalent loyer des propriétaires et le loyer réel de la résidence principale, de 2013 à 2022, sur 12 mois. La série a été généralement stable entre 1,5 % et 2 %. Elle a chuté à 0,5 % en 2021, puis a depuis rebondi à environ 4,5 %.

Risques pesant sur les perspectives

1. L’inflation se fait persistante et les marchés de l’emploi demeurent vigoureux

  • La persistance de l’inflation représente un risque important pour nos perspectives. Comme nous l’avons déjà mentionné, le président Powell a déclaré que l’accent était mis sur les prix des services de base, exclusion faite des coûts des logements, ce qui signifie que la croissance des salaires demeure cruciale. La Banque fédérale de réserve de San Francisco estime que le taux de chômage naturel pourrait être d’environ 6 %, ce qui est nettement supérieur au taux actuel de 3,5 %. Si l’on ajoute à cela d’autres mesures comme les taux de départs, les demandes d’assurance-chômage et le ratio des postes vacants par rapport aux travailleurs disponibles, il est clair que les marchés de l’emploi sont actuellement très serrés. Cela représente un défi de taille pour les banques centrales, qui pourraient devoir maintenir leur politique de resserrement plus longtemps qu’elles ne le souhaitaient. Pour ce faire, il faudra un ralentissement plus marqué de l’économie mondiale où un plus grand nombre de pays seront plongés dans une récession plus profonde.
  • La persistance de la guerre et les tensions géopolitiques pourraient entraîner une remontée des prix des matières premières. La Chine pourrait également connaître une réouverture plus rapide que prévu, ce qui entraînerait une forte reprise de la consommation. À l’échelle mondiale, les attentes d’inflation pourraient demeurer élevées, ce qui représente un risque de hausse de l’inflation réelle.

2. Les pressions déflationnistes émergent plus rapidement en l’absence d’une récession

  • Les taux d’intérêt élevés ont une incidence différente sur les pays compte tenu non seulement des niveaux d’endettement absolus, mais aussi de la structure, de la durée et de la distribution de la dette. La gamme des types de prêts hypothécaires, par exemple, s’étend des taux largement variables en Australie, au Royaume-Uni et en Espagne aux taux fixes majoritaires à 30 ans aux États-Unis. Même si les prêts hypothécaires canadiens sont généralement assortis d’une échéance fixe de cinq ans, la période de taux d’intérêt historiquement bas plus récemment, qui a entraîné une appréciation rapide des marchés de l’habitation, a été caractérisée par une proportion inhabituellement élevée de nouveaux prêts hypothécaires (un peu plus de la moitié) à taux variable. Il ne fait aucun doute que le Canada se démarque en ce qui a trait à la dette par rapport aux revenus et aux coûts globaux du service de la dette, mais le pire des effets de la hausse des taux d’intérêt a été atténué par les règles prudentes antérieures des prêts hypothécaires et la prudence généralisée du secteur de la consommation. Néanmoins, les risques liés aux taux d’intérêt élevés pour les consommateurs sont particulièrement élevés, surtout si le chômage bondit. Même si nous croyons que le risque d’une crise du logement entraînant des liquidations forcées est faible, ce scénario entraînerait un ralentissement plus prononcé au Canada et une désinflation plus rapide.
  • Dans les Prévisions de l’an dernier, nous avons souligné que l’accumulation des stocks représente un risque pour les entreprises qui sont aux prises avec une offre limitée, qui font face à une concurrence féroce pour les ressources limitées (y compris la main-d’œuvre) et qui sont en train d’accumuler des réserves. Certains signes de cette reconstitution des stocks sont apparus vers la fin de l’année dernière, les chaînes d’approvisionnement s’étant considérablement assouplies et les niveaux de stocks ayant augmenté au Canada et aux États-Unis. Ensemble, ces facteurs ont incité à réduire les prix pendant la période des Fêtes. Les dépenses de consommation devraient diminuer en raison de la hausse des taux d’intérêt, ce qui exercera des pressions à la baisse sur les prix de détail.
  • Même si une explosion des dépenses en immobilisations entraînait une inflation à court terme en raison de la concurrence pour les ressources, à long terme, cela pourrait entraîner une désinflation. L’innovation technologique pourrait être un résultat positif du cycle des dépenses en immobilisations et contribuer à atténuer les pressions inflationnistes futures découlant des pénuries de main-d’œuvre ou des goulots d’étranglement de l’offre. Les gains de productivité connexes contribueront à améliorer la production potentielle, ce qui permettra aux économies de croître plus rapidement sans générer d’inflation. Il s’agit d’un risque à moyen terme.
GRAPHIQUE 11 : LA CROISSANCE DES SALAIRES MONTRE ENCORE PEU DE SIGNES DE RALENTISSEMENT. Ce graphique illustre la mesure de la croissance des salaires de la Fed d’Atlanta de 1997 à 2022. Cette série est passée d’environ 5 % à la fin des années 1990 à un creux de 1,7 % en 2010. Depuis 2010, la série a progressé lentement, puis a bondi plus récemment, passant de 3,5 % en 2021 à 6,3 % à la fin de 2022.

Valorisation

VALORISATIONS : une croissance négative des bénéfices en 2023

  • Les bénéfices des sociétés ont continué d’augmenter en 2022, mais le rythme de la croissance a ralenti tout au long de l’année, en parallèle avec un ralentissement de la croissance économique et une augmentation de la probabilité d’une récession. Pourtant, la résilience des marchés de l’emploi et des consommateurs, dont le bilan s’est amélioré, a permis à la demande de rester forte, même si les entreprises ont relevé leurs prix pour compenser la hausse des coûts.
  • Dans la perspective de 2023, la croissance des bénéfices des sociétés devrait se détériorer davantage et se contracter , ce qui indique une situation de récession, et, par conséquent, les ventes devraient se dégrader. Toutefois, comme nous ne nous attendons pas à une récession profonde et prolongée, la contraction des bénéfices devrait être assez modérée et s’améliorer dans la dernière partie de l’année, car les pressions inflationnistes finiront par s’atténuer. Le résultat net sera une croissance négative des bénéfices en 2023.
  • Les marges bénéficiaires ont atteint un sommet au début de 2022 et nous prévoyons une nouvelle contraction des marges en 2023, en particulier dans la première moitié de l’année. Le levier d’exploitation négatif aura une incidence négative sur les marges. Lorsque l’inflation ralentit et que la demande diminue, les sociétés ne peuvent pas réduire leurs coûts aussi rapidement qu’elles doivent baisser leurs prix. Cela continuera de peser sur les marges, mais il y aura des compensations à mesure que les marchés de l’emploi s’assoupliront et que les chaînes d’approvisionnement s’amélioreront.
  • Aux États-Unis, nous prévoyons que l’indice S&P 500 affichera une contraction de -6,0 % du bénéfice par action (BPA) annuel en 2023. Le Canada est moins exposé à la volatilité des bénéfices des sociétés technologiques. Toutefois, la demande de pétrole devait diminuer en raison de la détérioration de l’activité économique. Étant donné l’importance du prix de pétrole sur l’indice composé S&P/TSX (TSX), nous prévoyons une contraction du BPA de -6,0 %. Nos prévisions pour les États-Unis, à 205 $ l’action en 2023, et pour le Canada, à 1 400 $ l’action en 2023, sont légèrement inférieures aux prévisions consensuelles de 230 $ US et de 1 595 $ CA respectivement.
GRAPHIQUE 12 : LA CROISSANCE DES BÉNÉFICES SE CONTRACTERA. Ce graphique indique la croissance des bénéfices sur 12 mois pour l’indice S&P 500 et l’indice composé S&P/TSX de 2013 à la fin de 2022. La croissance des bénéfices des deux indices a plongé dans le négatif en 2020 et a fortement rebondi en 2021. Depuis 2021, la croissance des bénéfices a ralenti, mais est demeurée positive.

VALORISATIONS : les ratios doivent faire face à des pressions à la baisse

  • Les ratios de valorisation se sont fortement contractés en 2022 en raison du resserrement des conditions financières (hausse des taux d’intérêt), de l’inflation élevée, du ralentissement de la croissance économique et des chocs géopolitiques. Nous croyons que la prime de risque des actions demeure trop faible en raison de l’incertitude économique. Par conséquent, les ratios cours/bénéfice (C/B) risquent de subir des pressions en 2023, surtout aux États-Unis, où le ratio C/B demeure supérieur à sa moyenne historique. Toutefois, les principaux facteurs qui pesaient sur les ratios en 2022 devraient commencer à s’inverser dans la dernière partie de 2023 (décélération de l’inflation et adoucissement du ton des autorités monétaires) et ainsi permettre aux ratios C/B de se stabiliser. Le Canada a connu une contraction plus importante des ratios de valorisation en 2022 par rapport aux États-Unis, et nous prévoyons une normalisation plus prononcée plus tard dans l’année. Ceci entraînera une augmentation des ratios de valorisation, bien que l’année se terminera sous la moyenne à long terme. À l’extérieur du Canada, nous nous attendons à ce que les ratios C/B demeurent inchangés ou diminuent légèrement à la fin de l’année, même si la trajectoire ne sera pas linéaire.
  • Notre estimation de fin d’année pour l’indice S&P 500 est de 4150, fondée sur une amélioration des prévisions de bénéfices en 2024 après une année 2023 difficile, et sur un ratio C/B prévisionnel relativement inchangé par rapport au niveau actuel. Concernant l’indice TSX, nous prévoyons un ratio C/B plus élevé par rapport aux niveaux de fin d’année 2022, ce qui se traduira par un niveau d’indice de fin d’année d’environ 21 850. Nos cours cibles supposent un rendement positif aux États-Unis et au Canada par rapport aux niveaux de fin d’année, le Canada étant le plus performant.
  • Les valorisations boursières se sont contractées à l’échelle mondiale. Les ratios C/B de l’EAEO (Europe, Australasie et Extrême-Orient) et des marchés émergents sont maintenant inférieurs aux moyennes historiques. Les problèmes d’approvisionnement en Europe, qui alimentent une inflation toujours plus élevée, ont incité la Banque centrale européenne à décréter des hausses de taux d’intérêt et à adopter une politique monétaire restrictive. Les marchés émergents ont été affaiblis par la politique zéro COVID de la Chine. Une réouverture pourrait relancer l’économie. De plus, les autorités chinoises ont annoncé des mesures de relance ciblées. Dans un contexte où le dollar américain atteint des sommets et où la réouverture de la Chine a une incidence positive, nous sommes optimistes à l’égard des marchés émergents pour la deuxième moitié de 2023.
GRAPHIQUE 13 : LES RATIOS SONT SUSCEPTIBLES DE SUBIR DES PRESSIONS. Ce graphique indique les ratios cours/bénéfice des 12 derniers mois des indices S&P 500 et S&P/TSX de 2000 à 2022. Les ratios cours/bénéfice se sont contractés pour les deux indices en 2022 par rapport aux niveaux élevés atteints en 2021.

VALORISATIONS : les obligations affichent une plus juste valeur

  • Depuis la crise financière mondiale, la politique monétaire ultra-expansionniste a fait chuter les taux obligataires. Par conséquent, les obligations ont été chères pendant plus d’une décennie. Tout cela a pris fin en 2022. Des mesures de relance monétaire et budgétaire excessives adoptées en réponse à la pandémie de la COVID-19 en 2020 ont alimenté l’inflation la plus élevée depuis des décennies. Cette situation a incité les autorités monétaires à resserrer leur politique de façon vigoureuse (en jouant sur la fréquence et l’ampleur) jusqu’en 2022, ce qui a entraîné une hausse importante des taux obligataires. Cette décision a été si marquante qu’au début de 2023, le montant total des titres de créance à rendement négatif en circulation, qui avait atteint un sommet de 18 400 milliards de dollars américains en 2020, a été éliminé. Par rapport aux faibles taux obligataires qui ont caractérisé la période qui a suivi la crise financière mondiale, les obligations offrent maintenant un rendement réel positif, à un moment où l’inflation recule, avec un placement sûr qui fait concurrence aux actifs plus risqués. Bref, les obligations ne sont plus chères par rapport aux dix dernières années. La hausse des taux obligataires devrait persister jusqu’à ce que les autorités monétaires déterminent leur taux final. Toutefois, la légère récession attendue en 2023 devrait créer des pressions à la baisse sur les taux obligataires, surtout dans le segment à court terme de la courbe.
  • Le taux des obligations canadiennes d’une échéance à 10 ans a augmenté de 1,85 % en 2022 pour terminer l’année à 3,33 %. Selon nous, les forces à long terme devraient maintenir les taux obligataires à un niveau structurellement plus élevé que dans l’histoire récente, mais un ralentissement économique et une décélération de l’inflation en 2023 laissent entrevoir une certaine pression à la baisse par rapport aux niveaux actuels au cours des 12 prochains mois. Dans l’ensemble, les structures de taux d’intérêt plus élevés pourraient entraîner des rentrées de fonds, car les investisseurs recherchent des sources de revenus sûres et attrayantes. Il faut également tenir compte de facteurs techniques qui vont à l’encontre de la baisse des taux. Les banques centrales sont maintenant passées au resserrement quantitatif, une politique de contraction qui réduit l’actif figurant au bilan d’une banque centrale (dans ce cas‑ci, en conservant les obligations jusqu’à échéance, plutôt qu’en les vendant activement). Comme le resserrement quantitatif a retiré du marché un important acheteur d’obligations, cela réduit la demande pour les obligations. Cette tendance se poursuivra en 2023.
  • L’indice obligataire universel FTSE Canada a reculé de 11,69 % en 2022 et a ainsi enregistré sa pire perte annuelle depuis 1980. C’était la première fois que l’indice enregistrait des rendements négatifs pour deux années consécutives. Après une année très difficile, les perspectives des obligations se sont améliorées en 2023. Nos attentes quant à une certaine pression à la baisse sur les taux des obligations d’État, contrebalancée par un élargissement des écarts de crédit des obligations de sociétés (lorsque une récession déclenche un cycle de défaillances), laissent entrevoir une légère baisse des taux pour 2023. Nous nous attendons à ce que l’indice obligataire universel FTSE Canada enregistre un rendement de +2,0 % à +5,0 % en 2023.
GRAPHIQUE 14 : À LA SUITE DE LA FLAMBÉE DES TAUX DE RENDEMENT, LES OBLIGATIONS SEMBLENT ATTRAYANTES. Ce graphique indique le taux des obligations d’État du Canada à 10 ans de 2010 à 2022. Le taux a suivi un canal baissier depuis 3,5 % en 2010 jusqu’à un creux de 0,44 % en 2020. Depuis ce creux, le taux a grimpé à 3,3 % à la fin de 2022.,

Stratégie et composition de portefeuille

Bon nombre des facteurs qui ont entraîné des rendements négatifs pour les actions et les obligations en 2022, notamment l’inflation élevée, le resserrement des conditions financières et le ralentissement de l’activité économique, sont encore présents au début de 2023. Le contexte macroéconomique laisse entrevoir un nouveau ralentissement économique, de même que de nouvelles hausses de taux et une réduction continue de la liquidité. Toutefois, comme certains signes montrent que l’inflation pourrait avoir atteint son sommet et comme la Fed et la Banque du Canada en sont aux dernières étapes de leurs cycles de hausses de taux, nous ne nous attendons pas à une répétition des rendements décevants de l’an dernier. Les marchés boursiers et obligataires ont été ébranlés en 2022 en raison du choc historique des taux d’intérêt causé par une politique monétaire musclée. Même si les banques centrales peuvent encore relever les taux d’intérêt, l’ampleur et l’urgence ne seront pas aussi extrêmes.

Cependant, l’activité économique devrait se détériorer au cours de l’année, car nous nous attendons à ce qu’une récession survienne au milieu de 2023. Dans un scénario de récession modérée (notre scénario de base), nous nous attendons à ce qu’un repli soit plus court que les récentes contractions, en raison de la solidité des bilans des consommateurs et des marchés de l’emploi. Toutefois, les marchés boursiers devraient subir des pressions à la baisse, surtout au cours de la première moitié de l’année, car la plupart des banques centrales maintiendront leurs politiques restrictives malgré le ralentissement de l’économie. Une reprise devrait suivre plus tard dans l’année, quand les conditions propices à une stabilisation de l’économie s’installeront.

Nous estimons que les valorisations boursières continueront de subir de modestes pressions à la baisse, étant donné que les taux d’intérêt et l’inflation demeurent élevés et que les conditions propices à un creux du marché boursier ne sont pas présentes. Les marchés boursiers ne reflètent pas la baisse des bénéfices habituellement associée à une récession. La dernière partie de l’année devrait favoriser les actions, car la faiblesse marquée de l’économie et la baisse de l’inflation qui en résultera devraient donner lieu à des prévisions de réductions de taux par les banques centrales et, surtout, aux premières étapes d’une reprise économique. Sur le plan géographique, nous nous attendons à ce que les marchés développés et émergents enregistrent des rendements similaires au début de la récession parce que la réouverture relativement rapide de la Chine présente un certain risque de hausse. Nous nous attendons à ce que les marchés émergents enregistrent des rendements supérieurs durant la reprise, grâce à l’élan positif que leur procurera la réouverture de la Chine et à un dollar américain susceptible de s’affaiblir quelque peu à mesure que la Fed ralentit le relèvement des taux.

Les actions à petite capitalisation ont tendance à présenter un risque lié aux bénéfices plus élevé à l’approche d’une récession et sont de nature plus cyclique que les actions à grande capitalisation, même si elles présentent des valorisations plus attrayantes en ce début de l’année. Les actions à grande capitalisation affichent généralement un profil de bénéfices plus stable que les actions à petite capitalisation, mais elles sont également assez concentrées dans le secteur de la technologie aux États-Unis, où l’impact des taux d’intérêt élevés est le plus ressenti et où les valorisations devraient encore diminuer. Par conséquent, les petites capitalisations semblent plus attrayantes car leurs valorisations reflètent déjà une probabilité plus élevée de récession que les grandes capitalisations.

Les actions canadiennes devraient continuer de tirer avantage de la composition de l’indice composé S&P/TSX (TSX), grâce à une pondération relativement élevée des titres des secteurs de l’énergie et des matériaux qui se comportent bien dans un contexte inflationniste (mais dans une moindre mesure par rapport à 2022) et à une exposition moins importante au secteur des technologies, par rapport aux actions américaines. De plus, le Canada a amorcé son cycle de relèvement des taux plus tôt que les autres pays développés et semble maintenant prêt à délaisser les hausses de taux d’intérêt avant les autres. Même s’ils ne sont pas suffisants pour surmonter une récession mondiale, ces facteurs devraient donner lieu à un rendement supérieur pour l’indice S&P/TSX par rapport à l’indice S&P 500. À l’extérieur du Canada et des États-Unis, les actions des marchés développés connaîtront également des difficultés à court terme, au moment où nombre d’économies avancées entrent en récession.

Les valorisations du marché obligataire semblent nettement plus favorables aujourd’hui qu’au début de 2022, après la flambée des taux d’intérêt. Même si la trajectoire vers ces niveaux de taux d’intérêt a été difficile, les marchés des titres à revenu fixe offrent maintenant un rendement inégalé depuis les années 2000. Les nouvelles pressions à la hausse sur les taux obligataires devraient être limitées, et les taux devraient diminuer en période de récession. La répartition de l’actif des portefeuilles équilibrés continuera de sous-pondérer les actions par rapport aux cibles de l’indice de référence et, dans une moindre mesure, ce sera également le cas pour les obligations. Cette situation persistera jusqu’à ce que la conjoncture économique se détériore et que les marchés reflètent mieux cette réalité.

Rendements des catégories d’actif

  • Selon notre scénario de base, le taux des obligations du gouvernement du Canada d’une échéance à 10 ans diminuera modérément au cours de l’année, bien que nous nous attendions à ce qu’il oscille entre 2,6 % et 3,5 %. Les facteurs à long terme et les réactions prudentes des banques centrales (qui ne veulent pas assouplir trop rapidement la politique monétaire pour éviter une remontée de l’inflation) favorisent la hausse des taux obligataires. Toutefois, les facteurs cycliques devraient dominer dans un contexte de ralentissement de la croissance, ce qui entraînera une diminution des taux des obligations gouvernementales, et un élargissement des écarts de crédit, par rapport aux niveaux actuels. Par conséquent, nous nous attendons à ce que le rendement total de l’indice des obligations universelles FTSE Canada se situe entre +2 % et +5 %, par rapport au taux de rendement courant de 4,25 %.
  • Malgré la détérioration des perspectives économiques, nous prévoyons des rendements positifs des marchés boursiers en 2023, bien que nos perspectives à court terme ne sont pas optimistes. Les revenus des sociétés ainsi que les marges devraient diminuer. Nous prévoyons un rendement de +8,0 % pour l’indice S&P 500 et un rendement légèrement plus élevé, de +13,0 %, pour l’indice S&P/TSX par rapport aux niveaux de fin d’année 2022. Les actions des marchés émergents, en particulier celles de la Chine, présentent certains facteurs favorables et les actions à petite capitalisation ont pris en compte une probabilité plus élevée de récession et semblent attrayantes du point de vue de la valeur relative.
  • La répartition de l’actif des portefeuilles équilibrés favorise actuellement les liquidités, grâce à leur rendement plus attrayant que celui que nous observons depuis un certain temps. Les actions et les obligations sont sous-pondérées par rapport aux niveaux cibles des indices de référence (bien que la sous-pondération des obligations ait été réduite et soit plus faible que celle des actions). Du côté des actions, nous préférons les actions canadiennes aux actions mondiales.
GRAPHIQUE 15 : LES FACTEURS DÉFAVORABLES POUR LES MARCHÉS BOURSIERS PERSISTENT. Ce graphique présente les séries de rendements totaux de l’indice composé S&P/TSX, de l’indice S&P 500, de l’indice des obligations universelles FTSE et de l’indice MSCI Marchés émergents, de la fin de 2021 à la fin de 2022 (recalculés à 0 % à la fin de 2021). Ce graphique montre que chacun des indices a reculé en 2022 et que le rendement au cours de la période, du meilleur au pire, s’établit comme suit : indice composé S&P/TSX, indice des obligations universelles FTSE, indice S&P 500, indice MSCI Marchés émergents.

Sélection des titres et des secteurs

  • Nos perspectives sont prudentes à l’égard des marchés boursiers à court terme, étant donné que nous prévoyons un ralentissement de la croissance économique au cours des prochains mois. La réaction tardive au resserrement monétaire des banques centrales, la baisse des principaux indicateurs et le recul de l’inflation laissent entrevoir une détérioration des ventes. Les sondages menés auprès des sociétés indiquent une baisse des nouvelles commandes et une hausse des stocks. Les attentes quant aux bénéfices des sociétés sont de plus en plus pessimistes.
  • Les valorisations boursières, bien qu’elles ne soient pas excessivement élevées en raison de la contraction de l’an dernier, pourraient encore diminuer. Cela est particulièrement vrai aux États-Unis où les ratios C/B actuels demeurent supérieurs à leurs moyennes historiques, mais aussi au Canada à court terme. Si l’on tient compte d’une contraction des bénéfices, les perspectives des actifs risqués dans les marchés développés pour la première moitié de l’année demeurent négatives et le profil risque-rendement des actions est orienté à la baisse.
  • Par conséquent, au sein des portefeuilles d’actions, nous privilégions les sociétés qui peuvent enregistrer une croissance résiliente des bénéfices dans un contexte d’inflation à la baisse et de faible croissance. Ces sociétés sont caractérisées par de solides bilans, des liquidités élevées et des bénéfices et marges stables, et elles sont généralement plus défensives. Comme la période d’ajustement se poursuit, nous cherchons sans cesse à ajouter des sociétés de nature plus cyclique, dont les valorisations sont devenues favorables, en particulier celles qui profiteront d’un solide cycle des dépenses en immobilisations à l’échelle mondiale et de la reprise mondiale plus tard cette année.
GRAPHIQUE 16 : DÉCLINS HISTORIQUES DU MARCHÉ BOURSIER AMÉRICAIN ET DU BPA. Ce graphique montre les baisses de l’indice S&P 500 par rapport aux baisses des bénéfices, de 1996 à la fin de 2022. Les périodes de récession sont ombrées, et le graphique montre que les baisses de l’indice et des bénéfices sont assez importantes pendant une récession. La plus récente baisse de l’indice a été importante (20 %), mais elle est inférieure aux baisses des récessions précédentes. La baisse des bénéfices à la fin de 2022, à -3,7 %, est nettement inférieure à la baisse des bénéfices des récessions précédentes.

Obligations de sociétés

  • L’année a été difficile pour les obligations de sociétés, en raison surtout de la forte hausse des taux d’intérêt, mais les écarts se sont aussi élargis. Les écarts de crédit représentent une hausse d’environ 180 points de base par rapport aux obligations souveraines. Même si cet écart est supérieur à l’écart moyen à long terme, il demeure inférieur aux sommets atteints lors de la récession de 2015 et à celui d’une récession typique. Dans l’ensemble, les écarts de crédit ont surperformé les autres actifs risqués et pourraient continuer de s’élargir à mesure que les bénéfices des sociétés se détérioreront.
  • La hausse des taux directeurs, une récession mondiale et, surtout, une baisse de la liquidité devraient peser sur les obligations de sociétés. Les politiques de resserrement quantitatif se poursuivront pendant une bonne partie de l’année, car nombre de banques centrales s’emploient à réduire la taille de leur bilan. Les achats de titres de créance par la Banque du Canada n’ont pas soutenu directement les obligations de sociétés et les obligations provinciales de façon importante (son message indiquant qu’elle se tenait prête à soutenir le marché a été toutefois favorable aux écarts de crédit). Néanmoins, l’achat d’obligations canadiennes a incité les investisseurs à prendre plus de risques pour une rentabilité à peine plus élevée. Il convient cependant de noter que, globalement, les taux des obligations de catégorie investissement représentent un rendement intéressant et que les valorisations semblent favorables. Néanmoins, nous ne prévoyons pas pour l’instant un resserrement important des écarts de crédit.
  • Par conséquent, les portefeuilles de titres à revenu fixe sont positionnés pour commencer l’année en sous-pondérant les obligations de sociétés et les obligations provinciales par rapport à leurs indices de référence. À court terme, nous recherchons des occasions de surperformance pour les obligations dans certains des secteurs plus défensifs. Toutefois, compte tenu de la perspective risque‑rendement globale d’un nouvel élargissement des écarts de crédit compensant les rendements supplémentaires, nous rajusterons les portefeuilles afin de tirer parti du resserrement des écarts de crédit plus tard cette année, une fois que les marchés se seront davantage ajustés à la récession.
GRAPHIQUE 17 : LES ÉCARTS DES OBLIGATIONS DES SOCIÉTÉS PEUVENT ENCORE S’ÉLARGIR. Ce graphique indique les écarts de taux des obligations de sociétés canadiennes de catégorie investissement sur une période allant de 2004 à 2022, de 70 points de base en 2004 pour atteindre 400 points de base en 2009 et entre 120 et 260 points de base de 2010 à 2022. Les écarts de taux des obligations de sociétés se sont élargis en 2022. Ils sont passés de 142 points de base pour terminer l’année à 185 points de base, mais ils ne sont pas encore proches de certains niveaux plus prononcés.

Durée et courbe des taux

  • À l’échelle mondiale, les taux obligataires nominaux ont fortement augmenté, car les banques centrales ont mis fin à leurs politiques ultra-expansionnistes. Les marchés tiennent compte de nouvelles hausses de taux par la Fed et la Banque du Canada, avec une pause au deuxième trimestre de cette année. D’ici là, on s’attend à ce que la croissance économique et les pressions inflationnistes ralentissent considérablement, malgré les décalages de la politique monétaire. Les marchés s’attendent ensuite à ce que les banques centrales adoptent une politique d’assouplissement pour gérer le ralentissement en cours. Les taux obligataires atteignent généralement leur sommet vers cette période (peu avant la fin des hausses de taux). Toutefois, nous nous attendons à ce que la trajectoire des réductions de taux soit plus cahoteuse que ce à quoi les marchés s’attendent actuellement, ce qui maintiendra la volatilité des marchés obligataires à des niveaux élevés pour l’année.
  • Étant donné que la hausse des taux directeurs des banques centrales a fait grimper les taux à court terme et que l’on s’attend à ce qu’une récession entraîne une baisse des taux à long terme, la courbe des taux s’est inversée et a atteint son point le plus négatif depuis le début des années 1990 (environ -1,0 % entre les taux à 2 ans et à 10 ans au Canada). À mesure que la récession s’amorcera, la courbe des taux recommencera à s’accentuer et persistera dans cette direction. Toutefois, le moment de la récession pourrait être plus tard que prévu par les participants au marché, étant donné que les PIB des États-Unis et du Canada au quatrième trimestre ont progressé beaucoup plus que prévu. Par conséquent, nous chercherons à accroître la durée et à adopter une stratégie d’accentuation de la courbe des taux pour nos placements, mais nous serons patients pour évaluer l’évolution de la situation.
GRAPHIQUE 18 : UNE INVERSION EXTRAORDINAIRE DE LA COURBE DES TAUX. Ce graphique montre la courbe des taux canadiens, représentée par le taux des obligations à 10 ans moins le taux des obligations à 2 ans, de 2010 à 2022. Au cours de cette période, la courbe des taux a fluctué, mais a suivi une tendance à la baisse. En 2020, la ligne a fortement progressé, ce qui représente une accentuation marquée de la courbe des taux. À partir de 2021, la ligne a baissé, ce qui représente un aplatissement de la courbe des taux. Puis, en 2022, la ligne est entrée en territoire nettement négatif, ce qui représente une inversion de la courbe des taux.

Sommaire

Au cours de la dernière année, les marchés financiers ont connu une série de changements rapides par suite de la flambée des taux d’intérêt. Les catégories d’actif des marchés publics se sont ajustées aux taux d’intérêt plus élevés, et de nombreuses tendances de longue date ont changé au cours de l’année. Ce n’est pas terminé. L’année qui vient devrait être marquée par une récession synchronisée des économies des marchés développés. Même si nous sommes optimistes quant aux aspects particuliers de ce repli qui permettront une récession modérée, bien d’autres aspects reposent sur la trajectoire de l’inflation, et il existe clairement des risques de part et d’autre. De plus, les thèmes à long terme soutiennent les risques de hausse de l’inflation dans son ensemble, et le travail des banques centrales deviendra plus difficile, en particulier à mesure qu’elles chercheront à regagner leur crédibilité. Le ralentissement combiné de la croissance et de l’inflation posera un défi pour les marges des sociétés, ce qui exercera des pressions sur les bénéfices. Ce sera le principal moteur des marchés au cours de la prochaine année. Les valorisations sont devenues plus attrayantes, mais elles devraient subir des pressions à la baisse. Même si les perspectives demeurent très incertaines, nous continuons d’entrevoir des perspectives favorables, en particulier en ce qui a trait à la capacité des sociétés de grande qualité dont les bénéfices sont stables de se démarquer. Nous rajusterons notre façon de penser et le positionnement de notre portefeuille tout au long de l’année afin de tirer parti des occasions.

Notre pays fort et libre.

On connaît bien la situation entourant la détérioration des conditions économiques à court terme au Canada. Les Canadiens se sont entichés de l’immobilier. De fait, encouragés par les taux d’intérêt presque nuls à l’échelle mondiale, ils sont nombreux à avoir accédé à la propriété et, pour ce faire, à avoir contracté d’énormes prêts hypothécaires pour acquérir des maisons de plus en plus dispendieuses. Le ratio des ménages par rapport à leur revenu, un indice de référence couramment utilisé, a atteint 184 % au Canada, le niveau le plus élevé des pays du G7 et l’un des plus importants de tous les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Il est essentiellement attribuable au coût des logements et aux prêts hypothécaires qui y sont associés. La dette hypothécaire représente maintenant 74 % de l’ensemble des dettes des ménages, contre 62 % en 2005. La valeur des prêts autres que les prêts hypothécaires a stagné ou reculé au cours des dernières années grâce à l’argent accumulé durant la pandémie.

Pendant cette période, la proportion de nouveaux prêts hypothécaires à taux variable a augmenté, ce qui a accru l’exposition des débiteurs au risque d’augmentation des taux d’intérêt. Heureusement, les conditions d’emprunt très restrictives (mesures macroprudentielles) instaurées ces dernières années, selon lesquelles les acheteurs doivent être en mesure d’absorber une hausse de 2 points de pourcentage des taux d’intérêt au-delà du taux hypothécaire à 5 ans affiché, ont permis aux ménages de composer avec les hausses des taux d’intérêt. Or, pour les prêts hypothécaires dont le renouvellement est prévu au cours de la prochaine année et ceux assortis d’un taux variable, qui représentent 52 % de l’encours des emprunts hypothécaires selon nos estimations, les montants à rembourser bondiront.

Selon les dernières données disponibles de 2019, un peu moins des deux tiers des Canadiens sont propriétaires et, de ce nombre, seulement 55 % ont un prêt hypothécaire. Si l’on tient compte de l’ensemble des facteurs, les répercussions devraient être moindres que ce que les manchettes laissent croire. Les auteurs d’une récente étude publiée par une grande banque ont estimé à environ 1 % du revenu total disponible les répercussions ascendantes sur le service de la dette attribuables aux hausses de taux d’intérêt et au choc négatif cumulatif, et ce, même en supposant des taux plus élevés que ceux en vigueur au moment de l’analyse. Soulignons qu’il s’agit d’un taux inférieur au taux d’épargne des particuliers qui s’élevait à 5,7 % dans l’ensemble au dernier trimestre. De toute évidence, ce n’est pas tout le monde qui sera touché de la même manière et certains éprouveront plus de difficulté à s’ajuster. Il est également difficile d’estimer les effets des hausses de taux sur les dépenses, même s’ils ont comme objectif de ralentir les dépenses des secteurs de l’économie qui y sont sensibles. Néanmoins, précisons que, dans l’ensemble, les conséquences pourraient être moins mauvaises que ce qu’on aurait pu le croire au départ. En particulier, compte tenu des niveaux élevés d’épargne excédentaire et de création d’emplois.

Quelle direction prendra le Canada?

Commençons par souligner les atouts du pays :

  • Premièrement, il occupe une position favorable en ce qui a trait à de nombreux indicateurs sur le plan des libertés individuelles et économiques.
  • Deuxièmement, il est riche en ressources naturelles dont la valeur à l’exportation s’est appréciée par rapport à celle des importations.
  • Finalement, il est situé à proximité de la première économie mondiale.

Non seulement le pétrole et le gaz naturel comblent-ils des besoins temporaires en approvisionnement d’énergie, mais la demande de métaux profite également de la révolution verte qui s’opère en matière d’énergie. Par ailleurs, même si la superficie des terrains qui peut être convertie pour être cultivée est limitée à court terme, nous pouvons faire une différence puisque nous faisons partie des plus grands pays producteurs d’engrais à base de potassium et d’azote. Parmi les produits de base qui font l’objet d’une importante demande, mentionnons le bois, la pâte et le poisson.

La démographie est sans doute l’un des facteurs économiques qui auront une forte incidence sur les perspectives à moyen terme. Le départ à la retraite des baby-boomers entraîne une diminution du nombre de travailleurs disponibles, comme c’est le cas ailleurs, mais la situation comporte plusieurs avantages.

  1. De fait, le taux de participation au marché du travail est en progression au Canada et demeure plus élevé que celui aux États-Unis (voir le graphique 1). Selon une analyse menée par la Banque fédérale de réserve de San Francisco, les femmes en âge de travailler représentaient environ les trois quarts de l’écart entre les deux pays en raison des politiques plus avantageuses en matière de maternité.
  2. Les cibles d’immigration ont été mises à jour à la fin du mois d’octobre et le nombre de nouveaux immigrants a été relevé pour passer à 465 000 en 2023 et à 500 000 d’ici 2025. Cette augmentation surpasse celle des autres pays du G7 en termes absolus, même en tenant compte de la plus petite population. Les immigrants proviendront en majorité de la catégorie économique et devraient trouver facilement un emploi dans des secteurs où il y a pénurie de main-d’œuvre.
  3. Les autres économies développées doivent composer avec une diminution de leur population de travailleurs dans la force de l’âge. La vaste majorité des immigrants qui sont accueillis au Canada font partie de la cohorte des 25 à 54 ans (voir les graphiques 2 et 3), un groupe qui aura une incidence positive sur l’assiette fiscale, les dépenses de consommation et les marchés du logement.

Tout cela augure bien au chapitre du potentiel de production de notre économie, contribuant à accélérer le rythme auquel l’économie peut croître sans alimenter l’inflation.

Graphique 1 : Fort taux de participation au Canada

Taux de participation au marché du travail pour la population âgée de 25 à 54 ans

Graphique 2 : Solide profil démographique

Population de 25 à 54 ans

Graphique 3 : Pyramide des âges pour les immigrants récents et l’ensemble de la population, Canada, 2021

Le graphique présente deux pyramides qui se chevauchent et qui illustrent l’âge et le genre des immigrants qui sont arrivés récemment au Canada par rapport à l’ensemble de la population canadienne depuis 2021. Les trois groupes qui représentent la proportion la plus élevée d’immigrants sont les 25-29 ans, les 30-34 ans, et les 35-39 ans. Ce résultat peut s’expliquer par divers facteurs comme les perspectives d’emploi plus favorables, la volonté d’échapper à des conflits violents, les facteurs environnementaux, et l’accès à des programmes d’étude.

Source : www150.statcan.gc.ca

Est-il avantageux d’investir au Canada?

Ces facteurs sont tous encourageants pour les perspectives macroéconomiques au Canada et nous croyons que les investisseurs profiteront également de la situation favorable. De fait, en cette année marquée par des baisses inhabituelles des prix sur les marchés des actifs, le Canada s’est révélé comme une valeur refuge. L’indice composé S&P/TSX (indice TSX) a limité son recul à 1 % au cours des 11 premiers mois de l’année, surpassant les marchés américains et mondiaux, qui ont fléchi de 6,7 % et de 8,4 %, respectivement, en dollars canadiens, et ce, malgré la faiblesse du dollar. Or, malgré ce rendement supérieur, les valorisations y sont plus attrayantes que dans les autres marchés (voir le graphique 4). Le récent cycle de taux exceptionnellement faibles alimenté par les liquidités a fait grimper les valorisations des actions de croissance de longue durée à des niveaux insoutenables. Les actions des sociétés technologiques à mégacapitalisation se sont classées parmi celles qui ont été particulièrement plombées par la chute des marchés boursiers.

Graphique 4 : Évaluation attrayante des actions canadiennes par rapport aux actions américaines

À court terme, la composition du marché boursier canadien, l’indice TSX est un facteur favorable. Le Canada est plus exposé que d’autres pays aux secteurs qui tirent leur épingle du jeu dans un contexte inflationniste. Environ 30 % de l’indice TSX est exposé aux produits de base qui ont tendance à mieux se comporter en période d’inflation élevée. La part occupée par les technologies se maintient autour de 5 %, ayant à peine augmenté au cours des 15 dernières années. La transition vers des sources d’énergie propre favorisera également les investissements dans des sociétés d’énergie renouvelable ainsi que dans des entreprises qui participent à la transition énergétique, comme les producteurs de cuivre.

Enfin, notons que dans plusieurs secteurs d’activités, un petit nombre de grandes entreprises dominent le marché, ce qui procure une meilleure stabilité du chiffre d’affaires et des marges. Nous estimons qu’environ un tiers des sociétés qui composent l’indice TSX à l’heure actuelle font partie d’un oligopole, comme les banques, les entreprises de télécommunications et les sociétés ferroviaires (voir le graphique 5).

Graphique 5 : Exposition du S&P/TSX aux oligopoles

Sources : S&P Global et Gestion de placements CC&L

Le marché obligataire canadien, à l’instar de la plupart des autres à l’échelle mondiale, a fait piètre figure depuis le début de l’année. Ses difficultés sont en partie attribuables aux interventions plus rapides et musclées de la Banque du Canada que celles des autres banques centrales pour mettre en place leurs mesures de resserrement de la politique monétaire. De fait, la banque a été plus rapide à adopter une position neutre et maintenant restrictive. On peut s’attendre à ce que les hausses des taux tirent bientôt à leur fin, comme l’a laissé entendre la Banque dans son plus récent communiqué annonçant sa décision de relever le taux directeur de 50 points de base (pb) en décembre. Le marché obligataire affiche des taux de rendement d’environ 4 %, ce qui indique qu’il commence à retrouver l’équilibre.

Marchés financiers

La remontée des marchés s’est poursuivie en novembre, comme en témoignent les gains constants et généralisés enregistrés dans l’ensemble des catégories d’actif. Les données pointent vers un ralentissement de l’inflation, ce qui alimente l’espoir que les banques centrales mettront fin à leur cycle de hausses des taux. À la fin de novembre, le discours du président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, dans lequel il affirmait que la rencontre de décembre du FOMC (Federal Open Market Committee, ou Comité de l’open market) pourrait être le moment choisi pour modérer le rythme des hausses de taux, a contribué à alimenter cet espoir. Les taux ont considérablement baissé, comme en témoignent les taux américains à court terme qui ont lâché 47 pb et les taux à 10 ans qui ont plongé de 56 pb depuis leurs sommets atteints au milieu d’octobre. Au Canada, les taux ont baissé dans une moindre mesure, mais l’inversion de la courbe a creusé un écart de -100 pb entre les taux à 2 et à 10 ans, un signal fort de détérioration des conditions économiques à venir. Les écarts de taux demeurent plutôt solides, l’indice des obligations universelles FTSE ayant grimpé de 2,81 % durant le mois.

Les actions ont grimpé en flèche. Après avoir inscrit des gains de 5,2 % en novembre, le S&P 500 affiche maintenant une progression d’environ 14 % par rapport à son creux de la mi-octobre, ce qui constitue un net changement de cap par rapport à la tangente négative qui persistait depuis le début de l’année. Par ailleurs, en plus d’un éventuel ralentissement du rythme des hausses de taux de la Fed, certains signes indiquent une normalisation de l’économie chinoise (avant une nouvelle recrudescence des cas de COVID). De fait, le gouvernement a annoncé son intention de vacciner les personnes âgées, ce qui a fait grimper les actions asiatiques, comme l’indice Hang Seng qui a bondi de 26,8 % en novembre. Les actions mondiales ont emprunté le même sillage et l’indice MSCI Monde tous pays a gagné 6,3 %. Malgré leur remontée des deux derniers mois, qui a été la plus vigoureuse depuis mars 2020, les actions demeurent en territoire négatif depuis le début de l’année.

Stratégie de portefeuille

Nous demeurons positifs à l’égard des perspectives à moyen et à long termes pour le Canada qui devrait se tailler une place dans les portefeuilles de titres mondiaux. À court terme, les positions ont toutefois été établies en prévision d’un ralentissement, qui non seulement devrait être de la même ampleur que celui de l’économie mondiale, mais qui est susceptible de se produire plus tôt que dans d’autres pays. Globalement, nous conservons une sous-pondération des actions ainsi qu’une
sous-pondération encore plus importante des actions mondiales par rapport à celle des actions canadiennes dans nos portefeuilles équilibrés. Nous en avons longuement discuté dans les derniers numéros de Perspectives, mais les prévisions de bénéfices des sociétés sont encore trop optimistes et n’ont pas été révisées pour tenir compte du ralentissement économique attendu. Au début du trimestre, nous avons réduit la sous-pondération des obligations que nous avions maintenue pendant la dernière année. Nous conservons cette position tout en surveillant la montée des taux obligataires. Aussi, nous maintenons la sous-pondération des obligations provinciales et de sociétés dans les portefeuilles de titres à revenu fixe canadiens. Nous conservons une approche défensive à l’égard de nos portefeuilles fondamentaux d’actions, et nous surpondérons les secteurs des services aux collectivités, de la santé et des biens de consommation de base. À long terme, les perspectives sont meilleures au Canada, à notre avis, et nous chercherons des occasions de réinvestir dans les actions canadiennes et d’augmenter le risque au cours de la nouvelle année. Nous en parlerons plus en détail dans nos Prévisions pour 2023.

D’ici là, de la part de toute l’équipe de CC&L, nous vous souhaitons de passer de joyeuses Fêtes en famille!

Source : MSCI. L’information de MSCI peut être utilisée à des fins internes seulement et ne peut être ni reproduite ni redistribuée sous quelque forme que ce soit, et elle ne peut pas servir de fondement ou de composante d’un instrument, d’un produit ou d’un indice financier. MSCI ne donne aucune garantie explicite ou implicite à l’égard des données MSCI contenues dans les présentes, ne donne aucune garantie et ne fait aucune déclaration implicite à cet égard, et n’aura aucune responsabilité s’y rapportant. MSCI n’a ni approuvé, ni examiné, ni rédigé le présent rapport.