Les Prévisions de cette année commencent par un résumé de 2024, avant d’explorer les thèmes à long terme qui façonnent nos perspectives et d’analyser les facteurs cycliques à court terme qui influent sur l’économie, l’inflation et la politique monétaire. Nous évaluons les valorisations boursières et, en tenant compte de ces éléments, nous établissons notre stratégie de portefeuille. Tout au long de l’année, vous trouverez des mises à jour des Prévisions dans notre bulletin trimestriel Perspectives. |
Introduction
« Alors que les guerres divisent, les politiques d’assouplissement unissent le monde » a été le thème de placement dominant de nos Prévisions pour 2024, lesquelles ont guidé nos prévisions et notre positionnement à l’égard des catégories d’actif. La désinflation a été atteinte plus rapidement dans de nombreux pays et s’est produite plus facilement que prévu. Les chocs de l’offre à l’échelle mondiale se sont atténués, et le resserrement des conditions financières a réduit les pressions inflationnistes de façon homogène dans le monde. La géopolitique et la politique intérieure ont été des thèmes d’une grande importance. Des pays se sont engagés dans des guerres sur plusieurs fronts, car l’unipolarité et le dividende de paix des échanges commerciaux interreliés se sont fracturés. De nombreux gouvernements ont subi d’énormes pressions, environ 40 % de la population mondiale se rendant aux urnes, et le résultat a été un rejet généralisé du statu quo en raison des préoccupations liées à l’inflation qui ont exercé des pressions sur le coût de la vie pour la population.
La deuxième moitié de l’année a été dominée par l’élection présidentielle aux États-Unis. Nous croyions à juste titre que les mesures de relance monétaire et budgétaire aux États-Unis se poursuivraient dans un contexte de croissance résiliente. Cette combinaison de mesures de relance a entraîné une hausse inattendue de la croissance aux États-Unis, ce qui leur a permis de surpasser les autres pays. Nous avons été pris au dépourvu par le fait que la hausse inattendue de la croissance entraînerait une désinflation persistante tout au long de l’année. Toutefois, nous avions tout à fait raison en ce qui concerne l’incapacité des consommateurs canadiens de s’endetter davantage, compte tenu de leur niveau d’endettement déjà élevé. Nous estimions que tout repli serait atténué par l’épargne, les liquidités et le patrimoine accumulé.
Les marchés financiers ont connu un certain nombre de périodes de nervosité, comme lorsque la règle du Sahm a déclenché des alertes de récession, et plus tard, la hausse des taux par la Banque du Japon a entraîné un important repli des opérations de portage sur le yen. La baisse de taux de septembre de la Réserve fédérale américaine (Fed) a donné un certain répit, mais la perspective d’une guerre commerciale avec le Mexique, le Canada et la Chine en novembre a entraîné un repli à la fin de l’année.
Nos prévisions ont été assorties de risques équilibrés après la hausse des valorisations boursières en 2023. Il s’est avéré que nous avions raison en ce qui concerne la marge de croissance soutenue des bénéfices, mais il était également possible que les ratios continuent d’augmenter. Nos prévisions étaient prudentes et, à l’échelle mondiale, les marchés boursiers ont inscrit de solides gains. Le Nasdaq a mené le bal avec un gain de 30 % après une hausse de 43 % en 2023. Nous nous attendions à ce que l’indice S&P 500 termine l’année à environ 4975, mais il a plutôt progressé de 24 % pour atteindre un sommet de plus de 6 000 avant de connaître un modeste ralentissement à la fin de l’année. L’indice S&P 500 a inscrit un gain semblable en 2023, marquant son premier gain consécutif de plus de 20 % depuis 1997-1998. Malgré le leadership soutenu des sociétés technologiques, l’optimisme des investisseurs s’est élargi pour englober un plus grand nombre de secteurs et de régions. Dix des onze secteurs GICS ont inscrit des gains, seul le secteur des matériaux clôturant en baisse de 1,8 %. L’indice MSCI Monde tous pays a progressé de 26 % grâce aux actions américaines, mais il a été soutenu par des gains dans presque toutes les régions. L’indice japonais Nikkei a finalement éclipsé son sommet de 1989, inscrivant un deuxième gain annuel consécutif de 16 %. Au Canada, l’indice composé S&P/TSX a également profité de l’enthousiasme des investisseurs et bondi de 18 % pour atteindre un sommet de 25 691, un résultat supérieur à notre attente de 22 000 à la fin de l’année.
Solides rendements dans toutes les régions
Rendements totaux en monnaie locale recalculés au 1er janvier 2024 à 100
Sources : TMX, S&P Global, MSCI, et Macrobond
Les réductions de taux des banques centrales ont pris plus de temps que prévu à s’amorcer, si bien que les marchés obligataires souverains ont eu du mal à progresser. Toutefois, même lorsque les banques centrales ont abaissé les taux directeurs, les taux de rendement à long terme n’ont pas diminué. Au Canada, les taux à 10 ans ont terminé l’année en hausse de 15 pb, même si la Banque du Canada (BdC) a été l’une des plus vigoureuses au monde dans l’assouplissement de la politique monétaire, réduisant les taux de 175 pb en six mois pour ramener le taux du financement à un jour dans sa fourchette neutre. Aux États-Unis, les taux des obligations du Trésor à 10 ans ont augmenté de 60 pb, la Fed ayant réduit de 100 pb le taux du financement à un jour des fonds fédéraux. Les taux d’intérêt à long terme aux États-Unis ont augmenté pour une quatrième année consécutive, une première depuis 1977-1981. À la fin de l’année, les deux caractéristiques principales étaient la normalisation des courbes de taux – qui sont maintenant en pente positive après plus de deux ans d’inversion – et l’écart négatif important entre les taux de rendement du Canada et des États-Unis. Les obligations ont profité d’un taux de rendement convenable cette année, ainsi que de la vigueur des marchés du crédit, qui a fait en sorte que les écarts de taux ont été les plus serrés depuis la période précédant la grande crise financière de 2008 et 2009. Nous nous attendions à des rendements modestes de 3 % à 6 % cette année pour l’indice des obligations universelles FTSE Canada, qui a dégagé en fin de compte un rendement de 4,23 %. Nos stratégies ont connu une bonne année, car chacun des facteurs quantitatifs, la courbe des taux et les taux, ainsi que la sélection des titres, ont contribué au rendement.
Une normalisation enfin
Source : Macrobond
La stratégie de répartition de l’actif des portefeuilles équilibrés a tenu compte des valorisations élevées des actions américaines et de l’appel général à la prudence pour les marchés boursiers, ce qui nous a incités à sous-pondérer les actions mondiales par rapport aux actions canadiennes au début de l’année, même si cela s’est graduellement orienté vers une position plus neutre. La surpondération des liquidités et la sous-pondération des obligations étaient appropriées compte tenu de l’inversion persistante de la courbe des taux. Il nous a fallu un certain temps pour avoir confiance en la trajectoire d’assouplissement, car les banques centrales ont repoussé les attentes relatives aux mesures d’assouplissement jusqu’au milieu de l’année. Les portefeuilles équilibrés ont surpassé leurs indices de référence, en grande partie grâce à la sélection des titres dans chacune des catégories d’actif, car la répartition de l’actif a été largement neutre.
En résumé, on se souviendra probablement de l’année en raison de la situation politique et du contexte macroéconomique favorable des politiques expansionnistes dans une économie résiliente. Ces conditions ont jeté les bases de très solides rendements des actions et de rendements positifs des obligations, complétés par la forte propension à prendre des risques, qui ont vu les gains s’élargir dans les régions et les catégories d’actif, qui ont toutes récompensé les investisseurs.
La conjoncture à long terme
L’ère de la stagnation à long terme est derrière nous et, depuis plusieurs années, nos thèmes à long terme reconnaissent le passage d’un contexte de désinflation généralisé à un contexte où l’inflation est de nouveau un risque clé. Au cours de la dernière année, les électeurs ont voté contre les gouvernements en place, insatisfaits de l’inflation et de l’immigration. Les décideurs doivent relever un défi important pour répondre à ces appels à l’action. Notre premier thème à long terme reconnaît la possibilité que l’inflation ne soit pas seulement de nature cyclique, mais qu’elle réagisse à un déséquilibre immédiat entre l’offre et la demande, et qu’elle puisse également revenir en force à la suite de certaines mesures politiques.
À l’aube de 2025, nous revoyons nos thèmes à long terme tout en évaluant les influences cycliques au premier plan. Comme c’était le cas au cours des cinq dernières années, nous croyons que l’inflation continuera de subir des pressions à long terme à la hausse, et nous prenons maintenant note de la possibilité d’une hausse cyclique de l’inflation, ce qui inclut la possibilité de droits de douane (et de mesures de représailles) et la réduction prévue de la migration dans son ensemble. Après trois ans, l’idée d’éviter une récession fait maintenant consensus. Les marchés prennent en compte beaucoup de bonnes nouvelles. Nous notons également que c’est souvent la normalisation des courbes de taux qui signale une récession, car les taux à court terme diminuent pour stimuler l’économie.
1. La reprise de l’inflation représente un risque sous-évalué pour les valorisations
- L’inflation élevée de 2021-2022 a été maîtrisée avec un succès remarquable. Dans le passé, chaque fois que l’inflation atteignait 5 %, il fallait habituellement plus d’un an, en plus d’une récession, pour la juguler. Nous avons maintenant une inflation autour des cibles des banques centrales, sans avoir connu de repli important. Cette situation est en partie attribuable aux compensations positives de la politique budgétaire, aux avantages compensatoires de la hausse des taux d’intérêt pour les épargnants et aux effets positifs sur le patrimoine des propriétaires de portefeuilles de titres immobiliers et d’actions. En effet, dans des dizaines de pays et de cycles au cours du dernier siècle, une deuxième vague d’inflation élevée a été la norme. Intuitivement, cela s’explique par le fait que les travailleurs ou les entreprises qui exercent leurs activités dans le cadre de contrats à taux fixe tentent de se rattraper avec de nouveaux contrats à prix plus élevé bien après la fin de la première vague d’inflation. Ce cycle de désinflation n’est pas terminé et, en particulier aux États-Unis, les principales politiques du nouveau gouvernement finiront par être inflationnistes. Les pressions pourraient provenir de plusieurs sources potentielles : une demande accrue alimentée par une baisse des impôts, des investissements soutenus dans les infrastructures, une baisse de l’offre découlant de l’imposition de tarifs élevés sur les marchandises importées ou des expulsions à grande échelle de travailleurs.
- La trajectoire de l’inflation ressemble à celle du milieu de la période 1960-1980, lorsqu’une deuxième flambée de l’inflation a frappé l’économie américaine qui se remettait du choc pétrolier de 1973. En effet, à la suite d’un choc important à l’échelle mondiale, comme une pandémie ou une guerre, les périodes prolongées de reconstruction ont entraîné des périodes d’inflation volatile. Les banques centrales sont conscientes de ces risques. Au cours des cinq dernières années, les marchés ont sous-estimé le durcissement de ton de la Fed, prenant en compte des réductions de taux décrétées de manière hâtive et rappelant les récentes périodes de taux d’intérêt nuls. Fait à souligner, dans le résumé des projections économiques de décembre 2024 de la Fed, les points à long terme du taux cible des fonds fédéraux ont en fait augmenté pour la première fois en plus d’un an.
La trajectoire de l’inflation présente des similarités avec l’histoire
Sources : BLS et Macrobond
2. La volatilité des taux d’intérêt augmente entre la pression de la domination de la politique budgétaire et l’influence des défenseurs des obligations
- Les gouvernements ont adopté les dépenses budgétaires comme une approche efficace pour gérer les crises et gagner la faveur de l’électorat. Le niveau d’endettement du gouvernement fédéral a bondi au cours des dernières années à un rythme plus rapide que la production économique, ce qui a fait augmenter fortement le paramètre de base de la vigueur budgétaire d’un pays : le ratio dette/PIB. Aux États-Unis, le ratio dette/PIB est passé d’environ 33 % durant la crise financière mondiale de 2008 et 2009 à environ 100 % aujourd’hui, et le Congressional Budget Office (CBO) prévoit qu’il atteindra 160 % en 2050.
La dette des États-Unis devrait augmenter
Sources : CBO et Macrobond
- Bien que le niveau d’endettement à 160 % du PIB semble insoutenable, il n’y a pas de niveau clair à partir duquel les investisseurs s’impatientent. En effet, le ratio dette/PIB du Japon, qui s’établit actuellement à 157 %, n’est pas loin de ce niveau. Néanmoins, de nombreux exemples de préoccupations croissantes des investisseurs à l’échelle mondiale ont été observés au cours des dernières années. Le budget britannique de septembre 2022 de Liz Truss a entraîné des bouleversements sur les marchés obligataires, et le budget de 2024 de Reeves a été déclaré trop inflationniste. Les écarts de taux de la France se sont élargis par rapport aux autres pays de l’UE, car son niveau d’endettement a atteint 110 % du PIB, et sa dette a été abaissée à la mi-décembre. En fin de compte, les émissions d’obligations devraient augmenter pour faire face aux déficits, et les investisseurs exigeront une hausse des primes à l’échéance.
- Cette situation crée un cercle vicieux où les coûts du service de la dette dépasseront tous les aspects des dépenses discrétionnaires du budget fédéral américain (c.-à-d. en excluant les deux tiers du budget qui sont Medicare et la sécurité sociale). Afin de faire face au coût du service de toute cette dette, la Fed pourrait subir des pressions pour limiter les hausses de taux et financer les déficits au moyen d’achats d’obligations, ce qui soumettrait la politique monétaire à la domination de la politique budgétaire. Le résultat final est une hausse des taux d’intérêt, mais également, et c’est tout aussi important, une volatilité accrue des taux qui forcera à revoir l’évaluation des actifs risqués.
3. L’intelligence artificielle (IA) et le cycle d’investissement des capitaux
- Le public a été sensibilisé à l’IA en 2023, et les attentes à l’égard de son incidence sur le monde étaient élevées. Ces attentes n’ont pas diminué et, selon Morgan Stanley, pour profiter des avantages de l’IA, les entreprises qui cherchent des moyens d’intégrer l’IA dans leurs activités dans l’espoir d’une hausse de la productivité et d’une amélioration des marges bénéficiaires devraient investir 1 500 milliards de dollars entre 2024 et 2027. Il faut rappeler que les nouvelles technologies prennent souvent plus de temps que prévu à porter leurs fruits; une étude menée par le Census Bureau l’an dernier a révélé que seulement 5 % des entreprises américaines environ utilisent l’IA. Toutefois, des améliorations se produiront parallèlement à des percées graduelles, et les investissements persisteront, car les entreprises sont à la recherche d’un accroissement de la productivité fondé sur l’IA.
- L’intérêt pour l’IA a déjà été une caractéristique importante de la reprise des investissements des entreprises du secteur privé. Lancée par les mesures de relance budgétaire pour soutenir les investissements du secteur privé dans les infrastructures (Infrastructure Investment and Jobs Act), l’énergie propre (Inflation Reduction Act) et la fabrication de la haute technologie à l’échelle nationale (CHIPS and Science Act), la course à l’IA a notamment comme conséquences les perturbations qui sont en cours dans les industries nécessaires à son développement, plus précisément, la construction de centres de données, le développement et la fabrication de puces informatiques, de systèmes de refroidissement et de serveurs, ainsi que la production et la distribution d’électricité. L’IA a accentué la nécessité d’accroître et de créer de la résilience dans la production d’électricité, en plus de la croissance déjà galopante découlant des initiatives de décarbonisation et des véhicules électriques. L’Agence internationale de l’énergie estime que les investissements à l’échelle mondiale dans les infrastructures de réseau se sont chiffrés à 400 milliards de dollars en 2024, en hausse du tiers par rapport à 2020, et qu’ils atteindront 600 milliards de dollars par année d’ici 2030.
Les investissements dans le réseau devraient bondir
Source : IEA
La conjoncture cyclique
Monde : Les grands ajustements à venir
- Les élections qui ont touché la moitié de la population mondiale l’an dernier ont donné lieu à des changements de gouvernement de façon générale. Les décideurs en place ont été battus et de nouvelles politiques sont sur le point d’être mises en œuvre. Dans ce contexte, la croissance positive et, dans certains cas, résiliente, l’assouplissement de la politique monétaire, la politique budgétaire expansionniste et l’atténuation des pressions inflationnistes créent les conditions d’un scénario idéal. La désinflation est apparue plus rapidement dans plus de pays et a été atteinte plus facilement que prévu. Les chocs de l’offre à l’échelle mondiale se sont atténués et, en raison du resserrement des conditions financières, ils ont réduit les pressions inflationnistes dans le monde. Même si l’inflation des services est généralement plus élevée, les prix des produits ont changé beaucoup de choses. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que l’économie mondiale croîtra à un rythme de 3,2 % en 2025, ce qui est légèrement inférieur à la moyenne à long terme.
- Il reste deux grands défis à relever. Premièrement, comme le monde a surmonté la pandémie, s’est redressé après de profondes récessions et a réussi à contenir l’inflation, de nombreuses économies occidentales doivent maintenant composer avec les énormes déficits budgétaires qui ont été créés pour faire face à ces difficultés. Les choix seront une combinaison de croissance des revenus, de réduction des dépenses ou de découverte d’un moyen de produire une croissance non inflationniste. Parallèlement, les gouvernements subissent également des pressions pour augmenter les budgets de défense, réduire les impôts ou accroître les dépenses liées au vieillissement de la population. Les importants déficits budgétaires et le coût du service de cette dette pourraient freiner la croissance à l’échelle mondiale.
- Deuxièmement, l’un des changements les plus importants sur les marchés mondiaux au cours de la prochaine année et du prochain cycle consistera à déterminer où se situent les taux neutres, ce qui pourrait entraîner une hausse généralisée des taux d’intérêt à long terme. Depuis près de 15 ans, la plupart des investisseurs et des banques centrales ont maintenu les taux directeurs neutres aux États-Unis dans une fourchette de 2,25 % à 3,25 % environ, mais, compte tenu des signes croissants de la résilience des taux élevés, un taux neutre pourrait en fait être supérieur à 4 %. Compte tenu de l’augmentation de la population, de la productivité et des investissements des entreprises aux États-Unis, le niveau neutre après la pandémie pourrait être nettement différent de ce qu’il était avant la pandémie.
Canada : Vents de changement politique – c’est notre tour
- L’économie canadienne a dépassé les attentes en évitant une récession en 2024. Toutefois, le Canada fait face à un certain nombre de problèmes bien compris, qu’il s’agisse du manque de leadership politique, du niveau d’endettement élevé ou de l’incertitude quant aux échanges commerciaux. Plus récemment, la démission très médiatisée de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, en décembre dernier, suivie de celle du premier ministre Trudeau au début de janvier, a été au centre des préoccupations. Même si la course à la chefferie du Parti libéral fera les manchettes du premier trimestre, les marchés supposeront avec raison que la principale opposition, soit le Parti conservateur, dirigé par Pierre Poilievre, formera le prochain gouvernement, compte tenu de son énorme avance de plus de 20 points dans les sondages.
- Pour ce qui est de certaines politiques, un gouvernement Poilievre maintiendrait simplement le statu quo. Mentionnons, par exemple, la récente proposition de limiter l’immigration de 2025 à 2027 et de réduire le nombre de résidents temporaires à 5 % de la population. La croissance de la population a beaucoup aidé l’économie canadienne à éviter une récession au cours des deux dernières années. Le plafonnement de l’immigration réduira l’offre de main-d’œuvre, et les entreprises pourraient s’adapter en profitant de la baisse des taux d’intérêt pour accroître leurs dépenses dans des investissements qui améliorent la productivité.
- L’incertitude concernant les échanges commerciaux était déjà au programme, car la clause d’extinction de l’ACEUM était prévue pour 2026. La nouvelle administration américaine a déjà menacé d’imposer des tarifs douaniers nouveaux et expansifs à ses trois principaux partenaires commerciaux, dont le Canada, cherchant à exercer des pressions sur un certain nombre de fronts sans lien, comme les postes frontaliers. Il reste à voir dans quelle mesure il joue et négocie, mais nous pouvons être certains que l’imposition de tarifs douaniers nuirait à la croissance et ferait grimper l’inflation aux États-Unis.
- Enfin, les bilans des consommateurs sont très différents selon le côté de la frontière où l’on réside, et ces différences entraîneront de nouvelles divergences entre les taux directeurs de la BdC et de la Fed. La BdC a abaissé les taux à une fourchette neutre, mais nous croyons qu’elle procédera à deux autres réductions au premier semestre de l’année. Tout choc externe forcera la BdC à assouplir sa politique monétaire pour adopter une position expansionniste. Le Canada a réduit les taux plus tôt et de façon vigoureuse. Déjà, les secteurs les plus sensibles aux taux d’intérêt, comme l’habitation, ont commencé à voir l’intérêt reprendre, la demande refoulée, le resserrement de l’offre de logements et l’amélioration de l’abordabilité ramenant les acheteurs sur le marché.
La politique monétaire se situe maintenant dans la limite supérieure de la fourchette neutre
Sources : Banque du Canada et Macrobond
États-Unis : L’économie supérieure est mise à l’épreuve par de nouvelles orientations politiques
- Les États-Unis demeurent en tête de file des pays développés sur le plan de la croissance économique. Cet exceptionnalisme est maintenant bien compris. L’économie a absorbé les hausses de taux de 2021 à 2022 et a poursuivi sa croissance. Il s’agit maintenant de la seule grande économie où la production est supérieure aux niveaux tendanciels d’avant la pandémie. La situation demeure encourageante, l’inflation revenant à la cible de 2 % et le taux de chômage demeurant stable autour de 4 %.
- Les quatre prochaines années seront dominées par les politiques de la nouvelle administration et les réactions du reste du monde. Le nouveau cabinet semble différent de celui du premier mandat de M. Trump, avec moins de membres favorables à la politique étrangère et plus de membres favorables aux entreprises américaines. Néanmoins, le programme politique est relativement clair, mais peu détaillé. Deux politiques visent à stimuler la croissance : la prolongation des baisses d’impôt temporaires (dans un contexte de déficits fédéraux déjà importants) et la déréglementation des secteurs de l’énergie, de la finance et des technologies. Deux autres politiques importantes sont axées sur « Les États-Unis avant tout » (« America First » en anglais). La première consiste à démanteler le commerce mondial en imposant des tarifs douaniers et en encourageant les investissements étrangers dans le secteur manufacturier afin de créer des emplois aux États-Unis. La deuxième consiste à expulser les immigrants illégaux, ce qui réduira l’offre de main-d’œuvre.
- Fait intéressant, même si les réductions d’impôt et les tarifs douaniers retiennent le plus d’attention, ce sont peut-être la déréglementation et les expulsions qui auront le plus d’impact. De nombreux migrants travaillent dans des industries à forte intensité de main-d’œuvre qui pourraient subir des pressions à la hausse sur les salaires. Les répercussions se feront sentir sur les biens de première nécessité, comme les aliments et le logement. Selon les recherches du Peterson Institute, les expulsions réduiront le PIB des États-Unis de 0,5 % à près de 2 % chaque année au cours des quatre prochaines années. En effet, comme le marché américain de l’emploi est plus serré maintenant par rapport à la première année du premier mandat de M. Trump (taux de chômage de 4,2 % contre 4,7 % en janvier 2017), la réduction de l’offre de main-d’œuvre exercera des pressions à la hausse sur les salaires. Par ailleurs, la déréglementation et les réductions importantes qui y sont associées dans le secteur public par l’intermédiaire du nouveau département de l’efficacité gouvernementale ont suscité un certain optimisme à l’égard d’une rationalisation de l’ensemble de l’appareil gouvernemental. La confiance des petites entreprises aux États-Unis a bondi.
- Par conséquent, la Fed a revu à la baisse ses prévisions de réductions de taux pour 2025. Nous croyons que cette trajectoire aplatie de la réduction des taux ne nuira pas beaucoup aux perspectives de croissance, car la vigueur actuelle des dépenses de consommation ne découle pas de l’expansion du crédit, mais plutôt d’une forte croissance de la valeur nette des ménages. En effet, nous sommes d’avis que la volatilité des prix des actifs, qui pourrait avoir pour effet de freiner les dépenses de consommation, représente un risque important pour la croissance.
Tendance à la hausse de la valeur nette aux États-Unis
Sources : Fed et Macrobond
Europe : Les nouvelles ne sont pas toutes mauvaises
- Les difficultés politiques et budgétaires au sein des plus grandes économies d’Europe exacerbent les frictions géopolitiques. Le gouvernement allemand dirigé par Olaf Scholz et le gouvernement français d’Emmanuel Macron ont tous deux reculé en 2024. Les écarts de taux des obligations souveraines en France ont augmenté, et l’euro a reculé de plus de 5 % par rapport au dollar américain, semblant être sur la voie de la parité avec le dollar américain. Le PIB réel aura du mal à augmenter, compte tenu des difficultés structurelles liées à la politique commerciale. Cela comprend les tarifs douaniers américains, la concurrence de la Chine dans de nombreux secteurs (y compris l’automobile, où l’Europe a historiquement joué un rôle de premier plan), ainsi que la faiblesse du yen japonais.
- Il y a des raisons d’être optimiste ailleurs dans la zone euro. Premièrement, l’assainissement des finances publiques est largement attendu, avec le plus récent plan visant à rétablir la neutralité budgétaire cette année. Toutefois, compte tenu des problèmes des derniers mois, les rumeurs de restrictions budgétaires découlant de la réintroduction du cadre budgétaire de l’UE qui limite la dette et les déficits en pourcentage du PIB se sont maintenant estompées. Par conséquent, les craintes d’un freinage budgétaire s’apaisent. Cela est particulièrement vrai en Allemagne, où même le dirigeant de la Bundesbank, Joachim Nagel, a déclaré au début de décembre qu’il fallait desserrer le frein à la dette qui limite les emprunts à 0,35 % du PIB afin de contrer les menaces structurelles. Il a suggéré des mesures, comme stimuler les infrastructures et les dépenses de défense. Cela soutiendra la croissance au cours de la prochaine année.
- Par ailleurs, l’inflation ralentit, ce qui aidera les revenus réels, car les salaires demeurent convenables, et permettra à la Banque centrale européenne de continuer à prendre des mesures de relance graduellement. Enfin, d’autres pays européens, notamment l’Espagne et l’Italie, enregistrent une solide croissance. Dans un revirement de stabilité, l’Italie sera le seul pays du G7 à ne pas avoir changé de dirigeants au cours des deux dernières années.
Les salaires dans la zone euro n’ont pas diminué
Sources : ECB et Macrobond
Chine : Aucun plan budgétaire préventif, aucune préparation aux négociations sur le commerce mondial
- Beaucoup de choses ont changé en Chine au cours des huit années qui ont suivi le début de la première présidence de Trump. L’effondrement du secteur immobilier a notamment entraîné une grave récession bilancielle qui persiste aujourd’hui. Le gouvernement a adopté une approche passive et n’est pas intervenu en mettant en place des mesures de relance budgétaire ou de sauvetage. Par conséquent, les taux d’intérêt ont chuté considérablement, atteignant 1,6 % et tombant sous les taux de rendement japonais. Ailleurs, toutefois, les données économiques ont dépassé les attentes. La croissance des exportations demeure solide, les indices des directeurs d’achats du secteur manufacturier revenant en territoire expansionniste à la fin de 2024. Une partie de cette situation est probablement attribuable à l’anticipation des charges et à la constitution de stocks avec des tarifs douaniers qui se profilent à l’horizon. Néanmoins, il convient de noter que, depuis 2017, les exportations chinoises vers les États-Unis sont passées d’environ un cinquième des exportations totales à seulement 15 %, et les partenariats commerciaux ont plutôt pris de l’expansion avec les pays d’Amérique latine et de l’ANASE.
- Les dépenses budgétaires, lorsque le gouvernement choisira de les déployer, devraient améliorer les perspectives de croissance. Par exemple, l’ensemble de politiques inattendues de la Banque populaire de Chine en septembre dernier comprenait un soutien de 800 milliards CNY en liquidités pour le marché boursier. Il a produit une réaction à court terme, l’indice CSI ayant bondi de 30 % en quelques jours, mais il s’est depuis atténué. Il est peu probable que le gouvernement chinois s’engage dans un important soutien budgétaire préventif pour les consommateurs de la même façon cette année, mais il se garde des munitions pour les prochaines négociations durant la deuxième présidence de Trump.
Les taux obligataires chinois passent sous les taux obligataires japonais
Sources : JBT et Macrobond
Valorisations
VALORISATIONS : La croissance des bénéfices sera essentielle en 2025
- La croissance des bénéfices des sociétés au Canada a été légèrement positive en 2024 en raison de plusieurs facteurs, comme la hausse des taux d’intérêt, la baisse des prix de l’énergie, la faiblesse de la productivité et le ralentissement de l’économie, qui se sont combinés pour exercer des pressions sur la croissance des bénéfices. En revanche, les bénéfices des sociétés américaines ont affiché une forte croissance d’un peu moins de 10 %, grâce à la robustesse de l’activité de consommation, à la stabilité du marché de l’emploi et à la résilience du secteur non manufacturier, ce qui témoigne de l’exceptionnalisme des États-Unis.
- Pour 2025, nous prévoyons une croissance soutenue des bénéfices des sociétés aux États-Unis et une accélération au Canada. Une politique monétaire moins restrictive devrait assouplir les conditions financières, ce qui soutiendra le PIB et les bénéfices. Nous prévoyons que la croissance des bénéfices s’étendra à un plus grand nombre de secteurs, ce qui favorisera un contexte plus stable aux États-Unis et au Canada. Au Canada, le taux d’épargne élevé des consommateurs et la baisse des taux d’intérêt devraient soutenir les dépenses. En outre, une élection fédérale et un nouveau leadership pourraient stimuler l’activité économique. Toutefois, le risque lié aux tarifs douaniers persiste et l’ampleur de leur incidence demeure incertaine.
- Les marges bénéficiaires des sociétés en 2024 sont restées stables au Canada, tandis qu’elles ont légèrement augmenté aux États-Unis. En 2025, nous prévoyons une croissance des marges dans les deux pays en raison de la baisse graduelle des coûts de la main-d’œuvre et des autres intrants, de la diminution des frais réglementaires et d’intérêts ainsi que de l’élargissement de la croissance des revenus dans un plus vaste éventail de secteurs par rapport à 2024.
- Aux États-Unis, nous prévoyons cette année une hausse de 12 % du bénéfice par action (BPA) pour les sociétés de l’indice S&P 500. Comme une plus grande stabilité est attendue dans l’ensemble des secteurs de l’économie canadienne, nous prévoyons une croissance des bénéfices de 8 % pour l’indice composé S&P/TSX. Nos prévisions de BPA pour 2025 sont de 268 $ l’action aux États-Unis, ce qui est légèrement supérieur aux prévisions consensuelles de 263 $, et de 1 540 $ l’action au Canada, ce qui est modestement en deçà du consensus de 1 600 $.
- À l’échelle mondiale, la croissance des bénéfices de l’indice MSCI Monde tous pays devrait être légèrement plus faible que celle du Canada et des États-Unis. La plus forte croissance des bénéfices dans le monde devrait provenir des États-Unis et des marchés émergents. Toutefois, compte tenu de la croissance atone en Chine et des difficultés persistantes en Europe, ces régions devraient peser sur le taux global de croissance des bénéfices à l’échelle mondiale.
La croissance des bénéfices devrait se poursuivre
Croissance des bénéfices
Sources : I/B/E/S, Bloomberg et Macrobond
VALORISATIONS : Stabilité en vue pour les ratios
- En 2024, les ratios de valorisation ont connu une expansion tout au long de l’année, atteignant des niveaux exceptionnellement élevés aux États-Unis et des sommets inégalés depuis des années au Canada. La résilience de l’activité économique combinée au ralentissement de l’inflation a soutenu le scénario d’un atterrissage en douceur, ce qui a favorisé l’expansion des ratios. L’élection présidentielle aux États-Unis a elle aussi contribué à l’optimisme des marchés qui a alimenté cette expansion.
- En 2025, les ratios cours/bénéfice (C/B) au Canada et aux États-Unis devraient rester globalement inchangés, à environ 17,3 et 24,4 respectivement, pour les 12 derniers mois. Les ratios de valorisation sont actuellement plus élevés que la moyenne, en particulier aux États-Unis. Même si une politique monétaire moins restrictive et une activité économique positive soutiennent l’expansion des ratios, ces facteurs sont largement pris en compte dans les niveaux actuels, ce qui laisse entrevoir un potentiel limité de hausse supplémentaire à partir de maintenant. Nos prévisions de fin d’année pour l’indice s’établissent à 6 545 (indice S&P 500) et à 26 700 (indice composé S&P/TSX), en raison de la croissance des bénéfices. Ces prévisions sont légèrement inférieures à celles du marché actuellement et tablent sur un rendement d’un peu plus de 10 % aux États-Unis et un rendement d’un peu moins de 10 % au Canada par rapport aux niveaux de fin de 2024.
- Les valorisations boursières ont augmenté à l’échelle mondiale, mais dans une moindre mesure. Les ratios C/B des régions à l’extérieur des États-Unis, comme l’EAEO et les marchés émergents, ont grimpé, mais ils demeurent inférieurs aux moyennes historiques ou près de celles-ci. L’expansion des ratios devrait être limitée dans ces régions en 2025, mais les politiques monétaires expansionnistes et les mesures de relance en Chine laissent entrevoir une plus grande capacité d’expansion par rapport aux marchés nord-américains. Nous prévoyons des rendements de l’ordre de 5 % à 10 % pour les actions mondiales, et nous nous attendons à ce que les actions des marchés émergents surpassent celles des autres régions du monde. L’Europe pourrait toutefois connaître un rebond au deuxième semestre de 2025.
Les ratios de valorisation laissent peu de place à l’expansion
Sources : I/B/E/S, Bloomberg et Macrobond
VALORISATIONS : Des obligations tributaires de la volatilité macroéconomique
- Les obligations se sont bien comportées en 2024 pendant le cycle d’assouplissement. L’incertitude macroéconomique persistante devrait maintenir les taux directeurs relativement stables, car la Réserve fédérale américaine (la Fed) et la Banque du Canada (la BdC) ont adopté une approche plus graduelle en matière d’assouplissement monétaire. La Fed, en particulier, devra procéder avec prudence. Même si des réductions de taux d’intérêt sont toujours prévues, les autorités monétaires semblent approcher de la fin de leur cycle d’assouplissement, à moins d’un nouveau ralentissement économique. Au cours de cette phase de transition, les perspectives de marché devraient fluctuer, et les taux obligataires devraient se négocier avec une certaine volatilité, mais dans une fourchette limitée. Hors de cette fourchette, les taux obligataires stimulent l’économie ou bien deviennent suffisamment restrictifs pour provoquer un repli. Si les taux demeurent dans cette fourchette actuelle, le scénario d’un atterrissage en douceur devrait prévaloir.
- En 2024, le taux des obligations canadiennes à 10 ans a augmenté de 0,11 % pour atteindre 3,24 %. Cette modeste hausse cache une volatilité importante en cours d’année, durant laquelle le taux des obligations à 10 ans a atteint un creux de 2,89 % et un sommet de 3,47 %. Nous prévoyons que les taux obligataires continueront de se négocier dans cette vaste fourchette, à condition que la croissance économique demeure positive et que l’inflation soit bien gérée. À notre avis, les taux obligataires devraient franchir la limite supérieure de la fourchette en cas de reprise soutenue de l’inflation ou la limite inférieure en cas de récession prononcée, des scénarios que nous ne considérons pas très probables pour l’instant. Par conséquent, pour 2025, nous nous attendons à ce que le taux des obligations du gouvernement du Canada à 10 ans gravite dans une fourchette de 2,9 % à 3,5 %, et à ce que le taux au début de l’année se situe près du milieu de cette fourchette.
- Nos perspectives sont positives pour les obligations en 2025 et nous nous attendons à ce que les taux demeurent dans une fourchette sur l’ensemble de la courbe. Les écarts de crédit se sont considérablement resserrés et les marchés du crédit sont chers par rapport aux niveaux historiques. Le contexte macroéconomique actuel soutient les paramètres fondamentaux du crédit et pourrait amener les valorisations à demeurer serrées, mais il y a peu de marge de manœuvre pour un resserrement supplémentaire. Nous prévoyons un rendement de 2 % à 5 % pour l’indice obligataire universel FTSE Canada en 2025, comparativement à un taux de rendement courant de 3,58 %.
Taux à 10 ans près du milieu de la récente fourchette
Source : Macrobond
Stratégie et composition de portefeuille
Les marchés boursiers ont connu une autre bonne année en 2024, donnant suite aux gains réalisés en 2023. Une grande partie de ces gains est attribuable à l’expansion des ratios, tandis que les actions des sept géants (Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, NVIDIA et Tesla) ont apporté une forte contribution pour une deuxième année consécutive. Soulignons toutefois que l’étendue du marché s’est améliorée en 2024, tous les secteurs au Canada et tous les secteurs aux États-Unis sauf un ayant inscrit des rendements positifs pour l’année. Il convient cependant de noter qu’aux États-Unis, les dix plus grandes sociétés représentent maintenant 40 % de la capitalisation boursière de l’indice S&P 500, soit la plus forte proportion depuis 1980. Il s’agit d’une accentuation importante de la concentration du marché par rapport aux moins de 25 % d’il y a seulement cinq ans.
Les indicateurs de confiance des marchés ont bondi en raison de l’issue de l’élection américaine, de la résilience de la conjoncture macroéconomique et de l’assouplissement monétaire. L’humeur des investisseurs reflète maintenant un optimisme considérable à l’égard d’une trajectoire haussière soutenue des marchés boursiers. Le momentum derrière ces mouvements a été fort, et le contexte fondamental soutient la vigueur continue des marchés boursiers.
Toutefois, nous savons que les marchés boursiers ont atteint des sommets records et que cet optimisme sans bornes laisse peu de place à des surprises négatives, ce qui sous-entend une probabilité accrue de correction à court terme; nous considérons la Fed comme un catalyseur potentiel de cette correction. Compte tenu de la performance robuste de l’économie américaine, de l’atténuation des pressions déflationnistes au cours des derniers mois et des conditions financières qui donnent à penser que la politique monétaire est déjà expansionniste, la Fed pourrait choisir de ralentir ou d’interrompre son assouplissement. Néanmoins, la banque centrale doit faire preuve de prudence; un changement soudain vers une position plus ferme pourrait considérablement ébranler la confiance des consommateurs et des entreprises ainsi que les valorisations des actifs. En revanche, d’autres mesures d’assouplissement pourraient entraîner une reprise de l’inflation. Dans un cas comme dans l’autre, il est probable que les taux obligataires à long terme bondissent, ce qui nuirait aux valorisations des actifs risqués. Malgré tout, compte tenu de la vigueur persistante de la conjoncture économique, une correction à court terme devrait offrir une occasion d’achat favorable, car nous nous attendons à des rendements boursiers positifs, mais plus volatils en 2025.
Sur le plan géographique, nous prévoyons des rendements boursiers positifs dans les marchés développés et émergents, et nous nous attendons à ce que les marchés émergents enregistrent des rendements semblables à ceux des États-Unis. L’activité économique en Chine demeure faible; toutefois, la politique gouvernementale dans la région vise à stabiliser la croissance économique et à remédier à l’offre excédentaire sur le marché immobilier. Il reste à voir si ces mesures seront efficaces. Le ralentissement de la croissance économique est atténué par des valorisations plus attrayantes, qui offrent un plus grand potentiel d’expansion des ratios par rapport aux actions des marchés développés. Les actions canadiennes devraient profiter d’une reprise de la croissance des bénéfices après une année modeste, avec un certain potentiel d’expansion des ratios.
Les actions à petite capitalisation ont inscrit un rendement positif en 2024, mais inférieur à celles à grande capitalisation. Les actions à petite capitalisation ont tendance à enregistrer des rendements supérieurs au début du cycle et accusent habituellement un retard à la fin du cycle, en raison de la ruée vers les liquidités. Nous reconnaissons également que les actions à petite capitalisation affichent une volatilité plus élevée que les actions à grande capitalisation. À l’aube de 2025, nous demeurons prudents à l’égard des actions à petite capitalisation, car nous sommes dans un contexte de fin de cycle et nous prévoyons une plus grande volatilité. Les attentes des investisseurs sont élevées au début de l’année. L’opinion générale étant que nous avons évité une récession, le consensus prévoit une forte croissance des bénéfices, une inflation stable et une politique monétaire plus expansionniste. Toute évolution contraire à ces prévisions devrait entraîner une augmentation de la volatilité.
Les valorisations des marchés obligataires au Canada ont commencé 2025 en territoire neutre et confiné dans leur fourchette, ce qui indique qu’il n’y a ni surachat ni survente. Toutefois, comme la plupart des mesures d’assouplissement monétaire ont déjà été mises en œuvre, le potentiel de baisse significative des taux obligataires est limité en dehors d’un scénario de récession. Par conséquent, les obligations semblent moins intéressantes en 2025 qu’en 2024.
Répartition de l’actif
- Malgré des prévisions de rendements positifs pour les obligations et les actions, nous avons commencé l’année avec une position défensive, assortie d’une répartition de l’actif du portefeuille à des pondérations de l’indice de référence (position neutre). Nous avons récemment couvert la sous-pondération des titres à revenu fixe, en supprimant la surpondération des liquidités. Les rendements obligataires se sont redressés en décembre pour atteindre un niveau auquel nous voulons être neutres en ce qui concerne notre exposition aux titres à revenu fixe. Nous demeurons à l’affût des valorisations boursières élevées et nous sommes à la recherche d’une occasion plus intéressante d’augmenter les actions.
Sélection des titres et des secteurs
- Comme le risque de récession a diminué, nous avons ajouté des titres cycliques de grande qualité qui profiteront d’un élargissement de la croissance à l’échelle de l’économie. Nous avons également réduit le nombre de sociétés à faible croissance et sensibles aux taux d’intérêt, car nous prévoyons une volatilité des taux obligataires.
- Nous avons également ajouté une exposition importante aux sociétés qui peuvent générer une croissance des bénéfices supérieure à la moyenne, quelles que soient les conditions économiques. Le portefeuille est maintenant plus équilibré entre les titres cycliques de qualité et ces sociétés à la croissance résiliente, ce qui offre un potentiel de hausse si notre vision d’une croissance plus forte se concrétise. Nous avons également étoffé nos placements dans les sociétés des services aux collectivités et de l’industrie. Chacun de ces secteurs devrait profiter des dépenses en immobilisations liées à l’IA.
Obligations de sociétés
- Les écarts de taux des obligations de sociétés se sont resserrés à des creux inégalés depuis de nombreuses années (des décennies aux États-Unis). La résilience de la croissance, le ralentissement de l’inflation et la réduction des taux directeurs, ainsi que la solidité des bilans des sociétés et la forte demande des investisseurs pour des taux globaux attrayants, ont soutenu les marchés des titres de créance.
- Les écarts de crédit des obligations de sociétés canadiennes se situent actuellement à leur niveau le plus serré depuis le début de 2018. Habituellement, une récession entraîne un élargissement important des écarts de taux. Toutefois, compte tenu de la faible probabilité d’une récession imminente, les marchés des titres de créance devraient demeurer stables. De plus, les écarts de crédit actuels laissent entrevoir une tolérance limitée aux surprises négatives et un potentiel d’élargissement considérable dans un contexte de volatilité macroéconomique accrue. Même si nous ne nous attendons pas à un élargissement important, une nouvelle compression des écarts de taux est peu probable et les risques qui y sont associés sont asymétriques.
- Les portefeuilles de titres à revenu fixe sous-pondèrent modestement les obligations de sociétés et les obligations provinciales pondérées en fonction du marché par rapport à leurs indices de référence. À court terme, nous nous attendons à ce que les banques canadiennes enregistrent des rendements supérieurs, car la baisse des taux d’intérêt commence à stimuler la croissance des prêts et les renouvellements de prêts hypothécaires sont de plus en plus gérables en raison de la baisse des taux d’intérêt.
Les valorisations des titres de créance sont élevées
Sources : FTSE Global Debt Capital Markets Inc. et Gestion de placements Connor, Clark & Lunn Ltée.
Durée et courbe des taux
- Nous nous attendons à ce que l’incertitude économique persistante crée des occasions, à mesure que les intervenants du marché rajusteront leurs discours et réévalueront les attentes des banques centrales. À moins de chocs externes, les taux obligataires devraient demeurer dans une fourchette volatile, mais circonscrite. Nous gérerons la durée de façon opportuniste dans cette fourchette. En ce début de 2025, les taux obligataires se situent au milieu de la récente fourchette de négociation, ce qui justifie une exposition neutre.
- Après plus de deux ans d’inversion, la courbe des taux s’est normalisée à la fin de 2024. Au Canada, cette normalisation est principalement attribuable à la baisse importante des taux à court terme attribuable à l’assouplissement monétaire de la BdC, tandis que les taux à long terme ont augmenté au cours de l’année. Le portefeuille a maintenu une préférence pour les titres d’accentuation pendant la majeure partie de 2024, même si ce positionnement a été rajusté à mesure que la courbe des taux se normalisait. Comme les banques centrales ralentissent maintenant le rythme des réductions de taux d’intérêt, nous croyons que le potentiel d’accentuation de la courbe des taux est minime et, par conséquent, nous avons éliminé cette préférence du portefeuille.
Sommaire
- Avec l’arrivée de nouveaux gouvernements, les grands titres politiques de l’année dernière devraient se refléter dans les mesures politiques prises en 2025. À l’horizon, de nouvelles politiques en matière d’immigration et de commerce pourraient apporter des changements importants à l’offre de main-d’œuvre et de biens, ce qui pourrait créer une deuxième vague d’inflation. Les investissements des entreprises du secteur privé devraient se poursuivre à un rythme soutenu, car les sociétés s’efforcent d’adopter de nouvelles technologies. Les finances du secteur public demeurent un risque clé pour les marchés obligataires. Les déficits importants en période de plein emploi augmentent le risque de hausse des taux d’intérêt. Ces thèmes façonnent nos perspectives pour 2025. Les banques centrales évalueront la fourchette des résultats de ces politiques, la croissance aux États-Unis devrait demeurer solide, soutenue par la vigueur des marchés de l’emploi, tandis que l’économie canadienne devrait éviter une récession, ce qui entraînera une croissance faible, mais positive après un cycle d’assouplissement énergique. Les bénéfices des deux pays devraient encore augmenter, les ratios de valorisation devraient demeurer stables, et nous nous attendons à des rendements boursiers positifs. Nos perspectives sont généralement positives pour les obligations, même si elles sont maintenant évaluées à leur juste valeur et que les écarts de crédit sont serrés. Nous continuerons de rajuster le positionnement du portefeuille pour tirer parti des occasions tout au long de l’année.