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Commentary

Perspectives de mai 2023 : Analyse des conséquences sur le Canada

May 11, 2023

L'été à Coal Harbour, au centre-ville de Vancouver, Canada.

Des signes de prudence en provenance de l’étranger.

La Banque du Canada (BdC) a commencé à resserrer sa politique en mars 2022 avant la plupart des autres grandes banques centrales et a été récemment parmi les premières à prendre une pause. Or, des événements inattendus sont survenus dans d’autres pays au cours du dernier mois et il est important de déterminer s’ils pourraient avoir des conséquences sur le Canada.

Par exemple, la Banque d’Angleterre a commencé à relever ses taux avant même la BdC. À l’instar du Canada, le Royaume-Uni est sensible aux hausses des taux d’intérêt, surtout parce que les taux hypothécaires y sont généralement fixes pour des périodes de deux à cinq ans. Malgré une diminution globale de la mobilité attribuable au Brexit, le Royaume-Uni a enregistré un solde migratoire positif l’année dernière qui a fait augmenter sa population de 0,65 %. Même s’il s’agit d’une croissance légèrement supérieure à celle qui était observée avant la pandémie, elle se situe bien en deçà de l’accroissement de 2,7 % de la population au Canada. Qui plus est, l’économie tourne non seulement au ralenti au Royaume-Uni, mais le taux d’inflation y est le plus élevé au sein de l’Europe et l’un des plus élevés parmi les pays développés. De fait, l’inflation annuelle selon l’IPC y est demeurée au-dessus des 10 % sur 12 mois pendant huit des neuf derniers mois (voir le graphique 1). L’inflation de base se situe à 6,2 %, ce qui n’est pas bien loin des sommets des trente dernières années de l’été dernier. Les conséquences découlant d’un contrôle difficile de l’inflation pourraient être préoccupantes, mais l’inflation au Royaume-Uni demeure élevée avant tout en raison des pressions sur l’offre qui se prolongent depuis le Brexit et des restrictions visant les échanges commerciaux.

Graphique 1 : Le Royaume-Uni est l’un des pays développés où l’inflation est la plus élevée

Sources : Statistique Canada, Australian Bureau of Statistics, UK Office for National Statistics, Statistics New Zealand et Macrobond.

Au début du mois d’avril, la Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande a pris le marché par surprise en relevant son taux officiel d’escompte de 50 points de base (pb) pour le porter à 5,25 % en raison des préoccupations quant à une hausse de l’inflation à court terme. Les mesures d’aide budgétaires combinées aux efforts de reconstruction déployés après les récentes tempêtes sont susceptibles d’alimenter les pressions inflationnistes. La Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande et la Réserve fédérale américaine (Fed) arrivent toutes deux au premier rang au chapitre des plus fortes hausses cumulatives des taux et pourraient les relever à nouveau. En Australie, la banque centrale a marqué une pause en avril, mais même si l’inflation globale et la mesure de la moyenne tronquée de l’IPC de base ont été toutes deux un peu plus faibles que prévu pour le mois, elles demeurent supérieures aux cibles de la banque centrale, à 7 % et à 6,3 % sur 12 mois, respectivement. Au début de mai, la Banque de réserve d’Australie a pris les marchés de court lorsqu’elle a annoncé une hausse de taux de 25 pb pour faire passer son taux cible des liquidités à 3,85 %, se disant préoccupée par les prix élevés des services. Elle a souligné qu’il faudrait sans doute quelques années avant que l’inflation renoue avec le haut de sa fourchette cible.

Les taux plus élevés représentent-ils un risque important?

Comme de nombreux autres pays, le Canada s’adapte aux hausses de taux qui ont été décrétées. À première vue, le pays semble bien se tirer d’affaire compte tenu des prêts hypothécaires à taux variables à court terme, de sa grande sensibilité aux hausses de taux d’intérêt en raison du taux d’endettement élevé, et de sa forte exposition au secteur des matières premières qui est sensible aux cycles économiques. Malgré tous ces facteurs de risque, les banques ne sont pas plongées dans la tourmente, on observe un nombre inférieur de mises à pied à grande échelle et les défaillances sur prêts hypothécaires ne grimpent pas en flèche. Or, ici comme ailleurs, du moins à court terme, il ne faudrait pas sous-estimer le risque d’un nouveau resserrement surprise de la politique monétaire. En effet, le Résumé des délibérations de la BdC publié en avril montre que la nécessité de hausser à nouveau les taux a été évoquée. Cette position peut très bien se justifier.

Même s’il est encore trop tôt pour parler d’une tendance, le marché canadien de l’habitation semble avoir repris de la vigueur au cours du printemps. Au début de la saison, les nouvelles inscriptions ont touché un creux des 20 dernières années pour le mois de mars, tandis que la demande attribuable à la formation de ménages et à l’immigration est forte. Cette situation a été observée au moment où les taux hypothécaires ont atteint leur pic, la BdC ayant cessé de relever les taux. Les taux hypothécaires à 5 ans ont fléchi depuis leur sommet de 5,88 % atteint en octobre dernier, et la plus récente hausse de taux de 75 pb de la BdC n’a eu que peu d’effet. Par conséquent, les prix des logements des grandes villes sont en hausse depuis deux mois.

Les politiques budgétaires stimulent l’économie : les gouvernements provinciaux ont annoncé environ 6 milliards de dollars sous forme d’aide supplémentaire et de baisses d’impôt, alors que le montant accordé par le gouvernement fédéral atteint presque le double, à savoir 13 milliards de dollars. Ces mesures de soutien retardent le ralentissement prononcé de l’économie et viennent contrecarrer le resserrement monétaire. Sans doute la leçon la plus importante à retenir des autres pays est que l’inflation globale pourrait demeurer au-dessus de la cible, surtout si l’on tient compte de la croissance du salaire horaire moyen à l’échelle du pays qui surpasse les 5 % (voir le graphique 2).

Graphique 2 : Forte croissance du salaire au Canada susceptible de dépasser la cible d’inflation

Sources : Statistique Canada et Macrobond.

Même si nous sommes d’avis que la hausse des taux est fort probablement terminée, plus l’inflation reste longtemps au-dessus de la cible explicite, plus cela nourrit les anticipations extrapolatives, ce qui rend le contrôle de l’inflation encore plus difficile. Ainsi, même si la BdC ne décrète pas de nouvelle hausse de taux, la politique monétaire risque de demeurer stricte et les taux pourraient rester élevés pendant une plus longue période. Les marchés ne tiennent pas compte de ce scénario. Les conséquences sur les prix des actifs sont importantes; le maintien des taux élevés alimente les tensions, ce qui les rend d’autant plus difficiles à régler.

Marchés financiers

Après trois des quatre plus grandes faillites bancaires aux États-Unis, avril a été, contre toute attente, l’un des mois les plus calmes sur les marchés. Les indices de volatilité des marchés obligataires et boursiers se sont repliés, comme en témoignent les variations quotidiennes et mensuelles des prix. Deux secteurs sont sortis du lot : Les actions des banques régionales américaines ont poursuivi leur chute, plombées par First Republic. Ensuite, l’univers des bons du Trésor américain, qui est réputé pour son calme, a été ébranlé par les inquiétudes entourant le relèvement du plafond de la dette des États-Unis. Les investisseurs ont privilégié les échéances inférieures à 1 mois afin d’éviter tout risque de défaillance attribuable au plafond de la dette, ce qui a fait baisser les taux de rendement et augmenter les écarts de taux des bons du Trésor à 3 mois à des niveaux historiques.

Au Canada, les taux obligataires ont peu varié au cours du mois, tandis que les écarts de crédit des obligations de sociétés se sont resserrés, ce qui a fait progresser l’indice des obligations universelles FTSE Canada de 0,98 %. Les bénéfices publiés par les sociétés ont été encourageants, ce qui a permis aux marchés boursiers de se redresser après avoir été secoués en mars. L’indice MSCI Monde tous pays a progressé de 1,4 %, en particulier grâce aux marchés développés. L’indice S&P 500 a avancé de 1,6 %, principalement en raison de la performance du secteur des technologies de l’information qui a été favorisé par la diminution des taux d’intérêt, ce qui a contribué à faire augmenter les valorisations. Au Canada, l’indice composé S&P/TSX a fait belle figure, grâce à un gain de 2,9 %. Les matières premières se sont mal comportées dans l’ensemble en avril, sauf pour le pétrole dont le prix du baril WTI a atteint un sommet de 83 $ US en raison de la baisse de la production annoncée au début du mois par les pays membres de l’OPEP+. Cette poussée a été de courte durée et les prix ont retraité pour clôturer le mois à peu près au niveau auquel ils l’avaient commencé.

Stratégie de portefeuille

À l’instar des autres économies, les conditions de fin de cycle au Canada présentent des risques multiples, et il est improbable que les banques centrales sortent l’artillerie lourde en cas de ralentissement. Même si les données économiques publiées récemment montrent que la vigueur s’essouffle, les consommateurs puisent dans leur épargne excédentaire et les entreprises cherchent à réduire leurs dépenses, un processus qui prend du temps. Or, l’inflation demeure obstinément élevée et nous n’entrevoyons aucune baisse importante des taux d’intérêt à court terme. Selon nos prévisions, une récession est le scénario le plus probable pour la deuxième moitié de 2023.

Dans nos portefeuilles fondamentaux d’actions, nous recherchons toujours des sociétés qui présentent de solides paramètres fondamentaux, un atout pour composer avec un ralentissement de la croissance économique. Notre portefeuille demeure positionné de façon défensive et une réelle priorité est accordée à la stabilité des bénéfices, à l’échelle des secteurs et des titres. Toutefois, nous sommes également à la recherche d’occasions de placement dans des sociétés cycliques survendues qui sont susceptibles de tirer leur épingle du jeu lorsque la reprise économique se produira. Nous suivons une approche semblable à l’égard des obligations de sociétés dans notre portefeuille de titres à revenu fixe, alors que nous demeurons patients pour ajuster notre positionnement macroéconomique en prévision d’une récession plus tard cette année. La composante d’actions demeure sous-pondérée en faveur de la position en liquidités dans nos portefeuilles équilibrés. Nous continuons d’analyser les données au pays et les événements qui se produisent ailleurs dans le monde, à la recherche d’occasions pour les périodes de calme et de volatilité sur les marchés.

CC&L Investment Management Ltd.
May 11th, 2023